Entretien d'embauche

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Lance a revêtu aujourd’hui son plus beau costume. Après un passage chez le coiffeur, rasé de près, il a tout de l’allure d’un cadre dynamique et ambitieux se rendant à son travail dans l’une des hautes tours du quartier d’affaires. Arrivant au pied du building vitré, il observe son reflet et se dit qu’il est prêt à tenir son rôle.

En entrant, un long comptoir situé sur le mur opposé attend les visiteurs, plusieurs jeunes femmes en tailleur prenant les noms et prénoms avant de les faire patienter, le temps de contacter leurs hôtes.

  • Je souhaiterais voir Madame Cabreret.
  • Votre nom, s’il vous plaît ?
  • Whiteknight. Lance Whiteknight.
  • Vous venez pour ?
  • Un entretien d’embauche.
  • Oui, c’est parfait. L’assistante de Madame Cabreret, Madame Darcy, va venir vous recevoir. Veuillez patienter, prenez place dans les canapés juste derrière vous.

Après s’être assis, Lance avise un magazine de communication interne. Quoi de mieux pour mettre des noms sur des visages, et comprendre la stratégie d’un groupe que de lire ce genre de papier ? Un article détaille justement l’arrivée à la direction d’Estelle, sa promotion éclair et les axes majeurs et objectifs qu’elle devra porter, mettre en place et atteindre. A travers ces mots transparaît l’étonnement, même en interne, qu’une femme si jeune ait pu atteindre un poste si élevé malgré la compétition féroce qui existe parmi tous les cadres.

  • Monsieur Whiteknight ? Bonjour, comment allez-vous ? Je suis Madame Darcy.

Relevant la tête, Lance voit une femme dans le début de la trentaine lui tendre la main, un grand sourire sur les lèvres. Elle est physiquement aussi opposée à Estelle. Là où la cheffe est grande, blonde aux yeux bleus, plutôt typée du Nord de l’Europe, l’assistante est petite, brune, aux yeux sombres, typiquement méditerranéenne.

  • Bonjour. Dit Lance en se levant. Excusez-moi, j’étais plongé dans votre magazine interne.
  • Aucun problème, vous avez raison, c’est une source d’information très intéressante avant un entretien d’embauche.
  • Avez-vous un conseil à me donner, d’ailleurs ? Comment allons-nous procéder, aujourd’hui ?
  • Simplement, soyez vous même. Nous allons commencer, vous et moi, par un premier entretien de formalité, puis vous rencontrerez Madame Cabreret. Ne vous inquiétez pas, elle peut paraître dure en première approche, cependant elle est très professionnelle, très performante, mais également très compréhensive, quand on commence à la connaître et à découvrir son passif professionnel.
  • Ah ? C’est à dire ?
  • Je travaille avec elle depuis 10 ans, je lui dois beaucoup, comme de nombreuses personnes ici. Mais nous aurons l’occasion d’en discuter plus tard, après le processus d’embauche.
  • Mais j’y compte bien, je suis ici pour obtenir ce poste, je ferais tout ce qui est nécessaire pour l’obtenir.
  • Tout ? Absolument tout ? Attention à ne pas franchir certaines limites. A vouloir trop gagner, nous pouvons aussi finir par perdre beaucoup.
  • Ainsi est la vie. Jean-Claude Killy a dit « La victoire va à celui qui prend le plus de risques. ».
  • Un érudit qui aime les mots ? Alors je vous répondrais en citant Nelson Mandela : « La plus grande victoire de l’existence ne consiste pas à ne jamais tomber, mais à se relever après chaque chute ». Venez. Suivez-moi dans mon bureau, pour que nous puissions parler plus librement.

Une fois la porte fermée derrière eux, Lance et l’assistante prennent place autour d’une petite table ronde. De façon très classique, la séance démarre par une présentation au candidat de la société, du poste et de ses attentes. Étant donné qu’il s’agit de seconder l’assistante, la conversation a pu aller très en détails, d’autant que Lance et Estelle avaient pu se préparer en amont, écrivant un curriculum vitae du parfait candidat, faisant répéter notre enquêteur encore et encore jusqu’à ce qu’il connaisse parfaitement son rôle, les tenants et aboutissants du métier, la cartographie des concurrents, bref tout le nécessaire pour être le parfait prétendant.

Pendant l’échange, Lance sent plusieurs fois un pied lui frôler la cheville, Madame Darcy semblant minauder avec lui. Restant de marbre autant que possible, l’objectif est de rester professionnel quoi qu’il arrive, ne pas céder à la tentation, même devant une jeune femme, attirante, belle, intelligente.

  • Merci pour cette discussion très intéressante. Je vais maintenant vous conduire auprès de Madame Cabreret, pour la deuxième étape. Une fois que tous les candidats auront été reçus, Madame Cabreret et moi-même échangerons nos avis pour choisir le candidat qui correspond le plus aux attentes du poste.
  • D’accord. Je pensais que Madame Cabreret prenait la décision seule.
  • Elle aura de toute façon le dernier mot. Mais comme vous et moi, enfin je veux dire le candidat sélectionné et moi devrons travailler de façon très proche, elle me donne la possibilité de donner mon avis.
  • Parfait. Alors, allons-y. Je suis prêt.

Arrivé dans le bureau de la directrice, une fois la porte fermée, Estelle s’enquière du déroulement de la première partie du parcours. Lance la rassure en lui expliquant par le détail tout ce qui a pu se passer, y-compris les tentatives pour le déstabiliser en lui faisant des approches parfois à la limite de l’explicite.

  • Ne vous inquiétez pas. De toute façon j’ai le dernier mot sur le recrutement.
  • C’est ce que m’a dit Madame Darcy.
  • Et oui, parfois, elle peut être physiquement proche et tactile. C’est ça façon de montrer son affection à quelqu’un, même si certains peuvent être mal à l’aise.
  • Ah oui ? Elle est proche de certaines personnes ? De qui par exemple ?
  • Je vous ai parlé de Jean-Eude, vous aurez l’occasion de travailler avec lui dans quelques jours le temps de valider officiellement votre contrat. Et parfois de moi, mais aussi de mon mari.
  • De votre mari ?
  • Oui, il arrive qu’elle vienne à la maison pour déposer des dossiers. Il arrive aussi qu’il vienne au bureau pour que nous allions déjeuner en amoureux, ce qui est souvent la seule opportunité que nous avons pour passer du temps en couple, entre son travail et le mien. Et parfois, certains collègues très proches, dont Marie-Chantal, viennent pour un repas à la maison, plus ambiance entre amis, disons.
  • Marie-Chantal ?
  • Madame Darcy. Marie-Chantal Darcy, mon assistante. Ancienne famille de l’aristocratie française. Une très belle femme, vous avez pu vous en rentre compte, mais aussi très intelligente.
  • Oui, très belle. A l’opposé de vous, avez-vous remarqué ? Ça ne pose pas de problème, avec les collègues ?
  • Non. Je pense qu’elle flirte avec Jean-Eude, peut-être même plus, mais ça n’impacte pas les relations professionnelles, donc tout va bien. Et parfois …
  • Dites-moi. Vous avez une idée en tête, qui ne veut pas sortir.
  • Je la soupçonne d’avoir des vues sur moi. Elle connaît le moindre détail de ma vie, puisqu’elle est mon assistante et s’occupe de tout y-compris de certains aspects privés. Mais parfois, elle va peut-être plus loin que ce qui devrait être son rôle. Mais c’est peut-être parce que je la considère aussi comme une amie, même si la barrière professionnelle et hiérarchique m’empêche de l’officialiser.

Les compères continuent de discuter, de tout de rien, jusqu’à ce qu’une heure se soit écoulée, ce qui est le temps standard pour un entretien qui se déroule correctement. Ensuite, Estelle ouvre la porte, maintenant une distance raisonnable avec le candidat.

  • Nous vous rappellerons dans quelques jours pour vous donner la suite du processus.
  • Parfait, Madame Cabreret. Merci beaucoup pour votre temps et cette très intéressante discussion.
  • Je ne vous raccompagne pas, vous trouverez la sortie ?
  • Oui, sans problème. A bientôt.

Lance se dirige alors vers les ascenseurs, avant de descendre, puis de passer à l’accueil pour rendre son badge.

  • Alors, Monsieur Whiteknight, cet entretien ? Lui demande l’hôtesse qui l’avait accueillie.
  • Très bien, merci beaucoup.
  • J’espère vous revoir bientôt. Si c’est le cas, demandez Mathilde, je m’occuperai personnellement de vous enregistrer.
  • Avec plaisir, Mademoiselle Mathilde.

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