Scène 42
Kale bouillonnait et Kisanna se gondolait. Ils avaient eu beaucoup de succès durant les négociations de leur employeur avec de potentiels clients. Ceux-ci appartenaient à un peuple qui révérait l’apparence physique : ils étaient magnifiques à regarder, tant les hommes que les femmes, et avaient apprécié les deux mercenaires…
Le souci, c’est que l’un des hommes avait ensuite proposé à Kale de le rejoindre en privé pour la nuit… Or, le jeune homme ne mangeait pas de ce pain-là ! Son interlocuteur ne s’était pas laissé démonter par son refus poli et avait insisté, tentant de le convaincre en lui expliquant précisément ce qu’il comptait qu’ils fassent, et c’est cela qui avait mis Kale hors de lui. Il en avait les oreilles en feu…
— Je n’ai rien contre ceux qui font ça, tant qu’ils le font entre eux ! s’écria Kale sur le chemin du retour. Et arrête de rigoler, Ki, tu aurais dit quoi si une femme t’avais dit ce genre de choses ?
Kisanna s’essuya les yeux.
— Je l’aurais remerciée de son intérêt et lui aurait dit que je n’ai aucun goût pour les femmes ni l’envie d’essayer !
Kale grommela, pas convaincu. Sa camarade ne s’était jamais intéressée ni aux hommes ni aux femmes, depuis toutes ces années qu’il la côtoyait et il se demandait parfois pourquoi. Avec toutes les propositions qu’elle avait reçues ! Vierge de Glace, un jour, Vierge de Glace toujours, supposait-il. Il paraît que certaines personnes n’éprouvent aucune attirance de nature physique ou romantique. Le concept lui semblait si étrange, lui qui était si peu chaste…
Son regard croisa celui d’une charmante demoiselle dont les boucles bohèmes flamboyaient au soleil couchant, et il arbora automatiquement son sourire le plus séducteur. Peine perdue, la belle avait tourné le coin de la rue, légère. Les commissures de ses lèvres s’abaissèrent, et il jeta un œil coupable en direction de Kisanna. Celle-ci avait cessé de rire et tournait la tête de l’autre côté, de sorte que le jeune homme ne put admirer que la courbe de sa joue et quelques longs cils pâles.
De loin, ils virent Hawys et Toli passer la porte de l’auberge et ils pressèrent le pas.
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