Chapitre 50
Le temps presse.
C’est une évidence, le monde est à la recherche du jaune homme aux fleurs jaunes afin d’en découvrir tous les secrets au prix de sa vie, et Agathe est retenue on ne sait où par son cruel ex-petit copain. Pourtant, ici, au Phare Mosaïque, le temps est si doux, si lent.
Depuis que le petit groupe est réunie au phare, il a fallut réfléchir.
Réfléchir à l’après.
C’est marrant… Mercure pense à ce fameux « après ». Il pense relativement souvent à ce qu’il s’est passé avant, au travers de ses nombreux souvenirs, des personnes qu’il a rencontré, au lieux qu’il a traversé, mais l’avenir… Mercure n’y pense jamais. Peut-être parce qu’il a trop souvent été déçu par l’avenir, que de toute façon, rien ne se passe jamais comme prévu. Que ce soit pour quelque chose d’important ou non, une innovation, l’évolution de la technologie, les prévisions météorologiques…
Et si nous allions nous promener demain ? Non, dommage, il ne fait pas assez beau finalement.
Et si nous allions faire quelques emplettes pour le dîner de ce soir ? Non, dommage, le magasin est fermé exceptionnellement aujourd’hui.
Et si j’allais ouvrir la fenêtre pour prendre l’air ? Non, dommage, c’est le début de la guerre.
Mercure n’a toujours trouvé satisfaction que sur ce que l’avenir ne peut pas changer. Et pourtant aujourd’hui, même son plus solide réconfort a mis les voiles. Allongé en dessous de la vitre, le soleil n’est pas présent pour lui caresser le visage. Alors comment peut-on parler d’avenir ?
« Et si… je me livrais ? Dylan laisserait partir Agathe, les médecins seraient contant, ils découvriront sûrement des choses, tout le monde aura ce qu’il veut finalement.
— Certainement, mais tu serais mort. » Option peu réjouissante, c’est vrai.
Ils ont réfléchit à écrire un recueil avec toutes les informations dont ils disposent, et profiter de ces deux jours de délai pour les pousser au maximum les analyses. Après, ils pourraient soumettre ce recueil à l’institue médicale pour les convaincre de ne pas faire de mal à Mercure. S’ils refusent, le jeune homme devra vivre caché et dissimuler pour l’éternité. Les deux docteurs ne seront pas en vie suffisamment longtemps pour lui venir en aide jusqu’à ce que le monde l’oublie...
Le Docteur Harris retire le premier pétale qui lui vient sur la peau de Mercure. Seulement quelques heures après leur arrivé, la blessure s’est déjà réduite de moitié. « Spectaculaire... » Pense t-il. Dans les dernières études qu’il avait mené il y a plusieurs années de cela, il n’avait jamais été question de guérison instantané. Le Docteur Willem a du lui expliquer les évènements de l’année dernière pour trouver ensemble une explication à ce phénomène incroyable.
Ce sont les fleurs.
« Mercure, toi et tes fleurs êtes étroitement liés, ce sont peut-être grâce à elle que tu vis depuis si longtemps. Elles non-plus ne fanent pas, depuis que je te connais, je n’en ai jamais vu une seule mourir, et le soleil ne les dessèche pas malgré les fortes chaleurs que tu engendres. » Explique le Docteur Willem en observant attentivement les quelques pétales qu’il reste de leur unique fleur jaune. Il l’a fait tourner sur elle même lentement, tout en continuant son analyse.
« Coupé depuis hier, pas une seule faiblesse, toujours rayonnante et luisante, suffisante à elle même.
— As-tu quelques renseignements sur leur façon de pousser ? Une période de l’année en particulier ? » Demande Le Docteur Harris en consultant les notes de son ami qui avaient été prise l’année dernière. Mercure hausse les épaules, en continuant de chercher le moindre rayon de lumière par la vitre.
« Je ne sais pas… aussi loin que je me souvienne, elles ont toujours été là. Quand j’arrivais dans un nouveau pays, un nouveau village, il me suffisait d’attendre le lendemain, et la prairie la plus proche en était peuplé. Alors moi j’allais m’allonger près d’elle, celle qui arrivait en première et qui était seule. Ça devait rassurer les plus timides qui mettaient plus de temps à naître. Elles devaient avoir peur de pousser dans des endroits qu’elles ne connaissaient pas. »
Alors que Johan à quelques difficultés à suivre ces explications trop personnifiés et pas assez scientifiques, Matthew reste fidèle à lui même et n’a pas de mal à concevoir la timidité d’une fleur. Il aurait très bien pu écrire une histoire comme celle-ci.
« Alors elle te suivent quand tu t’en vas ?
— Il m’es arrivé d’en retrouver en revenant sur mes pas. Celle-ci, Agathe l’a ramassé dans la forêt de peupliers, je n’y suis pas retourné depuis la fin de la guerre. Elle a du s’y sentir bien. » Le Docteur Willem à ouvert grand les yeux, lui qui croyais que la fleur avait été coupé hier… Le Docteur Harris, lui, affiche un large sourire extasié.
« Tu vois ça, Johan ? Cette fleur vivait déjà bien avant toi et moi.
— Impressionnant en effet... »
Matthew croise les jambes, assis par terre près de Mercure, il pose sa tête contre une de se mains, son corps est tout tordu dans cette position, pourtant ça ne lui fait pas mal au dos. Johan aurait déjà craqué de partout.
« Dis-moi, Mercure, quel est le souvenir le plus lointain dont tu puisses te souvenir ?
— Le plus loin ?
— Ce n’est que de la curiosité. »
Mercure se met à penser, il y a plusieurs siècle à remonter, à remettre dans l’ordre. Il ferme les yeux et fronce les sourcils, ce n’est pas un exercice facile. Il n’a pas eu beaucoup besoin de se souvenir de quoi que ce soit qui se soit passé avant la guerre, avant le Docteur Laurence, avant Valentin, avant Amélie…
Mercure cache son visage avec ses mains, comme si quelque chose le brûlait.
« Si c’est trop compliqué tu n’es pas obligé de le faire ! » S’inquiète le Docteur Harris en posant sa main sur l’épaule de Mercure. Johan finit par intervenir à son tour.
« Est-ce que c’est douloureux ? Quoi que tu fasses ne te force pas, Mercure.
— Une soirée avec Thomas. » Mercure dévoile son visage, son regard est pensif, les deux Docteurs décident de ne pas l’interrompre.
« La première même, la première soirée que nous avons passé ensemble. Je ne me souviens pas comment je l’ai rencontré mais j’ai une image de lui dans la tête où il peignait des animaux dans la rue, à la place des gens. Qu’est-ce qu’il était bien habillé… je ne me souviens plus de l’année… je ne me souviens pas non plus de l’époque, seulement de Thomas, habillé magnifiquement devant ses toiles et ses peintures. Il avait un atelier immense, sa maison l’était aussi. Il me reste des souvenirs de quelques moment où nous avions le même âge. Dans son lit, ensemble et bien au chaud. Je ne sais pas si c’était la première fois que j’embrassais un garçon ou non, mais la première fois avec Thomas, ça j’en suis sûr. » Le rouquin se met à sourire alors que d’agréables souvenirs lui passent dans les yeux.
« Il a fait des peintures de toi ?
— Peut-être. Ho, j’espère…
— Tu es resté longtemps avec lui ? » Mercure réfléchis de nouveau, il a le sentiment de devoir pousser un mur pour débloquer ses souvenirs, ou de plonger jusqu’au fond d’un lac où la pression deviendrait insoutenable.
« Je crois que tout le monde nous considérait comme des petits amoureux de coins de rue, on ne pouvait pas être un couple officiel, et le prêtre du village jurait dès qu’il nous voyait, il nous interdisait le moindre rapport sexuel, ça nous faisait bien rire. Et je crois que les parents de Thomas ne voulaient plus le voir… mais on ne se cachait pas non plus. C’était réel… et je suis sûr que si Thomas n’avait pas vieillit nous serions resté ensemble pour toujours. » Mercure semble triste soudainement. Il se frotte lentement les mains.
« Thomas me logeait à titre gratuit, il disait qu’il pouvait bien faire ça, qu’il avait de l’argent à ne plus s’avoir qu’en faire, et que si nous ne pouvions pas nous marier, nous n’avions qu’à vivre ensemble comme n’importe quel foyer. Au début c’était amusant et agréable de vivre dans une situation confortable et stable. J’étais même rassuré de me réveiller au début du Printemps sans m’inquiéter de ce qui aurait pu se passer l’Hiver. Mais les années passaient, et je voyais Thomas vieillir à vue d’œil. Pour moi ça ne changeait rien, j’étais toujours aussi amoureux, même… avec vingt ans de plus.
— Vous êtes resté vingt ans ensemble ? » S’étonne le Docteur Willem. Au début il écrivait ce qu’expliquait Mercure au sujet des fleurs, il n’y pense plus du tout depuis le début du récit du rouquin. Mercure se redresse doucement sans plier sa blessure.
« Oui. Thomas venait d’avoir quarante ans, alors moi, je paressais toujours en avoir vingt. Les gens commençaient à nous regarder très bizarrement… Un jour, Thomas a pris mes mains comme il le faisait toujours, de façon délicate il me caressait les doigts, nous étions assis sur son lit. Il avait choisit sa voix douce, il chuchotait presque. Il m’a expliqué que ce soir serait le dernier que nous passeront ensemble. Il disait qu’il était devenu trop vieux, que quelqu’un de jeune comme moi ne pouvait pas s’amuser avec un homme de quarante ans, qu’il se sentait laid, et fatigué. Il était persuadé que je méritais mieux, et qu’il avait terriblement peur que je le voix vieux et handicapé. Alors… j’ai beaucoup pleuré. Nous avons passé la soirée ensemble, une fantastique soirée jusqu’à la nuit tombée ou j’étais peiné de ma condition. J’aurais préféré ne pas m’endomir, et le lendemain matin, je suis partie. »
Le rouquin ne parle plus avec autant d’assurance que tout à l’heure, son nez pique soudainement, il ressent la tristesse de ce soir-là où il avait vu Thomas pour la dernière fois. Mercure se frotte les yeux. C’est le moment d’intervenir, le Docteur Harris se rapproche tout doucement et serre Mercure contre lui, frottant délicatement son dos.
« Il avait peut-être raison, tu te serais sentis malheureux s’il mourrait de vieillesse près de toi. Il t’a épargné une situation compliqué à vivre.
— Oui, je le crois aussi. » Mercure pose sa tête contre l’épaule de Matthew, comme si c’était son grand-père, il aime cette sensation de proximité, et essaie de ne surtout pas penser à la chaleur que doit ressentir le Docteur Harris, il mettra bientôt fin à l’étreinte avant de se mettre à transpirer.
« Quelques semaines après, j’ai consulté le registre des décès de la régions. Thomas était mort chez lui… il était malade, il ne m’en avait jamais parlé. Mais je n’y suis pas retourné, ses parents ne m’auraient pas très bien accueillit.
— Tu as bien fait. Maintenant, tu ne dois te souvenir que des bons moments passé ensemble. Qui sait un jour, tu retombera peut-être sur un de ses tableaux. »
C’est vrai, ce serait amusant. Mercure tente de se rappeler s’il a posé un jour, ou non.
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