Chapitre 05

6 minutes de lecture

Le tour à faire dans ce village n'est pas très long pour se rendre compte qu'ici... il n'y a personne. Pas d'activité, mais rien n'a été abandonné. L'arrêt semble propre et net, aucune trace d'une pagaille collective ou de panique qui aurait poussé les habitants à fuir.

Ils sont juste partis.

Le Docteur Willem pose sa valise sur le sol et frotte les verres de ses lunettes, il est revenu sur ses pas vers la sortie de ce village.
 « Quelle chaleur ici... » Remarque-t-il en cherchant une dernière fois du regard autour de lui.
 La chaleur débute un peu plus tôt sur le chemin, et ce sur toute la périphérie à environ deux kilomètres. N'importe qui pourrait constater que ce n'est pas normal, le reste du pays n'est pas touché par une aussi grosse vague de chaleur. Le Docteur Willem n'est jamais venu ici, et il s'assure qu'il ne reviendra pas. Derrière lui, il remarque l'entrée d'une petite forêt, elle n'est pas très dense, et comme il y a de l'ombre, il s'y dirige pour boire l'eau de sa gourde.
 C'est en observant les arbres et des feuillages qu'il découvre une sorte d'entrée, semblable à celle d'un terrier de lapin mais à hauteur d'homme. Au-dessus de celles-ci tombent de jolies lianes fleuries par une végétation qu'il ne connaît pas. Ce sont des fleurs aux couleurs chaleureuses, et qui malgré la forte température se portent magnifiquement bien. Cette étrange beauté l'intéresse, il se met à avancer vers l'entrée prudemment. Aucun son ne sort de celle-ci, et jusqu'à maintenant, pas de lumière. C'est en s'y enfonçant un peu plus qu'il se rend compte que le sol est en légère pente, il se tient aux parois avec une main et tient fermement son sac de l'autre. De la lumière commence à apparaître dans le fond. À partir d’ici, le sol est parsemé de ces étranges fleurs jaunes, et le Docteur Willem a comme l'impression que ce sont elles qui font émaner de la lumière. Plus il avance, plus il y en a.
 A présent, le voilà dans un hall sous terre, une petite grotte remplit des fleurs jaunes et dont le fond du sol est inondé d'eau, un minuscule lac incroyablement clair dans lequel poussent ces fameuses fleurs, et elles sont tellement lumineuses que ce lac paraît magique, aucunement besoin d'éclairage externe.
 « Nom de Dieu... »
 Au milieu du lac, il y a un garçon qui dort contre les fleurs, recroquevillé sur lui-même, l'eau n'est pas assez haute du tout pour le submerger. Il est appuyé contre une voile de bateau usée et déchirée par endroits, en guise d'oreiller. Hormis cela, il n'y a rien d'autre de notable ici.
 « Est-ce que tout va bien ? » S'alarme-t-il lorsqu'il remarque que ce garçon ne réagit pas à sa venue. Le docteur Willem se précipite vers l'intérieur du lac pour s'assurer de sa bonne respiration.
 Mercure ouvre péniblement les yeux, sortant d'un long et lourd sommeil.
 « Mon garçon que se passe-t-il ? Pourquoi dormir dans un endroit pareil ? » Le Docteur relève le dos de Mercure, mais le jeune garçon ne comprend pas, il se sent sonné et ne voit pas pourquoi on s'inquiète pour lui.
 « Qui êtes-vous ? » Tous les habitants du village se connaissent et cet homme n'en fait pas partie. Mercure l'observe un instant, quelqu'un d'un âge second, bien habillé, soigné et soigneux, il a un sac avec lui et le nœud qu'il porte sur la poitrine semble familier au garçon.
 « Vous êtes médecin ?
 — Oui mon garçon. Mais toi, dis-moi plutôt, où est ta maison ? Ta famille ? 
 — Ma maison est ici, et je n'ai pas de famille. Agathe et Monsieur Ford sont partis pour l'été mais ils ne sont pas vraiment ma famille. »
 Il est compliqué pour le nouvel arrivant de comprendre ce que lui raconte le jeune garçon, malgré un effort mental.
 « J'ai remarqué que personne ne se promenait dans les rues, c'est bien étrange non ? Comme s’il n'y avait personne, je n'ai jamais vu ça.
 — C'est normal, tout le monde s'en va l'été parce qu'il fait beaucoup trop chaud. Les céréales et les plantations sont trop compliquées à cultiver, ils n'arrivent pas à nourrir le bétail, ni même les habitants en entier.
 — Tu es tout seul ? » Mercure a besoin d'un petit temps de réflexion, comme pour se rendre compte de ce qui est en train de se passer.
 « Oui. » Désemparé, le Docteur Willem n'a plus aucune question qui lui vienne à l'esprit, ou du moins aucune qui lui semble avoir une réponse commune.
 « Bien... j'étais à la recherche d'un ami à moi mais j'ai bien l'impression que je devrais attendre la fin de l'été. Dis-moi mon garçon, y a-t-il un endroit où je puisse passer la nuit dans ce village ? J'ai fait un long voyage, je n'ai aucune envie de faire demi-tour dès maintenant. »
 Soudain, le jeune homme affiche un grand sourire et se lève d'un bond, à la mesure de son caractère.
 « Bien sûr ! Je vais vous conduire à la petite auberge du grand-père d'Agathe, enfin ce n'est pas vraiment son grand-père mais lui et Monsieur Ford sont très proches alors... enfin. Même s'il n'est pas là, il se ferait un plaisir de vous recevoir. » Le Docteur Willem est un peu obligé de suivre Mercure qui se précipite vers la sortie de son petit abri, la chaleur retombe violemment une fois à l'air libre, elle force à se frotter le front et secouer le col de sa chemise.
 Entrer dans le cœur d'un village vide est d'une étrangeté angoissante, il n'y a pas de bruit, pas de mouvement, même pas de petits oiseaux qui gazouillent dans les arbres. Il n'y a pas assez de feuilles en bonne santé pour poser leur nid. Toutes les plantes et devantures de fleurs sont en ruine et brûlées, elles dégradent malgré elles l'atmosphère de ce village qui semblait pourtant paisible.
 Mercure et le Docteur Willem s'engagent sous un petit tunnel qui mène à un portillon en bois. Derrière se trouve un joli jardin muni de tables et de chaises colorés, autant que tous les volets de la façade de l'auberge. L'herbe du jardin n'a pas été coupée depuis plusieurs semaines évidemment, elle envahit la terrasse et le lierre se permet de grimper sur le côté droit de la grande maison.
 « Comment allons nous entrer si le propriétaire n'est plus ici ?
 — Nous allons passer derrière. » Le Docteur Willem s'inquiète à l'idée de s'introduire de cette façon dans l'auberge d'un vieux monsieur, et s'apprêter à y passer la nuit sans payer le propriétaire, mais Mercure a l'air tellement confiant.
 Le jeune homme passe sur une suite de dalles en béton sur le côté de la maison, en dessous des arbres et près des buissons de la résidence d'à côté. Ensuite il descend quelques marches en pierre confondues dans le jardin. Enfin, tout en bas il y a une petite porte en bois qui ouvre une cave construite dans une minuscule colline. Pour déverrouiller la porte il faut lever le crochet de moitié et pousser, rien de plus simple, mais quelqu'un qui ne le saurait pas resterait coincé à l'extérieur. Bien sûr, à l'intérieur il fait noir, Mercure sait toujours très bien où il va, il grimpe un escalier qui grince et les voilà enfin au cœur d'un grand salon, c'est le séjour que peuvent partager les invités et locataires. La poussière s'est installée depuis le départ du propriétaire, c'est bien normal, en revanche la sobriété et le décor épuré apaisent les esprits et fait s'envoler l'idée de temps qui passe, et de saleté qui pourrait s'inviter.
 « Il y a trois chambres au rez-de-chaussée, et cinq à l'étage, vous pourrez choisir celle qui vous plaît le plus. Ma préférée est celle au bout du couloir, il y a une fenêtre sur le jardin et le matin le soleil tape en plein dedans. »
 A vrai dire, le Docteur Willem n'a pas de préférence ou de critère à suivre, ce ne sont pas vraiment ses priorités en ce moment.
 « Mon garçon, tu ne sembles pas te rendre compte... » Pense-t-il en tournant très légèrement la tête d'un côté et de l'autre.
 Soudain, le médecin est dérangé dans ses pensées par une panique imprévisible du garçon.
 « Ho ! La nuit va tomber je dois vite rentrer avant que le soleil ne se couche ! Au revoir docteur ! Passez une bonne nuit !
 — Quoi ? Mais... comment ça... attend ! Mon garçon, dis-moi, quel est ton nom ? » Se retrouver seul, dans un village vide, et sans plus d'explications que ça ne met pas à l'aise le visiteur. Le col de sa chemise lui donne chaud.
 Le jeune homme se retourne d'un pas brusque alors qu'il courrait vers l'escalier qu'ils ont emprunté auparavant.

Annotations

Vous aimez lire Laouenn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0