Scène 8

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« Moi, Beckia du Village du Château, écrit à la Plume de Vérité ce témoignage de ce qu’il s’est passé lors de l’attaque ayant tué la famille royale du Royaume des Branches Vertes.

J’étais la femme de chambre de Sa Majesté la Reine. Par un heureux hasard, la Princesse Héritière Kissandre naquit le même jour que ma fille Lisanna. Environ une semaine plus tard, je me sentis assez remise de l’accouchement pour venir présenter mes respects et ma fille à Sa Majesté, et faire la rencontre de Son Altesse la Princesse Héritière. J’avais hâte de retrouver ma chère Reine et amie, car malgré notre différence de statut nous nous entendions à merveille et ç’avait été un vrai plaisir de la servir durant toutes ces années ; ma grossesse ayant été difficile, j’avais dû laisser momentanément mon service à une remplaçante dûment formée par mes soins.

Sa Majesté la Reine et moi-même devisions agréablement, contemplant nos merveilleuses filles, lorsque l’attaque commença.

Nous entendîmes d'abord des hurlements, lointains, puis se rapprochant. Ce fut trop tard que les cloches sonnèrent l'alerte, trop tard pour que la défense du château fut organisée, d'autant plus que la région était paisible depuis de nombreuses années et la garde du château n'était pas préparée à une telle chose… Les intrus avaient déjà commencé leur œuvre funeste. Bientôt les combats se rapprochèrent, nous perçûmes le bruit des armes s'entrechoquant et les cris des mourants. Sa majesté la Reine, qui tenait alors ma fille dans ses bras, tandis que je tenais son Altesse la Princesse Héritière, m'intima d'aller me cacher dans l'alcôve cachée derrière une tenture, créée lors de la construction du château en cas d'intrusion ennemie. Les bruits se rapprochaient si vite, ils étaient derrière la porte… La porte s'ébranlait sous les coups ! Obéissant à Sa Majesté, je me précipitai derrière la tenture, la tenant légèrement ouverte derrière moi pour que Sa Majesté puisse m'y suivre. Les assaillants étaient sur le point d'ouvrir la porte… Les choses allaient trop vite, c'était impossible ! J'appelais Sa Majesté, tendit la main pour la tirer à moi, à l'abri, mais elle me lança un regard navré puis referma la tenture sur moi, serrant toujours ma fille dans ses bras menus.

Je ne saurais reproduire ici les mots qu'elle lança aux envahisseurs, ils furent coupés nets par le son d'une lame tranchant la chair encore et encore… J'entendis ensuite les assaillants se disputer pour avoir tué Sa Majesté avant que de profiter de la beauté de son corps, puis se congratuler d'avoir éliminé le bébé qu'ils prenaient pour Son Altesse la Princesse Héritière… Je me mordis les lèvres jusqu'au sang, serrant à presque l'étouffer contre moi Son Altesse réveillée par les bruits et l'odeur du sang, afin de l'empêcher de crier et de révéler notre position. Je dus perdre conscience un moment, tout en restant cependant dans la même position, car lorsque je repris mes sens le tumulte des combats s'était tu. Pendant longtemps encore, je n'osais bouger, transie de peur et de douleur d'avoir perdu et ma chère Reine et mon enfant !

Mon devoir était clair, cependant, je devais trouver une cachette plus sûre pour Son Altesse. en tant que domestique de longue date, je connaissais naturellement plusieurs façons de m’échapper discrètement du château. Je sortis à temps pour retrouver mon mari en notre ancien lieu de rendez-vous secret, du temps d'avant notre mariage. Derrière nous, des flammes s'élevaient du château, encore un peu et Son Altesse et moi aurions péri dans les flammes ! N'eut été mon devoir envers la jeune Héritière, j'y serais retournée chercher le corps de mon enfant, quitte à mourir brûlée vive. Le cœur brisé, il me fallut pourtant raconter à mon mari la mort de notre Reine bien-aimée et celle de notre toute petite fille. Doublement accablé de chagrin, il me raconta celle de notre Roi tout autant aimé, l'épée à la main, vaillant jusqu'au bout bien que sachant que son talent de guerrier, si immense soit-il, et quelque peu rouillé par le manque de pratique, ne lui permettrait pas de contenir à lui seul tant d'assaillants. Quand nous rejoignîmes notre village, sis au pied de la colline où s'érigeait le château, les gens prirent l'enfant dans nos bras pour notre petite Kisanna, et non pour la Princesse Héritière Kissandre ; nous ne les détrompâmes pas, encore incertains sur la conduite à tenir à cet égard.

Dès que nous le pûmes, mon mari et moi rencontrâmes le Maître Archiviste et ancien Archiviste Royal, Théron. Le Maître Archiviste, mon mari et moi convînmes de conserver le secret sur la survie de Son Altesse, incertains que nous étions que le massacre ait pu être le fait d'un ennemi inconnu du royaume, et non simplement le fait de pillards bien organisés. Le Maître Archiviste, de par sa position unique au sein du Royaume des Branches Vertes, pensait être en mesure d'empêcher qu'un nouveau souverain soit nommé, en admettant que personne ne s'arroge le trône de force, en attendant que Son Altesse soit en mesure de prendre possession de son héritage. Il savait, nous savions tous, que le Royaume pourrait se gouverner sans souverain pendant quelques années.

Il fut convenu que ce témoignage sous Rouleau Scellé, écrit de ma main à la Plume de Vérité, garante de la véracité de mes propos, serait remis en main propre lors du vingtième anniversaire de Son Altesse la Princesse Héritière, et qu'avec la marque royale tatouée sous son omoplate gauche elle recouvrerait son histoire et son identité. Libre alors à elle de répandre la vérité et de réclamer son trône, ou de conserver à jamais le secret et de vivre comme elle l'entend. »

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