Scène 12
Lorsqu'elle se réveilla enfin, la gorge et les bronches douloureuses de la fumée, brûlée en plusieurs endroits, elle examina son environnement, refusant de laisser la nuit passée se rappeler à son esprit.
La chambre d'amis du Maître Archiviste était réservée généralement aux hôtes appréciés ou d'une certaine qualité, aussi était-elle très propre et agréablement décorée de quelques peintures. Des murs clairs, un lit aux draps soigneusement tirés, une fenêtre à l’intimité préservée d’un fin rideau et donnant sur le petit jardin d'agrément derrière la maison, l’ensemble était agréable et reposant. Mais l’adolescente se sentait toujours en danger.
La maison était anormalement calme. Quelle heure était-il ? À en juger par la lumière, le jour était levé depuis un moment. Tout doucement, la jeune fille se releva, ignorant ses douleurs, puis sortit de sa chambre à pas précautionneux. Elle n'avait étonnamment laissé que peu de traces de pas en arrivant. Elle retourna à la cuisine.
C'était heureux que le Maître Archiviste l'ait déjà invitée à venir dîner dans sa demeure avec les Compagnons, et qu'elle ait aidé au repas, car elle savait à peu près où était rangé ce qu'elle cherchait. Elle but à nouveau de l'eau de la cruche, dévora un morceau de pain et un autre de charcuterie, et s'étonna enfin du silence ambiant tandis qu'elle nettoyait les miettes.
Elle explora lentement la maison, et découvrit qu'elle y était seule. Sans doute le vieux Théron et tout le village s'étaient-ils réunis pour discuter de cette nouvelle tragédie… Une maison qui brûle, une femme et une enfant décédées… Tout en y songeant, elle reprit son sac et inventoria son contenu.
Galettes de fruits secs et de céréales liées à la pâte de fruits sucrée, soigneusement emballées dans un tissu imperméabilisé à la cire d’abeille, chaussures et vêtements à sa taille, un nécessaire de toilette et même de la monnaie… Depuis combien de temps la seule mère qu’elle avait connu avait-elle préparé ce sac ? Tout était en excellent état. Extrayant quelques vêtements, elle alla se laver.
Elle pénétra dans la confortable salle d’eau de la maison, et prit un peu d’eau d’un seau qu’elle versa dans un cuveau. Empruntant le savon et un linge propre, elle entreprit de se nettoyer sommairement, grimaçant aux endroits sensibles. Elle tamponna délicatement son entrejambe, un instant absente à elle-même, avant de regarder le linge et découvrir un peu de sang. Le linge s’échappa de ses doigts dans le cuveau, souillant l’eau de ses salissures.
Reprenant ses esprits, elle se concentra sur l’instant présent : elle devait se rincer et soigner ses brûlures. Elle vida le cuveau dans un bassin relié à l’extérieur par un tuyau de drainage, puis le remplit à nouveau d’eau propre qu’elle utilisa, avec un nouveau linge, pour se rincer.
Sans prendre la peine de se sécher, elle enfila ses vêtements et prit les anciens et les linges salis pour aller les jeter dans une corbeille prévue à cet effet.
Elle fureta ensuite dans les placards de la salle d’eau, puis, bredouille, s’attaqua à ceux de la cuisine : elle découvrit finalement le coffret de premiers soins qui contenait des bandages, des onguents, quelques flacons et sachets d’herbes sèches. Elle sélectionna des pansement gras et les appliqua sur sa peau lésée, et le soulagement fut immédiat.
Elle retourna dans la chambre d’amis et s’assit sur le lit. Il était temps pour elle de faire une mise au point.
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