La Littérature
- ...Et dans "Notre Dame de Paris", Victor Hugo explique dans un long et vigoureux chapitre, comment la Littérature a tué l'Architecture ! Donc c'est moi qui devrait être la vraie cheffesse !
- On dit pas "cheffe" ? bougonna le Cinéma.
- Je suis la Littérature ! Je parle comme je veux.
Cela faisait une demi-heure que la jolie blonde au regard angélique détaillait sa supériorité sur tout le monde, avec un regard qui lui n'avait rien d'angélique.
- Alors quoi ? Vous voulez supprimer la Littérature ?! Et bien, faites, mais alors c'est supprimer ce qu'il y a de plus beaux chez les humains !
De leur moue, les Médias marquèrent leurs doutes quant à la véracité du dernier point.
- Sans vouloir vous offenser, commença l'un, la Littérature a aussi créé les textes religieux...
- Qui sont, enchaîna l'autre, à la base de bon nombre de guerres. Et donc bon nombre de vies humaines.
La bouche serrée, elle se contint en tremblotant.
Puis éclata.
- Oui, et bien il est sûr que personne va se mettre en guerre parce qu'il préfère Koh-Lanta à Thalassa !
Le Théâtre et le Cinéma, dans un haussement d'épaules approbateur, marquèrent corporellement leur accord.
- Votez contre l'Architecture, et je deviendrai votre nouvelle présidente !
Et pourquoi pas ? se disait-elle, cette Architecture. Qu'on me fasse disparaître, une bonne fois pour toutes, et comme ça c'en serait fini de toutes ces réunions avec tous ces connards...
- Permettez...
Les Médias levèrent la main.
- Il y a quand même quelque chose que je trouve étrange, dit le brushé en se levant.
- Et bah dites ! Balancez vos sornettes que personne ne croit !
- C'est que, répondit l'autre en se levant aussi, vous avez attaqué tout le monde, mais pas la Bande Dessinée.
Et quand bien même, la Bande Dessinée n'écoutait pas.
- Alors que la Bande Dessinée, c'est quand même la fusion parfaite du Dessin... Et de la Littérature.
Bouche-bée, la Sculpture aurait lâché un immense "oh", si encore une fois elle avait su parler. L'Architecture regardait la table, pensive. Le Dessin rougit. Le Théâtre fit une moue dubitative. La Musique chercha des paroles commençant par "littérature". Le Cinéma se gratta les couilles. Les Médias sourirent. La Bande Dessinée n'écoutait toujours pas. Et tout le monde n'en avait cure du Jeu Vidéo.
La Littérature, elle, resta stoïque.
- Je... Je...
- Mesdames, messieurs ! Scoop ! La Bande Dessinée est l'enfant inassummé du Dessin, et de la Littérature !
- Attendez euh, les coupa le Théâtre, Litté', t'as vraiment baisé le vieux la ?
- Et oui, je l'avoue, hurla le vieux visé, Littérature et moi avons eu une liaison, dans le temps. Et de notre amour, Bande Dessinée est née.
- C'est énorme. On devrait en faire un film, proposa le Cinéma.
- Oui. Ou alors un vaudeville, répondit tristement le Théâtre.
- C'qu'est sûr, c'est qu'on va pas l'faire en Littérature !
Et il tapa sur le dos du Théâtre accablé avec un rire gras.
- Ce qui est sûr, reprit l'un des Médias, c'est que ces deux là nous ont caché cette information pendant des siècles ! Ce sont des traîtres, et si l'un de nous doit disparaître, que ce soit l'un des deux !
- Et en quoi, devrions-nous disparaître, messieurs ? Nous avons créé un Art. N'avons-nous pas réalisé le plus beau travail que deux Arts pouvaient faire ensemble ? répondit le Dessin.
- Ouais, bah à cause de votre excès de sel, on s'retrouve à faire cette réunion à la con. Alors les accouplements, on arrête.
Le Cinéma enchaina deux choses qui énervaient la Littérature.
- De zèle, Cinéma. Excès de zèle.
Une faute de français.
- Oh, pardon. Môman.
Et lui rappeler qu'elle avait une fille.
Alors elle bondit de son estrade, se rua sur lui, et tenta de le blesser comme elle pouvait. Le Théâtre essaya de s'interposer, mais ce faisant, récolta une immense gifle perdue dans l'oeil.
Toujours perdue dans sa musique, La Bande Dessinée n'apprit rien de tout cela. La bagarre ne la fit même pas rater son dessin.
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