Totenkopf

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Par cinq fois le bâton s'abattit sur la jeune femme à genoux. Des coups puissants, assénés sans retenue, sans précision. Une volée aveugle.

Les bruits sourds plombaient le silence du matin. Dans la forêt toute proche, un geai mécontent finit par s'envoler en cacardant sa colère. Non mais !

Le dernier coup fit basculer la femme qui resta prostrée au sol. Un sang poisseux rougissait sa chevelure blonde. Striant ses tempes et ses joues, de longs sillons écarlates finissaient leur course en gouttes sur le givre.

L'homme qui venait de s'acharner sur elle retint son sixième coup. Il avait le souffle court d'un dément, des yeux exorbités comme des pleines lunes sur son visage crasseux.

Il tremblait violemment de tous ses membres, tout en balançant son arme d'avant en arrière, tel un joueur de base-ball qui s'apprête à battre le coup de sa vie. Ses dents claquaient.

« Vas-y ! Qu'est-ce que tu attends ! Finis-la !! » cria un deuxième homme très maigre, mal rasé, encore plus sale et repoussant que le premier.

« FINIS-LA !! »

Le pouilleux s'avança et tenta d'arracher le bâton des mains de son comparse indécis.

« Donne-moi ça !

– Attends ! fit l'autre en résistant mollement.

– Attendre quoi ! Nous n'avons plus le temps, elle va nous signaler ! Donne-moi ça, nom de Dieu ! »

Le bâton changea de mains.

La jeune femme ouvrit alors les yeux en gémissant. Des yeux terrifiés. Elle tenta désespérément d'amortir le coup de grâce en levant son bras, mais le bois se brisa sur son crâne l'instant d'après.

Le mal rasé se pencha aussitôt sur le corps inanimé.

Ses mains aux ongles noirs tâtonnèrent la veste en laine bouillie, tapotant fébrilement les nombreux boutons de cuivre comme s'il voulait en jouer. Ses doigts gourds plongèrent enfin dans les profondeurs d'une poche latérale. Chaleur. Chaleur humaine d'un sein si tendre. Il en sortit divers objets, un briquet, un carnet, des papiers – et un petit fourreau contenant un poignard.

Sans hésiter, il dégaina la lame et l'enfonça dans la jugulaire de sa victime.

« Aaron ! Tu es devenu fou !! s'écria l'autre. Qu'as-tu fait, mon frère !!

– Ce que j'ai fait ? Ce que j'ai fait ? La même chose que ce qu'elle a fait à notre sœur, à notre mère, à nos cousins ! Ressaisis-toi, Jacob ! Nous devons partir d'ici tout de suite ! »

Le dénommé Aaron rangea le couteau dans le fourreau qu'il cacha ensuite sous ses haillons rayés de blanc et de bleu. Sans attendre son frère, il sauta le fossé qui les séparait de la forêt sombre.

Subjugué par la vision d'horreur – et pourtant il en avait vu d'autres ! – Jacob resta encore quelques instants auprès de la mourante.

Elle avait son âge, à peu près. Ils auraient pu être amis, ou amoureux, dans un autre monde. Un monde où elle n'aurait pas arboré un insigne à tête de mort au col de sa veste.

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