V. II
Obscurité
Bouche cousue, Élodie continuait d’avancer sans vraiment savoir où elle se rendait. Quelque part dans ses plus sombres pensées, une voix se faisait entendre encore et encore, sonnant presque familière au fur à mesure que le temps passait.
Il n’y avait rien de notable dans cette pénombre, seulement de grands arbres dont l’ombre ne faisait que grandir en même temps que la lune. Parfois, elle s’arrêtait abruptement, le ventre noué, à cause d’une sensation de suivie mais elle ne voyait rien. Élodie empruntait un seul chemin, longeait une rivière et se demandait si elle n’avait pas imaginé le Carnaval Ambulant. Les bruits constants des manèges, des jeux et des visiteurs n’étaient plus qu’un lointain souvenir. D’une certaine manière, les personnages loufoques comme Seren et Noël lui manquaient bien qu’elle ne les connaissait pas vraiment.
Élodie déboula aux abords d’une grande prairie. Au loin, entre plusieurs grandes pierres, un cercle de feu s’illuminait. Une silhouette s’y trouvait au centre et l’invitait à venir avec les bras en l’air. L’adolescente se hâtait, toutefois, elle se méfiait de ce qui pouvait en découler. Elle crût reconnaître sa mère, cependant, ce n’était pas le cas. Du moins, en partie. L’inconnue ressemblait à sa génitrice lors de son accident de voiture fatal. La lycéenne remarqua les fils familiers qui fermaient la bouche de son parent.
Soudain, la figure disparut comme si de rien n’était. Élodie aperçut au centre du cercle de feu quelque chose de particulier. Un objet qu’elle avait cru perdre des années auparavant. Elle s’approcha, s’abaissa sous la forte chaleur et se retrouva au milieu, observant avec curiosité le carrousel.
Un frisson parcourut son échine. Elle se tourna dans la direction opposée à son arrivée pour voir l’immense créature sans visage la contempler. La pâleur légendaire, les appendices monstrueux… Il n’y avait aucun doute ; c’était bien lui.
Enfant, Élodie l’avait déjà aperçu à plusieurs reprises mais jamais personne ne l’avait cru. Le cœur battant, l’adolescente fixait son cauchemar et la voix à l’arrière de son crâne faisait taire ses pensées.
Et si tu te soumettais à ce qui t’appartiens de droit ?
Repenses-tu à ton paternel ?
Songes-tu à qui tu es ?
Comme si elle se réveillait d’un rêve, le décor s’évanouissait autour d’elle.
Les questions demeuraient dans sa tête la narguant de ne pas connaître les réponses.
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