Nours la contempla. Cette petite bonne femme blondinette avait de l’aplomb, ça oui ! La plupart n’osait pas lui adresser la parole. Certains disaient qu’il leur faisait penser à un ours… Il s’en accommodait, ça lui évitait pas mal de soucis. Mais cette petite, Jesca… quelque chose lui disait qu’elle ne lâcherait pas l’affaire.

— D’accord, allons parler aux autres, soupira-t-il, vaincu.

Son cœur vacilla sous le lumineux sourire que Jesca lui dédia.

Elle sut comment leur parler, et bientôt les autres acceptèrent de l’aider. Le plan initial était de l’escorter jusqu’à l’antenne la plus proche de la Guilde, à laquelle la troupe se rendait de toute façon pour déposer le rapport de la dernière mission. Là, Jesca pourrait demander son affiliation à la Guilde, et découvrir les compagnies qui recrutaient.

La présence impassible de Kisanna et Nours derrière la petite blonde potelée incita le baron concerné à donner son congé à Jesca, assorti d’une bourse remplie de sa dernière solde et des armes et armures que l’armée lui avait octroyée ; la solde lui servit pour acheter une bonne monture. Ses compétences en négociation étaient remarquables, de sorte qu’il lui resta le tiers de sa bourse après un achat qui aurait dû la vider.

— Et voilà une bonne chose de faite ! s’amusa Jesca sous le regard médusé de Nours.

— Ki’, s’écria-t-il, gardons-la avec nous pour négocier les contrats !

Enfin, la troupe reprit la route, effectuant une visite au vicomte afin de lui faire un rapport sur la situation. Hawys prit sur lui d’entraîner Jesca à l’épée : à l’évidence, il était un bon professeur, et son élève assidue progressa rapidement. Celle-ci avait l’esprit vif et d’excellents réflexes. Pour couronner le tout, ses compétences culinaires étaient à tomber en pâmoison !

Le vicomte fut ravi de la façon dont le conflit avait pris fin, et prit sur lui d’envoyer une dot aux deux futures épouses, assorties d’une invitation à son propre mariage pour les familles des deux barons. Et offrit généreusement aux mercenaires ainsi qu’à Jesca, qu’il avait décidé de compter parmi eux, de nouvelles montures, en échange d’une retraite tranquille pour leurs chevaux actuels.

Les nouveaux destriers étaient jeunes mais parfaitement éduqués au combat, endurants, calmes, et qui plus est de robes assorties : zain, bai-brun ou alezan brûlé, leurs couleurs sombres les rendraient plus difficiles à repérer de nuit. Kale rigola en douce, et expliqua aux autres qu’il reconnaissait bien là l’esprit d’un noble pour le style !

Puis les cinq mercenaires, agrémenté d’un membre temporaire, repartirent pour une ville plus lointaine où se trouvait l’antenne locale de la Guilde des Mercenaires.

Lorsque Jesca acheva son inscription à la Guilde et étudia les possibilités de recrutement, la troupe avait déjà fait son choix : Kale lui prit le papier des mains, Toli lui passa un bras sur l’épaule, et Kisanna lui annonça qu’ils recrutaient une indépendante parmi eux tandis que Hawys aidait la serveuse à distribuer les chopes de bière. Jesca rosit de plaisir, et accepta.

Nours fut le premier à trinquer avec elle, à l’amusement d’un Kale pas dupe.