Chapitre 49
LE PHARE MOSAIQUE
Le vent s’est adoucie depuis leur départ, mais le brouillard est plus épais. La mer n’est plus autant agitée, le Docteur pense qu’il va pouvoir accoster près du phare sans difficulté. Bientôt, on le verra au loin, quelques mouettes survolent l’embarcation. Alors il prépare immédiatement les amarres, son vieux bateaux produit des sons de grincements du au manque d’entretien de ces dernières années. Quel dommage, dont bateau était si fière.
Ici, les rochers ne sont pas une gêne pour accoster, un petit quai en pierre est construit, il peut accueillir jusqu’à trois voiliers de taille moyenne. L’arpège se rapproche doucement, soudain, le docteur aperçoit une toute petite embarcation le long du quai.
« Il y a quelqu’un... » murmure t-il sans lâcher de vue la barque et ses rames laissés à l’abandon sur le sol.
Le docteur coupe le moteur et attache solidement son bateau en sautant sur le quai. Ensuite, il replie les voiles usées et range son matériel. Mercure dort encore, il est installé sur une des couchettes intérieurs du voilier en attendant d’arriver à destination. Le docteur à également jugé bon de l’isoler des courants d’air frais de la mer et de l’eau qui éclabousse, et humidifie les vêtements. Près de son visage repose la fleur jaune, une façon de le rassurer sans doute.
« Mercure, réveille-toi, nous sommes arrivés.
— Où ça ? » Demande faiblement le rouquin, il a du mal à émerger du sommeil.
C’est bien celui-ci, que Agathe avait pointé du doigt, ce tout petit point rose sur la carte. Les vitraux sur la façade cylindrique, et les morceaux de carreaux colorés qui forment des décorations ne laissent aucun doute.
Le Phare Mosaïque.
Agathe avait raison, il est magnifique. Mercure et le Docteur Harris avancent lentement vers l’entrée principale, c’est une toute petite porte en bois mais elle aussi est décorée. En attendant que le Docteur cherche les clefs dans ses poches, le rouquin s’assoit péniblement sur un rocher taillé, près de l’entrée. Il y en a d’autre mais celui-ci est le plus proche, il n’a pas la force de marcher dix pas de plus. Silencieusement, il observe le trousseaux contenant une quinzaine de clefs, qui doit être lourd à porter continuellement. Elles ont toutes l’air vieilles et fatiguées, rouillées, dégarnies.
« Pourquoi avez vous les clefs du phare ?
— Parce que c’est moi qui l’ai construit. »
Toutes ces décorations ne pouvaient être l’œuvre de quelqu’un d’autre, c’est vrai. Les dessins carrelés suggèrent des vagues, des animaux marins, des fresques de fleurs et de végétations, le tout est cohérent et apaisant, les couleurs pastels adoucissement les pensées de Mercure.
« Avec des amis évidement, je n’étais pas seul. J’ai adoré poser la mosaïque, une par une. C’est ce que j’ai toujours préféré faire.
— Comme à la maison de Porcelaine.
— Tout à fait, comme à la maison de Porcelaine. »
La porte s’ouvre avant même que la clef n’ait pénétré dans la serrure. Mercure est surprit, mais sans dire un mot le Docteur Harris l’aide à se lever, et le fait entrer dans le phare.
Le sol est si beau, entièrement recouvert de mosaïques colorées. Et Mercure pense que si le soleil passait à travers les vitraux, la lumières imprégnerait l’espace de couleur saturés. Les fresques sur les murs de pièces grimpent en colimaçons, suivant les marches de l’escalier. Et ce jusqu’en haut, bien-sûr. Le travail est titanesque, n’ayant aucune fibre artistique, Mercure ne peut imaginer le temps nécessaire à une telle œuvre d’art.
« Agathe avait raison, ho... » Murmure le rouquin sans détacher les yeux des vagues morcelé et figées.
Le sol sur lequel ils marchent, est une immense fleur jaune.
Depuis le premier palier, et seul étage qui se trouve tout en haut du phare, des bruits de pas interpellent les nouveaux arrivants. Mercure et Monsieur Harris lèvent la tête, quelqu’un s’appuie contre la rambarde de sécurité, il vient de surgir de derrière un mur en pierres bleues.
« L’intrus... » Se met à penser le docteur Harris prudent, il imagine un pécheur un peu trop curieux venu visiter les lieu ou boire discrètement, ou bien ayant déjà tout avalé, mais…
« Matthew ! » S’extasie le vieil homme depuis la-haut. Le Docteur Harris change de visage immédiatement, de la surprise au premier abord, puis, une joie démesurée.
« Johan !
— Docteur Willem ? C’est bien vous ? » Demande Mercure en plissant les yeux, il n’est pas sûr de ce qu’il voit, tout ce qui se trouve à plus de dix mètres est un peu flou, il a peur de se rendormir.
Le Docteur descend les marches prudemment mais rapidement, il adorerait venir prendre dans ses bras son vieux copains, mais la santé de Mercure est une priorité. Il demande ce qui a bien pu se passer mais l’histoire est longue, mieux vaut s’occuper de lui d’abord, et parler après.
***
En haut, c’est une pièce circulaire divisé en deux parties, meublée confortablement, et entouré de vitres sur toute la surface. Quelqu’un pourrait vivre ici sans problème, la deuxième partie de la grande pièce comporte un évier, des sanitaires et une douche étroite. Quelques rangements sont à disposition pour les affaire du locataire. Pour manger, dans la première partie se trouve une petite gazinière, on ne peut poser dessus qu’une seule poêle ou casserole à la fois. Il y a même un tout petit frigidaire mais celui-ci n’est pas branché et ne comporte rien.
Les deux Docteur ont étalés sur le sol plusieurs couvertures à disposition depuis un meuble en bois, et des oreillers qui venait du canapé rouge rubis. Mercure est allongé bien au chaud dans son nouveau nid douillet, il ne dort pas encore, et ressent tous les frottements sur sa blessure. Depuis tout à l’heure, le docteur Harris est forcé de constater qu’elle à fait la moitié du travail de cicatrisation toute seule, passionnant. Ils sont tous les deux assis sur le sol près du rouquin, ils étalent proprement et délicatement les pétales qu’il leur reste de la fleur jaune, jusqu’à aujourd’hui le seul moyen miraculeux de soigner une quelconque blessure sur le corps de Mercure.
« Comment te sens-tu, Mercure ? » Demande le Docteur Harris avec une voix tendre.
Mercure l’observe, profitant du calme ambiant, ce dont il manquait depuis qu’il est partie de chez Monsieur Ford. Un homme blond, bien coiffé, lui et le docteur Willem ont le même âge, mais Matthew Harris à l’air d’être plus jeune dans sa tête, comme un enfant qui n’a pas su grandir totalement. Il est physiquement mieux entretenu, il ressemble à un ancien héros à la retraite, avec sa mâchoire carré et son nez allongé. C’est lui qui propage le calme agréable, son caractère est radicalement différent de celui de son ami.
« Je crois que ça va. Mes crises d’anachronismes ont cessées. » Au vu des deux visages confus, ce point n’a pas encore été analysé.
« Docteur Willem, pourquoi êtes-vous ici ?
— J’ai entendu ce qu’il s’est passé à propos de toi et de l’institue de la médecine. J’ai immédiatement voulu revenir à Dryade mais quand je suis arrivé, Monsieur Ford m’a expliqué que Agathe et toi étiez partie. Il m’a donné les clefs de ce phare, et m’a demandé d’attendre ici. Il était persuadé que vous y viendrez un moment ou un autre. Il avait raison, mais si je m’attendais à voir mon meilleur ami à la place d’Agathe. » Ils s’échangent un regard presque intime, des souvenirs déferlent dans leur yeux.
« Matthew, où étais-tu passé ? Il s’est passé quelque chose ?
— Les lettres que j’ai échangé avec l’institue de la médecine il y a quelques année n’étaient pas anonyme, mais j’avais pris soin d’utiliser une boite postale qui ne se trouve pas à Dryade, afin de ne pas dévoiler la position de Mercure, où bien ils se seraient mis immédiatement à sa recherche. Mais avant que cet ado ne balance tous sur les réseaux, je crois qu’une enquête était en cour, et que le cachet de la poste m’a desservit. Quelqu’un m’a dénoncé suite à un interrogatoire sans doute, et ils se sont mis à ma recherche. Je suis allé me cacher là où personne ne veut plus jamais mettre les pieds, la ville en ruine de Femir. » Le Docteur Harris hausse les épaules, comme s’il avait seulement perdu au jeu, un sourire déçu sur le visage.
« Je suis sincèrement désolé Mercure, j’ai fait de mon mieux pour te protéger, ça n’a pas suffit. »
De la tristesse. C’est l’émotion qui traverse le rouquin voyant la déception du Docteur, de l’échec de son dernier acte héroïque. C’était sincère, et maintenant, le docteur est recherché pour avoir dissimulé une découverte scientifique majeure, et Mercure pour se retrouver sur une table de dissection.
Que va t-il se passer… y a t-il quelque chose qui puisse encore être sauvé…
Mercure passe les doigts sur sa blessure, il exerce une légère pression, la douleur est désagréable et il ne pourrait peut-être pas se lever, mais face à la colère qu’il ressent pour Dylan, ce n’est rien.
« Il faut que nous allions chercher Agathe. » Le Docteur Harris se frotte la nuque, il n’ose pas croiser le regard du jeune homme.
« Ça va être compliqué pour l’instant, Mercure... »
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