Chapitre 2 — La tristesse du chagrin
Araknida se hissa le long de la corde qui ancrait le bateau volant au sol de ses muscles félins et experts en escalade. Une fois à l'intérieur, elle ouvrit la porte du poste de pilotage qui par miracle n'avait même pas été fermée à clé, et fit décoller le bateau sans songer un instant qu'elle ne connaissait rien en navigation. Luxurya rétrécissait en-dessous d'elle, jusqu'à devenir un point tout petit ; qui aurait cru que la cité immense pouvait être minuscule vue de très très haut !
Ainsi s'élevait-elle au beau milieu de la chape de nuages noirs qui recouvrait toute la Luxurye. Vers où allait-elle désormais ? Pourrait-elle jamais revoir son quartier natal ? Une profonde tristesse l'envahit soudainement : sa vie ne serait donc qu'une errance là où le destin voudrait bien la laisser s'égarer. Le monde l'empêchait d'être elle-même, d'ailleurs elle ne savait même pas qui elle était : elle se retint de verser des larmes de sang.
Elle s'apprêtait à se pendre avec le cordage le plus proche quand soudain la porte de la cabine s'ouvrit. Araknida fit volte-face et dégaina ses deux poignards empoisonnés : il y avait quelqu'un d'autre à bord de ce vaisseau !
Un étrange être aux cheveux longs et aux oreilles pointues lui fit face, avec derrière lui une étrange créature hirsute au sourire fendard.
« Ça y est, Belkaroth. On est rentrés à la maison.
— Mais qui diable donc pouvez-vous être ? s'exclama Araknida.
— Je suis l'elfe Syphilis, et vous êtes à bord du Retcoin, le vaisseau volant que j'utilisais pour vaincre Tenebror avec ma bien-aimée Chlamydia. »
Syphilis ! L'elfe qui avait sauvé Nanarnya et le royaume des elfes ! Mais Nanarnya était tombé peu de temps après sous la domination du Sidhe Veyyash... Et le royaume des elfes était désormais devenu le royaume des elfes noirs...
« Je n'en crois point mes mirettes ! s'exclama-t-elle sans accorder le moindre crédit à ce qu'elle voyait. Vous ne pouvez pas être cet homme !
— Non..., s'écria Belkaroth. Ce n'est pas un homme puisque c'est un elfe ! »
Et ils éclatèrent de rire tous les trois. Rire... Araknida ne l'avait jamais fait... C'était si... étrange. Comme si un torrent de papillons se déversait dans sa gorge...
« Mais où allez-vous à bord de ce vaisseau en route pour une destination inconnue ?
— Il s'agit d'une mission hautement confidentielle, rétorqua Syphilis. Je me dirige vers ce qui fut la Ténébrie pour vérifier si Tenebror est bien mort, mais je n'ai pas le droit de vous dire pourquoi.
— Mais vous avez vous-même tué Tenebror !
— Très bien... Tout a commencé il y a 500 ans, en des temps si lointains qu'il est impossible de les mesurer. Moi et Chlamydia filions l'amour parfait après avoir vaincu Tenebror. Mais c'était sans compter son allié le Sidhe Veyyash qui avait plus d'un tour dans son sac ! Il parvint à vaincre Nanarnya avec l'aide des elfes noirs, en échange de quoi il leur livra l'Elfie.
— Mais Veyyash ne déteste-t-il point les elfes noirs ?
— Il les détestait il y a bien longtemps de cela, avant de se rendre compte qu'il était aussi maléfique qu'eux. Tellement maléfique qu'il enleva Chlamydia dans son sombre donjon pendant 400 ans pour la rendre semblable à lui. La légende dit que seul un baiser d'amour sincère lui permettra de redevenir elle-même.
— Et vous n'avez pas pensé à la délivrer entretemps ?
— Silence, insolente ! Bref, une résistance commençait à se créer grâce à la reine Chlitorhys dans les lointaines Montagnes du Nord : la Lueur d'Espoir, fondée par des guerriers nobles, valeureux, intelligents, courageux et beaux comme moi. C'est alors que nos oracles apprirent que quelque chose se tramait en Ténébrie. Tenebror, comme chacun le sait, était un nécromancien. Or celui-ci semble avoir décidé de s'auto-invoquer, mais pour cela il lui manque l'Atrefact Magique, un mystérieux objet que nous autres les elfes détenons depuis des générations dans un coffre bien gardé.
— Mais c'est absolument horrible ! Qu'allons donc-nous pouvoir faire ?
— Eh bien envoyer un espion tel que moi à la recherche d'informations pour savoir si Tenebror est effectivement en train de se réincarner.
— Mais si on vous prenait en otage et qu'on exigeait l'Atrefact en échange ?
— Allons ! Cela n'arrivera jamais car nous autres les elfes sommes les plus intelligents ! »
Derrière lui, Belkaroth avait décidé de faire le pitre en jonglant avec la boussole et les cartes de bord. Araknida ne put réfréner un rire sincère et cristallin.
« Ainsi donc nous voici embarqués pour une fabuleuse aventure, déclara-t-elle. Mais qui sait ce qui pourrait nous arriver ?
— Aucune raison qu'il nous parvienne le moindre souci, mes enfançons, sourit l'elfe tel un père regardant sa progéniture. J'ai regardé les instruments magiques de bord et il ne devrait nous arriver aucun ennem... »
Un coup de tonnerre retentit soudainement. Tous trois se précipitèrent au hublot, affolés par l'étrange silhouette d'un autre navire volant qui se dressait devant eux. Syphilis devint blême, encore plus blanc que ne l'était déjà son albâtre peau d'elfe parfaite, et souffla entre ses dents parfaitement alignées :
« Ce vaisseau... C'est le vaisseau de Chlamydia ! »
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