Maeva

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Faire le tour d'une forêt c'est bien plus long que ce que je pensais. Heureusement, les autres sont là pour le tenir compagnie. À vrai dire, c'est moi qui me suis proposée d'accompagner Qay, et finalement tout le groupe participe à la promenade. Il fait frisquet le matin, je suis pelotonnée sous l'aile de Noyo pour recevoir un minimum de chaleur corporelle.

Chaque matin, il faut faire une ronde, c'est à dire marcher pendant de heures en espérant que la planque des licornes apparaisse comme par magie sur le chemin. Sans connaitre l'origine de ces créatures, jamais nous ne pourrons les vaincre. Pour l'instant, je n'ai qu'une épée qui me permettra de me défendre en cas de besoin, offerte par la magnifique Deni. À côté d'elle, j'ai l'impression d'être une princesse en détresse, attendant que sa belle chevalière vienne à son secour.

Alors qu'on avance silencieusement, un buisson remue devant nous. On s'arrête brusquement, effrayés. Noyo avance soudain, l'air de dire "C'est qu'un petit rongeur", et fouille le buisson. Une boule de plumes verte bondit d'un coup sur son museau et le grignote, le cheval panique, et nous tentons de lui venir en aide. Deni tire le petit animal jusqu'à ce qu'il cède et celui-ci s'envole pour atterir devant moi. Je bondit dans les bras de Qay, qui au lieu de me rattraper me laisse la percuter. Noyo nous regarde chuter au ralenti et tomber lourdement sur le chemin de terre.

Deninoza esquisse un sourire malgré elle, amusée par notre maladresse. Elle prend dans ses bras le petit animal qui nous a fait paniquer, et le présente :
- C'est une erione, mélange d'un lapin et d'un pivert. Elle est inoffensive, vous lui avez fait peur avec vos bêtises.

Je bégaie des excuses, alors que Qay se moque de Noyo qui a le museau rouge à cause de l'erione. La créature bondit aux pieds de la chevalière et fuit entre les arbres.

Nous reprenons notre marche, et un nouveau bruit suspect se fait entendre. Moins soupçonneux, nous ignorons les différents sons jusqu'à ce qu'une multitude de bruits de sabots retentissent. Je me retourne pour voir une vingtaine de licornes enragées qui nous foncent dessus.

Qay m'attrape par la taille et monte sur Noyo, qui se tient prêt à l'envol. Alors que je grimpe sur son dos le plus vite possible, le pégase part au grand galop, manquant de temps pour s'envoler. Deni nous suit en courant, tirant quelques flèches sur les licornes. Trois d'entre elles s'écroulent et ralentissent les autres. Noyo en profite pour décoller, et l'archère s'installe rapidement derrière Qay et moi.

Nous volons vers les nuages, nous éloignant de plus en plus de la forêt où les licornes maléfiques nous attendent. Je les observe repartir sans nous avoir trouvé. Nous les suivons discrètement, alors que les créatures semblent rentrer chez elles. Après dix minutes de vol, j'aperçois les licornes entrer dans une partie de la forêt trop dense pour y voir quelque chose du dessus. Notre monture descend doucement vers la terre ferme, et nous dépose derrière un rocher. Les licornes approchent d'un arbre minuscule, aux branches foncées et au feuillage argenté, portant de petits fruits noirâtres. L'une d'entre elles arrachent un fruit de l'arbre et l'avale, avant de disparaître. Les autres l'imitent, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que mon groupe sur les lieux.

Deni s'avance vers l'arbre et s'accroupie pour l'examiner. Qay, elle, ne prend aucune précautions : elle saisit un fruit et croque dedans, avant d'ingurgiter le morceau. Elle s'efface, comme les licornes avant elle. Prit de panique Noyo avale un fruit pour la rejoindre. J'échange un regard avec la chevalière, et nous goûtons toutes deux à l'étrange fruit avant de nous évaporer.

Je sens mes cellules se détacher les unes des autres quelques secondes, avant de se recoller. C'est une sensation perturbante, mais pas désagréable, c'est... incompréhensible.

Je suis dans une cabane de bois, et devant moi est posé un cercueil relié d'argent. Il a une forme étrange, triangle plutôt que rectangulaire. Je touche l'objet de mon index, sentant une aura puissante sous le bois sombre. Qui peut bien reposer dedans ? Un clapotis coupe le silence. Je marche vers une fenêtre et remarque un petit étang. Un poulain noir de jais joue dans l'eau, éclaboussant les fleurs plantées sur la rive. Il se met à henir de joie, comme s'il était seul au monde, et que personne ne pourrait jamais venir détruire son bonheur. Si je le rejoins, je serais heureuse à jamais. N'est-ce pas mon vœu le plus cher ?... Non. Non, non, non. Mon rêve à moi, c'est de partir au Japon avec Jade et Isaure ! Ce n'est pas ce qu'on s'était promis ? Si, c'est ça ! Je m'en fiche du poulain, je m'en fiche de l'étang, je m'en fiche du cercueil, je m'en fiche...

Me réveiller, c'est tout ce que j'avais à faire, et j'ai réussi. Maintenant, je suis face à une horde de licornes, aux côtés de mes compagnons. J'imagine que nous sommes arrivés au combat final, celui où il ne nous reste que deux choix : vivre ou mourir. Je vivrai. Et je vaincrai les licornes. Depuis quand j'ai décidé de me battre ? Je ne sais pas. Je veux juste rester aux côtés de mes amis, et les protéger. Pour ça, j'affronterais le monde entier.

Une licorne henit de toute ses forces et charge vers nous, mais Noyo rue et se dresse devant les ennemis, écartant ses grandes ailes pour paraître plus impressionnant. La jument recule, et le pégase l'aplatit au sol pour lui arracher une grosse veine de ses dents. L'action annonce le début de la bataille. Les chevaux foncent sur nous, et Deninoza brandit deux sabres pour trancher cinq têtes d'un coup. Qay fend l'air et lance trois poignards qui filent ce planter au milieu du front des créatures malfaisantes. Je dégaine une épée de nulle part et la plante dans la gorge d'une jument, avant de la retirer pour reproduire le geste sur une autre licorne. Ainsi, nous éliminons rapidement les licornes, mais elles reviennent en boucle.

- Ça n'en finira jamais ! s'exclame Qay. Il faut trouver la source !

La jeune femme court dans la direction d'où vienne les ennemis, bientôt suivi par le cheval aux yeux roses. Je continue de combattre sans relâche près de la chevalière, qui m'encourage tout en éliminant les animaux à une vitesse hallucinante.

Soudain, la voix de Qay se fait entendre dans une longue plainte déchirante. Deni fonce la rejoindre sans réfléchir, et je la suis, inquiète. Là où nous trouvons Qay, les cadavres de licornes s'entassent par dizaine sur le sol. Notre amie est assise au près d'un pégase étalé au sol, une plaie suintante lui barrant la nuque. Les cheveux verts de la jeune fille tombants devant son visage baigné de larmes, le liquide écarlate maculant l'herbe, les couteaux plantés sur les licornes mortes... je ne supporte plus cette vision, et fuis le lieu, laissant Deninoza et Qay à leur deuil.

Noyo, repose en paix. Je ne sais plus quoi dire, je suis vide. Vide de pensées, vide d'émotions. Le monde pourrait s'écrouler que je ne le remarquerais même pas. Je ne vois pas comment les choses pourraient empirer.

(Suffit de demander lol)
Une licorne surgit derrière moi et ouvre grand la bouche, dévoilant les crocs qui s'apprêtent à me déchiqueter la gorge. Deninoza se dresse devant, sabre à la main. La lame se brise, ma sauveuse ne peut plus bouger. La jument noire a un rictus, avant de planter ses dents dans le bras de Deni. Celle-ci se mord la langue pour ne pas crier, heureusement la blessure n'est pas trop grave. Pour l'instant. La licorne tire d'un coup sec, décrochant le bras de la chevalière de son épaule. Rien ne peut plus empêcher le hurlement de douleur de sortir de sa gorge. Elle s'écroule devant moi, serrant son épaule amputée. Je ne peux détacher mon regard de tout le sang qui s'écoule de sa plaie.

La créature se débarrasse du bras mort et me jette un regard mauvais. Je m'arme d'une branche, comme la première fois. Mon épée a disparu, le sabre de Deni est en miettes, et il n'y a aucune arme à proximité ; peu importe, je me battrais à mains nues s'il le faut. Car Deninoza, celle qui m'a sauvé la vie, et peut-être sur le point de perdre la sienne. Comme quoi, personne n'est invincible...

Je vois la licorne galoper vers moi, alors je brandis ma branche et la lui enfonce maladroitement dans l'œil. La créature reste silencieuse malgré la douleur, et revient à la charge. J'évite son coup, et attrape quelques caillous à lui jeter au visage. Je réussis à lui écorcher le visage plusieurs fois, et à chaque blessure mon moral remonte un peu. Cette jument n'est pas comme les autres, elle est plus puissante... sûrement la reine. La seule qui aura vaincu Deninoza. Mais elle ne me vaincra pas. Je tiendrais.

Pendant longtemps, nous continuons notre combat ridicule. Moi qui lui crée de petites coupures sur tout le corps, et elle qui m'attaque inutilement, car j'esquive chaque ruée. Notre petit manège dure jusqu'au coucher du soleil. À la fin, nous sommes épuisées. Deni est inconsciente sur le sol, son hémorragie s'étant arrêtée d'elle-même. Mes paupières sont lourdes, j'ai très faim et soif. Je ne remarque pas la licorne qui court vers moi. Elle me percute de plein fouet, plantant sa corne torsadée dans mon ventre. J'ouvre grand la bouche et crache du sang, avant d'être renversée à terre. L'ennemi enfin satisfait s'allonge sur le sol pour se reposer.

Je masse mon ventre d'où coule le sang. J'ai donc échoué ? Je vais mourir comme ça, sans avoir pu me rendre utile à quoi que ce soit ? Que vais-je dire à Isaure et Jade ? Suis-je bête. Si je meurs je ne pourrai rien leur dire de toute façon.

Je m'installe sur mes genoux, ignorant la douleur dans mon estomac. La licorne me fixe, attendant que je l'attaque. Comme je ne réagis pas, elle se lève et part. Quelques instants plus tard, elle revient avec un poignard ensanglanté dans les mains. Je baisse la tête, attendant patiemment qu'elle m'achève.

Une lumière vive éclate soudainement pour éclairer les arbres. Une lumières bleue comme l'océan turquoise, le ciel d'été, la nuit sans étoile. Un bleu unique, que je n'ai jamais vu auparavant. Une silhouette humaine se dresse devant moi et m'empêche de voir la licorne. La lumière éclatante me fait mal aux yeux, mais je les gardent ouverts par curiosité. D'où vient cette lumière ? La jument noire est encore là ? Qui est cette personne ?

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