Scène 49
L’intendance du corps de garde se précipita au grand complet vers le chargement. Frénétiquement, ils inventorièrent le contenu, se plaignèrent de l’appétit des pillards qui avaient dévoré presque toutes les provisions et vérifièrent l’état des habits : pantalons, tuniques, capes…
— Mais… Elles ne sont pas de la bonne couleur !
— Comment ? rugit l’intendante en chef. Montre-moi ça !
Elle tendit le bras, attrapa la cape que lui tendait l’un des aides et la vérifia sous toutes les coutures.
— Noire ! s’écria-t-elle. Elle devrait être bleu cobalt ! Sortez-les toutes, vérifiez-les une par une ! Oh, Sa Seigneurie va être furieuse !
Il s’avéra que toutes les capes étaient noires. D’un très beau noir uni. Apprenant la nouvelle, le baron se prit la tête entre les mains et gémit :
— Mes couleurs sont le bleu cobalt et la tangerine ! Je ne peux pas utiliser de noir pour ma garde !
Ruminant un instant, il se mit à rugir :
— Convoquez-moi le teinturier, j’ai deux mots à lui dire !
Et sa mine lugubre ne présageait rien de bon pour le teinturier fautif. Bien que la faute première incomba à un de ses apprentis, il était de son devoir de vérifier son travail. Sa faute lui coûta sa prestigieuse clientèle, et le baron signa un nouveau contrat avec un teinturier rival, le payant à l’aide d’une fraction du butin des pillards.
Le reste du butin et les capes fautives furent offertes aux mercenaires, au grand ravissement de Kale :
— Regardez-moi ça, les amis ! Nous sommes tous assortis, désormais : chevaux sombres, capes sombres ! Et je suis certain que notre réputation va grandir encore. Il y a eu le conflit des barons, maintenant l’affaire des capes… Sans compter toutes les missions de moindre importance que nous avons accomplies avec succès.
Reprenant son sérieux, il regarda Kisanna droit dans les yeux.
— Ki’, commença-t-il, j’estime que nous devrions nous constituer en Compagnie auprès de la Guilde ! Cela fait des mois, voire des années pour certains d’entre nous, que nous te suivons au gré des missions. Le minimum requis est de cinq, nous sommes sept. Nous sommes déjà un peu connus, nous pourrions certainement signer de bons contrats si nous n’étions plus un groupe d’indépendants. Qu’en penses-tu ?
— Je… bégaya-t-elle, prise au dépourvue. Enfin, nous, reprit-elle, nous devrions tous y réfléchir. Ça doit être une décision commune !
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