IV

3 minutes de lecture

Spectacle

Noël parlait beaucoup.

De sa famille aussi loufoque que lui, de ses amis aussi déroutants que lui et de son travail comme si Élodie lui avait demandé son CV.

Il n’avait pas lâché une seule fois, même lorsqu’ils étaient entrés dans un chapiteau. L’adolescente avait beau tenter de lui couper la parole, l’homme continuait comme s’il ne l’écoutait pas. Ils s’étaient installés dans une partie interdite au public, au beau milieu des autres employés du carnaval dont les sourires faisaient froid dans le dos.

— Qu’est-ce qu’elle fait là ? entendit-elle à quelques mètres d’elle.

— Son bracelet est violet, fit une voix.

— Oh, je sais ce que ça veut dire ! s’exclama une autre excitée.

— Encore heureux que tu sais ce que ça veut dire ! Tu travailles ici, bon sens !

— Euh, moi…

— Sept, c’est normal que tu ne sais pas. Ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de violet, renchérit une femme.

— Elle n’a pas encore passé les tests donc ce n’est pas encore gagné.

— Taisez-vous, imbéciles ! siffla quelqu’un d’un ton autoritaire.

Le silence se fit. Élodie était déçue ; elle n’avait pas pu connaître la raison pour laquelle son bracelet était violet. Toutefois, elle comprenait son importance.

Quels tests? songea-t-elle en reportant son regard sur la scène.

Celle-ci était grande et surélevée par des piliers en acier. Il y avait une guillotine, une table et des chaises, un rideau bleu avec des canards et une porte.

Noël parlait encore alors Élodie se concentrait sur sa voix.

— Et ma mère mangeait souvent des cornichons au nutella car sa grand-mère aimait bien manger des courgettes avec du miel et du café le matin… Oh ! Oh ! Le spectacle va commencer.

— Quels goûts culinaires étranges, souffla la lycéenne à voix basse, faisant rire ses voisins.

Heureusement, son pot de colle — qui n’avait toujours pas lâché sa main — ne l’avait pas entendu.

La scène de théâtre commença avec l’arrivée de deux personnages : une femme coiffée d’un chapeau de paille et un jeune homme déguisait en canard. Ils commencèrent par une discussion banale sans queue ni tête remplie de blagues plus ou moins douteuses. Élodie n’y trouva aucun plaisir à les regarder. Elle se pencha vers Noël et lui demanda si elle pouvait se rendre aux toilettes. L’homme acquiesça, lui indiqua le chemin et reporta son attention sur la comédie.

Élodie les suivit minutieusement passant près d’un personnage qu’elle reconnut à peine comme étant le patron du Carnaval Ambulant. Il lui adressa un grand sourire énigmatique. Elle passa par une porte avec un panneau indiquant « Interdit au public », s’enfonçant dans un long couloir dénudé de décorations. Un frisson parcourut subitement son échine. L’adolescente s’arrêta et se tourna vers d’où elle était venue.

Personne.

Elle reprit son chemin vers les toilettes. Elle les trouva au bout d’un second couloir, cette fois-ci celui-ci ornait des toiles déroutantes, et s'engouffra rapidement. Élodie se retourna et s’apprêta à fermer la porte quand elle vit une ombre imposante non loin d’elle. Hâtivement, la lycéenne se verrouilla à l’intérieur du cabinet.

La lunette était sale. Quelques feuilles par-dessus, et nerveusement, Élodie fit son affaire. Puis, elle attendit pendant quelques longues minutes afin d’appuyer sur la chasse. Dehors, il n’y avait personne. Elle se précipita vers la sortie, le cœur battant la chamade, se retournant toutes les trois secondes de peur de revoir la silhouette ténébreuse. Le spectacle semblait s’être arrêté durant son absence. L’adolescente s’assit de nouveau à sa place tentant de calmer sa nervosité en frottant ses mains.

Le théâtre reprit.

L’homme-canard se dandinait et hurlait des choses qui faisaient éclater de rire les spectateurs. Soudain, la femme saisit son compagnon et le traîna jusqu’à la table où ils mangèrent et buvèrent.

— C’est nul, marmonna Élodie.

Abruptement, toutes les têtes se tournèrent vers la jeune fille. L’avaient-ils entendu ? Le silence continua, et le malaise s’installa jusqu'à ce que l’adolescent décide de quitter le chapiteau. Noël lui attrapa la main pour l’en empêcher.

— Reste, murmura-t-il avant de recevoir une taloche à l’arrière du crâne.

— Tais-toi, gamin.

Élodie cligna des yeux quand une main couvrit sa bouche avec un chiffon. Elle inhala et son monde s'effondra. La jeune fille tomba endormie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire AresPhóbos ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0