Chapitre 43
Le lendemain, j'ai la désagréable sensation que mes écarts de la veille peuvent se lire sur mon visage ce qui alerte aussitôt Rose. Elle dépose devant moi une tasse de café fumante, avant de mordiller la branche de ses lunettes cherchant ses mots.
Je préfère mettre fin au suspense moi même. Son regard croise le mien, je soupire, une mèche de cheveux voltige avant de retomber sur mon visage.
- Soren et moi, sommes en train de nous séparer, lui dis-je tout bas les yeux luisants.
- Pardon ? s'étouffe t-elle. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ?
- Oh que si, tu l'es, renchéris-je. Aussi surprenant que ça puisse paraitre, c'est terminé, j'ai merdé.
- Mais merdé, comment ? dit-elle avec un brin de panique dans la voix. Soren et toi, vous êtes pourtant inséparables.
- Je te jure, je suis minable, répondis-je la gorge serrée, les mains qui viennent cacher mon visage. J'étais pourtant prête à lui en parler avant de franchir la ligne rouge ! Et je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai fait cette erreur de ne rien lui dévoiler juste pour vivre une histoire sensuelle avec Ivy, la fille dont je t'ai déjà parlé ! Je suis trop conne ! Je savais que si je lui en parlais, je n'aurai jamais pu connaitre ce que ça fait de le faire avec une femme. Je ne m'attendais pas à ce qu'il puisse avoir une telle réaction, je pensais qu'il comprendrait.
- Oh alors là je ne peux que te soutenir mais en tant qu'amie, je n'accepte pas ce que tu as fait à ton homme ! me lance Rose avec franchise. C'est vrai que c'est impardonnable et une vraie trahison ! Je peux comprendre que Soren soit passé par toutes les émotions !
- Je te remercie Rose, dis-je blasée mais je ne peux lui en vouloir elle a bien raison. C'est la plus grosse erreur de ma vie, de ne pas avoir consulté Soren avant et maintenant voilà qu'il ne veut plus de moi. Je n'ai rien contrôlé, rien pu faire tout m'est tombé dessus comme ça ! Pourtant je lui ai toujours tout dit et là non ! Je ne sais pas ce que j'ai foutu ! L'appel de la douceur d'une femme a pris le dessus, c'est comme si quelqu'un d'autre avait pris les commandes de mon cerveau ! J'étais aveuglée par le désir, l'envie de sentir ses mains sur moi, sa bouche sur mon corps !
- En tout cas, je serai présente pour toi, saches que tu peux compter sur moi, me déclare Rose sans juger plus la situation. Après je ne l'ai jamais vécu, je veux bien te croire que tout ça t'a destabilisée. Est-ce que ça valait le coup au moins ?
- Bien sûre, tu n'as pas idée de ce que ça peut te faire ressentir, le degré de plaisir et de désir qui atteignent des points élevés ! C'est une autre source de plaisir, différente de ce que tu peux avoir avec un homme, c'était tout aussi merveilleux mais je trouve que c'est avoir foutu en l'air mon couple pour une histoire de douceur !
- Attends ma chérie, s'exclame Rose en tapotant mon bras. Soren risque d'être lui aussi perdu sans toi, attends toi à ce qu'il revienne et que tu puisses lui donner des explications plus approfondies. Il t'aime énormément, ça se voit ! Et ça m'étonnerait qu'il laisse tomber comme ça !
- C'est comme ça que vous bossez vous deux ? nous reprend Pierre Venet, notre nouveau collègue, chef des agents techniques. À vous raconter vos déboires ?! (Il s'asseoit sans gêne sur le dessus de mon bureau pour plonger ses yeux bleus dans les miens). Pas très professionnel, ça mes dames ! Ne vous a t-on jamais appris que le privé c'est le privé et que cela n'a rien à faire avec le professionnel ?
Rose se tourne vers lui, son nez se plisse et elle lui lance un regard méprisant.
- Mêles toi de tes fesses, Pierre ! On ne t'a pas sonné ! rétorque Rose d'un ton méprisant. C'est une conversation privée et tu nous les brises !
Pierre continue ses réfléxions ainsi que ses blagues à mourir d'ennui. Je lève les yeux au ciel en mordillant mon crayon alors que Rose caresse mon épaule.
Je passe ma journée à plancher sur un dossier qui en temps normal m'aurait pris qu'une paire d'heures. Je n'ai pas la tête à cela mais là où Pierre n'a pas tord, c'est que le côté privé ne doit pas interférer sur ma vie professionnelle. Soren me manque déjà atrocement, je ne peux imaginer ma vie sans lui et je m'inquiète beaucoup pour Ivy qui n'a pas donné signe de vie non plus.
Lorsque je tente de l'appeler, sa messagerie me renvoie pour la énième fois la fameuse phrase '' ce numéro n'est plus attribué ''. Où est-elle ? Que fait-elle ? La prive t-il de son téléphone ? Lui a t-il fait du mal ? Il est dix-neuf heures, je suis toujours accoudée à mon bureau réfléchissant au prochain entretien que je ferai passer, aux différents objectifs que j'attends du ou de la futur(e) aide soignant(e) que je dois embaucher. J'aime donner des missions valorisantes au personnel que j'encadre mais là, la tâche me parait bien compliquée et pourtant créer une fiche de poste est quelque chose que j'aime faire en temps normal. La pluie percute violemment la baie vitrée de mon bureau, je ne veux pas reporter mon travail au lendemain. De toute façon plus personne ne m'attend à la maison lorsque je rentre le soir.
Seule dans mon bureau je finis par m'effondrer, les épaules secouées par des sanglots, je suis inconsolable et ne parviens à trouver une source d'apaisement. Lorsque je jette un oeil à mon poudrier, mon maquillage et ruiné, pas la peine de me refaire une mise en beauté entre la pluie et le cafard qui loge en moi.
Mon plus grand regret c'est Soren, je suis dans le déni ! Je refuse d'envisager ma vie sans lui. Impossible ! Les dents serrées, je tends la main vers mon imprimante pour attraper une feuille vierge et m'empare de mon stylo plume. L'oxygène me manque, ma vue se brouille et je ressens quelques vertiges, j'ai tellement de choses à lui dire. Mes larmes tachent le papier, cela tombe bien c'est mon coeur qui doit parler.
Soren,
Je ne sais pas par où commencer, tant mon cœur est lourd et tourmenté. La plume tremble dans ma main, hésitant à coucher sur le papier les aveux qui me brûlent les lèvres depuis si longtemps.
Tu es l'homme de ma vie, celui qui a su conquérir mon âme et illuminer mes journées de son sourire radieux. Ton amour est un havre de paix où je me réfugie chaque soir, oubliant les tempêtes de la vie.
Pourtant, j'ai commis l'irréparable. J'ai trahi ta confiance, succombant à un désir insensé, une tentation passagère qui a failli me consumer.
Je ne peux nier l'attirance que j'ai ressentie, un feu brûlant qui m'a aveuglée l'espace d'un instant. Mais sache que mon cœur ne s'est jamais détourné de toi. Même dans les bras d'une autre, je n'ai vu que ton visage, entendu que ta voix.
Je sais que mes paroles ne suffiront peut-être pas à apaiser ta douleur, à effacer le mal que j'ai causé. Je suis prête à assumer la responsabilité de mes actes, à endurer la tempête que j'ai déchaînée.
Mais je t'en supplie, ne me quitte pas. Ne me prive pas de ton amour, qui est l'air que je respire, la lumière qui éclaire mon chemin.
Je t'aime plus que les mots ne peuvent l'exprimer, et je suis prête à tout pour reconquérir ton cœur. Accorde-moi une chance de prouver ma sincérité, de te montrer que mon amour pour toi est indestructible.
Avec toute la force de mon âme,
Dixie.
P.S. Je sais que mes actes sont inexcusables, mais j'espère que tu trouveras la force de me pardonner. Je t'aime plus que tout au monde, et je ne peux imaginer ma vie sans toi.
J'ouvre mon tiroir, glisse la lettre dans une enveloppe blanche, la referme en léchant les bords. Je repasse du rouge à lèvres pour pouvoir embrasser l'ouverture de l'enveloppe afin de laisser mon empreinte et lui rappeler la douce sensation qu'il pouvait ressentir lorsqu'il posait ses lèvres sur les miennes. Larmes et rouge à lèvres se mélangent, mes doigts tremblent lorsqu'ils appuient sur le pulvérisateur de mon parfum. Quand lui donner ? Je ne sais pas. Où es-tu ? Depuis combien de temps es-tu parti ? Une heure ? Un jour ? Chaque minute qui s'écoule me semble une éternité. Je t'ai cherché partout dans la maison, mais tu n'es nulle part. Ton téléphone est éteint, et tu ne m'as laissé aucun message. Mais ce silence ne fait que s'intensifier, amplifiant mon inquiétude.
Dehors, la pluie tombe à verse, un rideau gris, larme du ciel sur mon coeur anéanti. La douleur est si intense qu'elle en devient physique, comme une pluie battante qui s'abat sur ma poitrine. Je cours à en perdre halaine, voulant à tout prix fuir toutes ses émotions grandissantes en moi. Mes talons se dérobent, à deux doigts de me fouler la cheville je finis par les balancer dans un coin de la rue pour finir ma course pieds nus. Mes jambes me portent comme pour fuir le danger, mes seins libres de tout soutient, rebondissent au rythme de mes foulées. Mes pieds nus frappent le sol dur des pavés, des vibrations douloureuses résonnent à travers mes os mais je ne m'en soucie pas. Ce n'est rien comparé à la peine qui fait rage en moi. Ma crinière sauvage est fouettée par le vent, mes larmes se mêlent à la pluie qui tombe. Je ne sais plus pourquoi je cours, je sais juste que je dois m'éloigner, fuir bien loin de la douleur qui m'arrache le coeur. La ville défile tout autour de moi, des lumières floues, des silhouettes que je ne parviens pas à distinguer. Je n'entends plus rien, prise dans ma bulle de douleur et dans mon shot d'adrénaline. Les gouttes glacées me percutent le visage, ma peau frissonne sous mes vêtements détrempés qui me collent au corps, dessinent mes courbes. Je ferme les paupières pour me protéger du déluge, la pluie s'infiltre dans chaque parcelle de mon corps. J'avale une gorgée d'eau salée lorsque je tente de reprendre mon souffle, comme si je mourai à petit feu. Je suis trempée jusqu'aux os, je grelotte de froid et me plante là, immobile et impassible.
Les mains qui froissent mes cheveux j'hurle un cri de détresse qui vient de mes entrailles et m'effondre à genoux sur le trottoir pour hurler encore plus fort dans un sentiment de desespoir.
Mes cheveux me barrent le visage et dégoulinent le long de mes joues. Le vent s'engouffre à l'intérieur de mes vêtements pour venir pincer mes tétons, je ressens une vive douleur à l'intérieur de ma poitrine jusqu'à ses extrémités. J'ai besoin d'extérioriser toutes mes émotions, je tremble comme une feuille pleurant toute la douleur qui est en moi. Une main se pose sur mon épaule, un frisson me traverse, un homme, c'est un homme qui est en train de prendre la pluie juste à côté de moi.
- Mademoiselle, ne restez pas là, vous allez prendre froid, murmure t-il d'une voix douce. Laissez moi vous aider.
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