III

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Poupées


L’auberge n'était qu’une structure bancale au fond du carnaval, plantée au milieu des tentes des intermittents du spectacle. Le bon gratuit avait marché ; Élodie avait passé une excellente nuit dans un lit moelleux. Il n’y avait pas eu de bruit. Quelques heures après l’aube, la jeune fille avait eu le plaisir de recevoir le petit déjeuner au lit. Après une bonne douche, l’adolescente avait mis les voiles sans croiser la gérante. Un passage chez Paulette, elle repartait avec un cadeau de sa part. Cependant, elle commençait à être encombrée.

— Si vous le souhaitez, vous pouvez déposer vos biens dans ce casier, lui avait soufflé un employé en désignant une consigne entre deux stands.

Élodie ne songeait pas à rentrer au foyer. Comme un enfant excité, elle continuait d’explorer le carnaval qui ne faisait que s’étendre. C’était comme si le parking était infini.

La jeune fille s’arrêta à un stand de jeu de tir. Elle échangea un jeton violet contre deux parties. Élodie saisit l’arme à feu et prit position. Elle contempla à travers la visière sa cible — un ballon — puis pressa la détente. Elle recommença encore et encore jusqu’à qu’il n’y ait plus de billes.

— Félicitations, vous avez droit à nos récompenses populaires ! s’exclama la dame qui s’occupait du jeu. Peluche, ticket pour le manège des poupées ensorcelées, bon pour passer une nuit à l’auberge ou encore billet pour le parc des jouets effrayants.

— Le manège.

La femme lui adressa un grand sourire avant de l’inciter à jouer la deuxième partie. Encore une fois, Élodie eut bon et eut le droit à une autre peluche de grande taille.

Il y avait quelques manèges près de l’auberge. Il fallait quelques jetons pour pouvoir pénétrer dans le parc. Sauf que l’adolescente obtenait ces derniers qu’en jouant, alors il lui fallait rassembler la somme demandée.

Quelque chose d’étrange se hissa dans ses pensées. Pourquoi était-elle la seule personne à avoir un bracelet violet ? Les jetons étaient de même couleur. Élodie se mordit la lèvre alors qu’elle s’asseyait sur un banc, prolongeant sa réflexion. Il y avait une atmosphère déroutante régnant dans le carnaval. Les employés, tous élégamment habillés, paraissaient aimables et serviables. Il n’y avait jamais rien à leur reprocher. Était-ce vraiment le cas ?

Ses yeux s’écarquillèrent abruptement. Le souvenir terrifiant du bal des faucheuses lui revenait en mémoire. Elle se souvint des moindres détails concernant la personne à qui les travailleurs avaient retiré les intestins. Était-elle vraiment restée muette à tant de violence ? Toutefois, la victime avait été celle qui avait causé l’accident de voiture de sa mère.

Élodie sentit les larmes monter. Sa génitrice, cette femme d’une force extraordinaire, lui manquait horriblement.

— Je n’ai pas à ressentir de la culpabilité à propos de ce connard… marmonna-t-elle, tentant d’étouffer ses sanglots.

— Oh ! Oh ! Mais vous pleurez ! s’exclama quelqu’un en apparaissant dans son champ de vision.

— Pleurez ! Pleurez ! répétaient des voix fluettes.

À la hâte, l’adolescente essuya ses larmes avec la manche droite de sa veste. Les yeux rouges, elle s’adressa à son interlocuteur. C’était un homme d’une trentaine d’année, vêtu d’une chemise pourpre et d’un pantalon en lin noir, chaussé d’une paire de baskets de même couleurs. Il avait du teint blanc sur le visage avec un sourire rouge et des ronds noirs autour des yeux. Assises sur l'individu étaient trois poupées, toutes arboraient un grand sourire et un teint pâle.

— Je ne… pleure… pas… bafouilla Élodie recevant quatre regards sceptiques, si on pouvait compter ceux des jouets.

— Mouais, dit l’homme. Vous avez une sacré mine ! Oh, je sais, je sais !

— Sacré mine ! crièrent joyeusement les poupées.

— Vous devriez aller voir le spectacle, ce soir !

— Spectacle ?

— Spectacle ! répétèrent les jouets.

— Oh, oh ! Moi, c’est Noël ! se présenta l’employé.

Et sans même lui demander son avis, il l’empoigna et l’emmena au travers du Festival. Ils se faufilèrent dans la foule évitant les mascottes avec aise jusqu’à un chapiteau.

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