2 - La bataille des nains

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Les jours s'écoulaient et l'armée du Haut-Roi Tol IV, aussi lente que fut la marche des nains, s'approchait à grands pas du monde des hommes. Ogius était effrayé comme il ne l'eut jamais été dans toute sa longue vie de magicien. Il voyait son cauchemar se réaliser. L'ombre se levait et il avait échoué à répandre la lumière. Assailli par le doute, il avançait parmi les nains sans ne prononcer un seul mot, sous le regard inquiet de son compagnon elfe. Non, il ne doutait pas de lui-même, mais il craignait pour ses amis. Que deviendraient-ils dans un monde gouverné par l'Orgueil ? Le doute qui le rongeait porte un nom familier à toute créature de bonne volonté... Il s'agit de l'amour.

Quand ils furent à proximité de la cité capitale du royaume d'Exemar, ils installèrent un camp de siège. Les nains riaient et buvaient toute la nuit. La joie régnait, bien qu'elle fût incompréhensible pour Ogius et Gaelin.

— Les nains sont horriblement cruels... dit Gaelin, déboussolé.

— Ils ont autant de raison que votre peuple de faire la guerre, mon ami, répondit Ogius. Il n'est guère si facile de les juger.

Le lendemain, l'armée des nains se mit en position devant les grands murs gris de la reine mère des hommes. Adrielle les regardait depuis le chemin de ronde avec un sourire au coin de la bouche. Elle paraissait sereine, sans tracas.

Les nains formèrent une haie d'honneur, et les tambours sonnèrent. Ils jouaient un air spécifique. Tol apparut au fond de l'allée.

— Bonjour, Adrielle ! Je suis Tol, quatrième du nom. Haut-Roi des Nains !

Puis, les tambours eurent été accompagnés par d'autres instruments. Un chant se préparait. Tol traversa l'allée et chansonna.

« Je suis le Haut-Roi des Nains,
Le Seigneur des souterrains,
Je fouille, je mine, je forge,
Émousse les haches, et lisse les marteaux,
Bing, Bang, nous sommes les nains,
Attention à vous, chers humains,
La petite tête d'Adrielle va exploser! »

Adrielle applaudit et rit d'un air diabolique.

— Très jolie... Oui, très jolie ! dit Adrielle. Bien que c'était horriblement minable. Vous ne feriez même pas meilleur troubadour. Bon à rien !

— Mes machines n'attendent que mon ordre pour détruire vos misérables murs ! Je vous laisse une chance pour vous rendre, demoiselle, répondit Tol.

— Me rendre ? rit-elle. Serait-ce une autre misérable blague naine ?

— Il n'y a point de blague, humaine ! Nous sommes plus nombreux et plus puissants ! Rendez-vous ou mourrez.

Ogius s'avança aux côtés du Haut-Roi et cria en direction des murs.

— Entendez raison, Adrielle ! Vous êtes cernée par une armée de nains équipée pour la guerre.

— Encore vous ? répondit Adrielle. Vous ne cesserez donc jamais, magicien. Puissent vos amis nains mourir en paix, dit-elle avec un rire cynique, puis, elle s'en fut.

— Très bien ! Faites pleuvoir les trébuchets ! cria Tol.

Les trébuchets tirèrent de gigantesques rochers qui s'abattirent sur les remparts de la cité. Une tour de guet s'écroula et les murs furent fragilisés. La cité ne pouvait guère tenir face aux armes de siège des nains. Les fortifications s'écroulaient petit à petit.
Une pluie de flèches eut été lancé par les archers humains. Les résistants boucliers des nains en bloquèrent une partie, et l'autre en blessa quelques-uns. Les archers nains répliquèrent. Les deux camps étaient submergés.
Des échelles furent levées sur les murailles et des soldats de Tol commencèrent à grimper. Mais, il y avait de la résistance chez les humains.

— Leurs archers nous empêchent d'accéder aux murailles, Tol ! dit un nain.

— Envoyez les lapins ! cria Tol.

Puis, trois lapins géants se ruèrent en direction de la porte de la cité. L'un fut abattu par les archers, le second eut réussi à cogner la porte, mais ils le tuèrent aussi. Et enfin, le troisième profita de la diversion des deux autres. En un seul coup d'arrière-train, la porte explosa en mille morceaux. La bête fut tuée sur le champ par les soldats qui se tenaient à l'intérieur de la cité.
— La porte a cédé ! crie un nain.
Les salves de flèches continuèrent. Autant de nains que d'humains en furent les victimes. Puis, le son de la corne de Tol sonna.
— CHARGEZ LA CITÉ !!! hurla Tol, qui se précipita lui-même à l'intérieur.

L'infanterie naine suivit le Haut-Roi et pénétra dans la cité. Il y eut un affrontement avec les humains chargés de garder la porte. Mais ils n'en firent qu'une bouchée. L'armée de Haut-Roi envahit par centaines les rues de la grande ville. Les hommes tombaient un après l'autre. On entendait les cris des femmes appeurées, et ceux des soldats dont le moral s'écroulait.

Les nains furent trahi par la colère immense qu'ils avaient contre les hommes. Des maisons furent brulées et des femmes et des enfants furent tuées sans pitié. Mais, alors qu'ils allaient attaquer la salle du trône, le son d'une corne bien particulière résonna. Les hommes et les nains se figèrent.

— Qu'est-ce que c'est ?! Je ne reconnais pas cette corne ! dit Tol.

— Des mercenaires ! répondit Ogius, non pas sans inquiétude.

— Des mercenaires ?! Cette lâche d'Adrielle ! TOUS DEHORS ! ALLEZ ! REPLIEZ-VOUS ! Elle va voir ce que je vais faire de ses mercenaires !

Les nains abandonnèrent les rues de la cité et rejoignirent la porte. Au loin, des silhouettes se dévoilaient. Ils portaient de lourdes armures en plate et des lances. Ils étaient environ cinquante.

— D'où viennent-ils ceux-là ? demanda Tol

— Ce sont des nomades des terres de l'est. Des barbares qui jadis furent au service de Gourmandise, l'un des lieutenants de l'Orgueil, répondit Ogius.

— Il n'y a qu'un être prit d'une grande folie qui puisse avoir le déshonneur d'engager de tels hommes, ajouta Gaelin.

— Oui... une... très grande folie... conclut le magicien.

— ÉCRABOUILLEZ-MOI CES MINABLES ! ordonne Tol.

Les nains crièrent et coururent droit sur les mercenaires. Au même moment, Ogius vit apparaître Adrielle sur les murailles. Elle souriait avec sadisme en regardant les nains se battre avec les mercenaires. Les sourcils de Ogius se haussèrent. Il comprit.

— Attendez ! cria-t-il. Attendez ! C'est un piège !

Mais, il était déjà trop tard. Des cavaliers d'Exemar firent une sortie depuis la cité et chargèrent les nains en formation triangle. De-même à l'ouest et à l'est, des cavaliers plus nombreux embusquèrent l'armée de Tol... Les nains tombèrent. Il y eut beaucoup de morts... Beaucoup de cri et de sang. Et Adrielle riait de plus en plus fort sous le regard du magicien et de l'elfe.

— Vous êtes une calamité ! cria de colère Gaelin.

— Oh, très cher elfe. C'est mon second prénom. répondit-elle avec moquerie. Elle s'en fut à nouveau.

Quand les cavaliers furent rentrés, Ogius et Gaelin se précipitèrent vers les nains. La plupart étaient morts, d'autres agonisaient. Il y avait qu'une quantité faible de nains qui avaient survécu. Tol était assis auprès de deux survivants. Il était blessé.

— Tol ! cria Gaelin ; bien que cela eut été impressionnant, il fut pris de compassion pour un nain.

— Par de l'or... Nous... répondit Tol.

— Restez calme, mon ami, dit Ogius. Je vais m'occuper de vous.

Le magicien posa sa main sur la tête du Haut-Roi, puis prononça quelques mots dans la langue des mages. La douleur du souverain fut apaisée.

—Récupérez les corps des défunts et ramenez immédiatement votre Roi à sa cité ! dit-il aux nains, qui s'éxécutérent.

Il se releva ensuite et s'adressa à Gaelin.

— S'il vous plaît, accompagnez-les... J'ai à faire...

Gaelin hocha la tête et s'en fut avec les nains.

*

Ogius galopa au Nord des terres des hommes, des elfes et des nains. Il arriva dans un vieil endroit sombre, c'était un village abandonné. Il fit envoyer quelques corbeaux et attendit trois jours.
A l'aube du troisième jour, une compagnie de plusieurs mages pénétra le village. Il s'agissait des membres du Conseil des magiciens dont était membre Ogius. Ce Conseil était composé de Rusi le gardien de la Justice et de Yamus le gardien de la Tempérance. Ils étaient dirigés par le grand maître Agast, gardien de l'Amour.

— L'humilité nous a appelés et nous avons répondu, dit Agast.

— Ô, grand maître, je ne puis que vous remercier d'avoir accepté mon invitation, répondit Ogius après l'avoir salué d'une respectueuse inclinaison.

Agast avait une longue barbe grise qui touchait ses orteils, une robe de la couleur du ciel et des yeux verts qui inspiraient confiance. Il fit apparaître une grande table en pierre en un seul mouvement de main. Quand ils furent installés, Agast prit de nouveau la parole.

— Pourquoi avez-vous demandé une réunion du conseil, Ogius, gardien de l'Humilité ?

— L'équilibre du monde est menacé, grand maître, répondit Ogius. Les nains et les hommes sont officiellement en guerre, et les elfes ne tarderont pas à attaquer. J'ai échoué à éviter cela...

— Oui, il a raison, dit Yamus, le gardien de la Tempérance. Je ressens le pouvoir de l'Avarice et de la Gourmandise...

— Et... de la Colère, dit Rusi, le gardien de la justice.

— Tout cela est tout à fait claire, dit Ogius. Les lieutenants du Mal sont en train de ressusciter le pouvoir de l'Orgueil, leur maître...

— Les hommes, les nains et les elfes devront se battre ensemble, ou ils périront, répondit Agast. Chevauchez jusqu'aux portes de l'enfer, et barricadez là avant qu'il ne soit trop tard.

Quand il eut terminé sa phrase, Agast fut tout d'un coup pris par une douleur à l'abdomen. Il se tordit en deux et gémit de douleur.

— Maintenant ! Avant qu'il ne soit trop tard...

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