Scène 25

4 minutes de lecture

C'était un bel après-midi de printemps. L'été approchait, l'air était doux et le soleil jouait sur les feuilles d'arbres, laissant tomber des ombres légères et mouvantes. Assise sur un banc, devant une table en bois, Kisanna lisait un quelconque ouvrage, son visage inhabituellement détendu. Un jeune homme aux longs cheveux noirs, dont une partie était nouée en chignon sur l’occiput tandis que le reste retombait librement derrière ses oreilles jusque dans le dos, s'essuya rapidement les mains sur sa tunique, sous le regard goguenard de Nours, son meilleur ami, un jeune géant roux habituellement taciturne mais dont le visage dénotait un certain amusement.

— Allez, Kale, vas-y à la fin, encouragea-t-il d'une voix de basse.

— Mais, Nours… C'est qu'elle a rejeté si froidement tout ceux qui l'ont approchée, je…

— C’est qu’elle n’a pas été surnommée la Vierge de Glace pour rien ! Vas-y, je te dis. Tu n'auras probablement pas plus de chance que les autres, mais au moins tu auras essayé et tu pourras passer à autre chose !

Nours donna une bourrade à Kale et celui-ci fit quelques pas involontaires sous la puissance de son ami. Même les adultes regardaient à deux fois sa carrure impressionnante.

— Merci Nours, répondit aigrement Kale.

Le jeune homme lissa une dernière fois sa tunique, se racla la gorge et fit trois pas avant de s'arrêter net : trois autres apprentis se dirigeaient vers Kisanna, toujours plongée dans son livre. Leurs visages ne promettaient rien de bon : une certaine convoitise se lisait dans leurs yeux, et le plus petit se lécha inconsciemment les lèvres. C'étaient des nouveaux dans le camp, et leur caractère hostile à toute discipline leur avait déjà valu plusieurs jours de corvées. Ils n'allaient sans doute pas tarder à se faire éjecter par la Capitaine s'ils continuaient ainsi… En attendant, Kisanna se trouvait seule sur son banc, dans cette minuscule clairière entourée d'arbres – un des rares endroits naturels du camp – et seuls Kale et Nours pouvaient intervenir !

Les deux jeunes gens virent les trois racailles aborder Kisanna et lui parler. Celle-ci, manifestement mécontente d'être interrompue dans sa lecture, leur répondit d’un air glacial, ce qui bien sûr ne fut pas de leur goût.

— Bon sang, Nours, viens, il faut l'aider ! s'exclama Kale. On dirait que ça va mal tourner !

Là-bas, le plus petit des trois avait en effet attrapé Kisanna par le bras afin de l'attirer brutalement à lui… Mal lui en avait pris : la jolie blonde avait levé le genou, le remontant violemment entre les jambes de son agresseur trop sûr de lui qui se plia en deux, couinant des insultes. La suite devint floue aux yeux de Kale et de Nours : Kisanna sembla tourbillonner en portant des coups précis, les deux autres gars se retrouvèrent eux aussi à terre, serrant diverses parties de leur anatomie et grimaçant de douleur. Elle les regarda se tordre, puis reprit son livre et se dirigea de l’autre côté de la table, méfiante.

Quand les deux jeunes gens, passablement stupéfaits de l'habileté au corps-à-corps de Kisanna, approchèrent la scène, elle les apostropha :

— Vous êtes là pour quoi ?

— Euh… balbutia Kale, décontenancé.

— On voulait, euh… t'aider, reprit-il maladroitement, mais bon, tu t'es débrouillée toute seule, alors… euh…

Nours se retint de pouffer de rire, et Kale lui lança un regard noir. Kisanna eut un léger sourire. Le plus petit des agresseurs gémit alors, en se redressant péniblement :

— Putain… Toi, je vais te… Tu nous as eu par surprise, mais là c'est fini pour toi… Même tes potes ne pourront pas t'aider !

Et il sortit une dague de sa botte, imité par ses amis. Kale vint se placer près de Kisanna et se redressa dans une noble attitude, tandis que l'impressionnant Nours se mettait derrière eux, visage fermé, ses bras musculeux croisés sur son large torse.

Les trois racailles les reluquèrent, échangèrent des regards entre eux, puis remirent leurs armes au fourreau avant de s'éloigner en claudiquant légèrement.

— On se reverra, ma jolie ! cracha le petit.

Une fois qu'ils eurent quittés la clairière, Kale se mit à rire. Kisanna le regarda, surprise : ce rire était bien agréable, vivant et joyeux.

— Bon, dit Nours, souriant largement, je propose qu'on aille faire un rapport sur l'incident tout à l'heure. Ce n'est pas la première fois que ces trois-là causent problème, en plus…

— D'accord, répondirent Kale et Kisanna.

Surprise : ils avaient répondu en même temps. Kale pouffa.

— Bon, si on faisait les présentations ? Même si tu dois déjà nous connaître un peu, vu qu'on fait partie de la même promotion que toi… Moi c'est Kale, épéiste et lui c'est Nours, qui préfère la hache.

— Je suis Kisanna, répondit cérémonieusement la demoiselle, épéiste aussi.

Kale regarda le titre du livre qu'elle tenait entre les mains.

— « Techniques à l'épée longue », hé, je l'ai lu aussi, s'exclama-t-il, il est super intéressant… Tu en es à quel chapitre ?

Pour une fois qu'un garçon l'abordait sans tenter de la séduire, Kisanna perdit un peu de sa réserve et la conversation s'engagea naturellement entre les deux jeunes gens.

Plus tard, après le départ de Kisanna :

— Alors, demanda Nours, que penses-tu d'elle à présent ?

Kale réfléchit un instant.

— Elle est plus facile d’approche qu'il n'y paraît… répondit-il en souriant. Mais je pense que j'ai tout intérêt à ne pas chercher à être plus qu'un ami pour l'instant !

Et il grimaça comiquement.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Rahariel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0