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  • Encore ces mails ! se dit Estelle, assise à son bureau au dernier étage de la tour.

Qui est cet auteur anonyme ? Que lui veut-elle ?
Et encore des photos d'elle, nue sous la douche, en sous-vêtements dans sa chambre, ... Comment ont-elles pu être prises, alors qu'elle est certaine d'avoir été seule chez elle à ce moment-là ?

Et même Pierre, son mari, n'était pas présent, il était en déplacement professionnel à l'autre bout du monde !

Alors qui ? Qui est cette personne anonyme, ce corbeau ?
Et pourquoi ? Quelle est sa motivation ? Quel est son but ? Lui faire peur ? Peur de quoi ?
Et surtout comment ? Une sorte de paranoïa l'envahit à la pensée de ne pas être seule. Va-t-elle rentrer ce soir, alors que Pierre ne sera pas là de la semaine ?
La preuve, ces photos ont été prises hier soir alors qu'il était déjà parti.

Estelle est pourtant une cible de choix pour les menaces en tous genres. Première femme de sa société, grande compagnie pharmaceutique cotée au CAC40, à avoir été promue Vice-Présidente, devant tous ses confrères dont certains lui gardent une grande rancoeur. Elle que tous les patrons auraient voulu mettre dans leur lit, durant entre autres chaque séminaire de la société, mais en vain car elle a toujours été fidèle à ses valeurs et à son mari.

Parlons-en de son mari. Oui, elle l'aime, c'est certain. Mais il est souvent absent, toujours par monts et par vaux. Et sexuellement, cela fait bien longtemps que la flamme s'est éteinte doucement.
Il y a toujours du respect, de l'amitié, une profonde camaraderie. Cependant l'amour ne s'exprime plus. Ou alors physiquement, lors de leurs longs câlins dans le canapé devant un bon film. Et parfois, dans le lit, en missionnaire, classiquement, quand ils arrivent à s'y retrouver, entre leurs deux agendas respectifs.

A qui parler ? Qui pourrait la croire ? Nulle autre que sa confidente de toujours, la seule qui puisse la comprendre et l'aie toujours comprise.

  • Marie-Chantal, pouvez-vous modifier mon agenda ? Demain midi, je déjeunerai avec une amie. Décommandez mon rendez-vous, s'il vous plaît. Dit-elle à sa secrétaire en décrochant son téléphone.
  • Oui, madame. Souhaitez-vous que je le déplace à jeudi prochain ? Mr Jeunet est disponible à cette date, je le ferais confirmer avec sa secrétaire directement.
  • Parfait, Marie-Chantal. Vous êtes une perle, merci beaucoup. Répond Estelle en raccrochant.

Estelle prend alors son téléphone portable et lance un appel.

  • Alina, ma chérie, c'est Estelle. J'ai besoin de toi en urgence. Demain midi, dans notre quartier général habituel, tu es dispo ?
  • J'avais prévu de déjeuner avec John. Mais si c'est si important, et vu que tu as donné le signal d'alerte, je vais lui expliquer, il comprendra.
  • Merci ma belle. Il faut vraiment que je te parle. Mais pas au téléphone, et pas chez moi. Je t'expliquerai demain.

§§§§§

Le soir venu, Estelle rentre chez elle, fourbue de sa journée, mais inquiète de se retrouver seule. A chaque bruit infime, son sang se glace, ses poils se hérissent, elle sursaute.
Et elle ne peut même pas se réfugier dans sa chambre, car des photos y ont été prises.
La seule option reste de dormir dans le canapé. Là, au moins, il n'y a pas encore eu de photo.
Pas encore ... pourquoi penser à cette éventualité ?

En rentrant, elle a bien vérifié que la porte d'entrée est bien fermée, ainsi que toutes les portes des balcons.
Tous les volets sont baisés, les rideaux fermés. Et en même temps, ça n'apporte pas grand-chose, à part un peu de réconfort, puisque les photos ont été prises de l'intérieur.

Estelle se met en tenue de nuit dans les toilettes. Ce n'est pas confortable, mais au moins, elle est certaine d'y être seule. Son pyjama en pilou-pilou bleu, aussi sexy qu'une porte de prison, avec ça au moins elle est certaine que si cliché il y a, il ne pourra servir à rien.
Puis elle se réchauffe un plat au micro-onde, car elle n'a aucune envie de cuisiner dans ces conditions, et se pelotonne sous son grand plaid gris, sur le canapé avant de mettre sa série préférée.

Elle repense aux mails qu'elle a reçu. Toujours quasiment le même contenu.

Je sais comment tu as obtenu ton poste. Je sais que tu trompes ton mari, que tu as couché avec tes patrons pour obtenir des faveurs.
J'en aurais la preuve, j'ai les moyens de les obtenir.
Tu vois, je suis capable de tout voir. Et bientôt, je te verrais commettre l'irréparable.
Démissionne tant qu'il est temps. Tu ne perdras que ton travail, mais tu ne perdras pas ton mari.
A moins qu'il ne soit déjà trop tard pour votre couple.
Tu sais ce qu'il te reste à faire.
Je te surveille.

Cette nuit sera compliquée. La fatigue voudrait que le corps s'endorme, mais la tension nerveuse empêche le cerveau de couper la connexion. Le seul moyen ? Regarder cette série jusqu'à l'épuisement ...

§§§§§

Estelle sort de son bureau pour se rendre à son déjeuner.

  • Je reviens à 14h, Marie-Chantal. Soyez gentille, filtrez tous mes appels. Si il y a une urgence, comme d'habitude, appelez sur mon portable. A tout à l'heure.

Elle saute dans le premier ascenseur qui vient, puis vole vers le taxi arrêté en bas de l'immeuble, qui, comme si ses voeux pouvaient être exaucés, semble l'attendre.

  • 82 boulevard Saint-Germain, s'il vous plaît

En arrivant, elle aperçoit une figure connue, et s'approche d'une femme blonde, assise à une table en terrasse.

  • Bonjour ma chérie. Désolée, je suis en retard. Viens, passons à l'intérieur, je ne suis pas tranquille de rester dehors en terrasse.
  • Estelle, ma belle. Il t'arrive quoi, tu es si nerveuse !

Les deux amies rentrent dans le café et demandent au serveur une table isolée, au fond du restaurant. Ce dernier ne peut refuser une demande de deux de ses habituées de très longue date.Il leur propose donc d'aller dans l'arrière salle, qui n'est utilisée que sur réservation, et leur sert leur cocktail habituel.

  • Mesdames, un mojito pour Mademoiselle Alina, un daïquiri pour Mademoiselle Estelle. Faites-moi signe quand vous voudrez commandez vos plats.
  • Comme d'habitude, Georges, le plat du jour, surprenez-nous. Ce sera parfait.
  • Bien Mesdames. Alors deux tournedos Rossini, je sais que vous les adorez. Dit-il en s'éclipsant.

Estelle commence alors à raconter à son amie les mails anonymes, les photos, l'angoisse. Alina la regarde, les yeux étonnés, voyant les larmes perler aux coins des yeux de son amie de toujours.
Le repas se déroule sans que chacune d'elle ne se souvienne des allers et venues du serveur, ni du goût de la viande pourtant parfaitement préparée par le chef.

  • Ma belle. Tu veux venir dormir à la maison, tant que Pierre n'est pas rentré ? Entre ton canapé et le nôtre, le confort sera le même, et en plus tu seras avec des amis.
  • Oh, ma chérie. Tu ferais ça ?
  • Oui, bien sûr. Et John comprendra. Il se sentira un peu plus seul, entouré de nanas, mais il a l'habitude. Et je vais faire quelque chose en plus. Te donner l'adresse d'un très bon ami. Il pourra t'aider, j'en suis certaine, j'ai une confiance totale en ses capacités.

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