Chapitre 56

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LA DERNIERE BALLE

Ressortir est un casse tête aussi compliqué que pour entrer. Juste un morceau de papier ? C’est bien pour ça que Mercure s’est mis en danger, au grand regret du Docteur Willem.

Retourner à Dryade n’est pas une mince à faire non plus, la Studebaker est réquisitionnée et de toute façon elle n’avait plus d’essence. Ils auraient pu y retourner en bateau mais le détour à faire pour éviter la zone de recherche leur aurait fait perdre un temps monstrueux, et puis, à l’heure qu’il est, le voilier est lui aussi en état d’arrêt par la police.

Alors comment ça va se passer à présent, rentrer à pied ? Tout abandonner et se cacher pour l’éternité ? L’éternité n’a pas la même longueur pour tout le monde.
 Mercure fait le choix très audacieux de faire confiance à ce chauffeur de bus qui n’a manifestement pas internet, il ne les reconnaît pas du tout et accepte de les emmener jusqu’à Dryade à titre gratuit. Il faut dire que le Docteur Harris à un don de persuasion très élevé, il a aussi très bien réussit à jouer un petit vieux bien plu âgé qu’il n’en a l’aire, ce qui fit ricaner Mercure. Un bus gris aux vitres tintées avec seulement deux passagers de plus ; un couple de retraités et une gamine d’une quinzaine d’années qui a les yeux scotchés sur son téléphone. Elle est le principal danger.
 Mercure s’assoit juste devant le Docteur Harris, de façon à bloquer la vue de l’écolière, pour l’instant, tout va bien, un jeu mobile très coloré et un peu stupide retient toute son attention. Le bus prend la route quelques minutes plus-tard et il n’est soumis à aucun contrôle policier. Très rapidement, le rouquin se rend compte que le chauffeur à chaud, il secoue sa casquette devant son visage et ouvre sa fenêtre, ce qui engendre un désagréable son dans les oreilles. Mercure se retourne à plusieurs reprises en direction de l’écolière au fond du bus. Hypnotisée.
 « Ne t’en fais pas. » Lui Murmure le Docteur Harris. Mercure s’adosse à son siège et respire lentement, un tour en bus, ça faisait bien longtemps. Il trouve ça agréable, les vibrations du véhicule et le ronronnement du moteur.
 Mercure sait qu’il ne pourra pas dormir, mais somnoler lui fera peut-être du bien. Le panneau au plafond indique très peu d’arrêt sur cette ligne, elle relie le port de Femir jusqu’à la ville qui se trouve juste derrière Dryade, le voyage qui mène à la campagne profonde.
 Le jeune homme ferme les yeux, juste quelques instants.

La dernière fois qu’il a prit le bus, c’est quand on l’a rapatrié avec les grands blessés. Tout le monde avait une tête bizarre, ou un membre en moins, des hommes qui ne pouvaient plus se battre pour toutes les raisons du monde. Personne ne parlait, ou pas normalement. Un homme à qui il manquait des dents chantait dans sa barbe, il avait la tête contre le dossier du soldat qui se trouvait devant lui, et il bavait abondamment, ce n’était pas un spectacle très agréable à regarder mais ce qui est malheureux, c’est que beaucoup de ces hommes n’avait plus rien d’heureux à voir. Le traumatisme résignait dans l’air comme une mauvaise odeur, mais Mercure lui, il allait très bien. La guerre étaient à un ou deux ans de la fin d’après ce dont il se souvient, pourtant, on l’a ramené. Trop dormir avait l’air d’un crime, alors le sommeil incontrôlable était la pire des fautes.
 Evidemment, il ne pouvait pas reprendre une vie normale, on l’a implanté dans des usines de fabrications d’armes à feu, de conceptions automobiles, puis il avait terminé à la douane. Là, c’était un peu plus tranquille, mais plus triste aussi. Mercure avait été affecté à un service postal qui triait les lettres envoyées au front, majoritairement des courriers de conjoints ou de familles inquiètes. La nouvelle était triste, on l’a détruisait, afin de ne pas démoraliser les soldats, mais si elle était bonne, alors on l’envoyait. Alors parfois les soldats rentraient et ils pouvaient constater la mort d’un proche, partie depuis des mois ou des années même. L’envoie s’effectuait tous les samedis soir, pour que les soldats ouvrent leurs courriers le lundi matin.
 Assis en face d’un tapis roulant toute la journée, Mercure voyait un bon nombre de mauvaises nouvelles, il avait à jeter beaucoup de lettres, mais la femme qui travaillait à côté de lui, elle, ne jeter quasiment rien. Quand il lui avait demandé comment elle faisait, elle lui avait répondue qu’elle trichait.
 Un fait punissable dont elle avait bien conscience, mais la disparition d’un être cher ne devrait pas être secret, surtout en temps de guerre ou les pertes sont nombreuses.
 Solène, elle avait quarante et un ans, elle avait perdue toute sa famille. Une personne que Mercure admirait beaucoup.

« Mercure, nous arrivons. » informe le docteur Harris tendrement comme s’il réveillait un enfant. Le rouquin se tourne vers l’arrière, la jeune écolière n’est plus là.
 L’arrêt de bus n’est pas situé à l’intérieur de Dryade, mais un peu avant, dans leu situation, c’est parfait. Matthew remercie exagérément le chauffeur du bus dans son rôle de petite et faible personne âgée. Visiblement mal à l’aise, le chauffeur agite la main de façon à dire que ce n’est pas grand chose, une personne de plus ou de moins ne modifie pas le silence pesant de cette ligne de campagne.
 Quand le bus démarre, et disparaît à l’horizon, le petit groupe se retrouvent seul au milieu de tout. Deux panneaux se battent en duel, le métal est complètement rouillé et personne ne peut affirmer pouvoir les lire correctement.
 « C’est cette route-là. » indique Mercure sans attendre pour s’y engager.
 « Alors allons-y. »

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