Chapitre 44
Cet homme vient nous abriter avec son parapluie qui se dresse au dessus de moi pour me recouvrir. Il semble touché par mon bouleversement. Il me tend une main secourable, je le regarde troublée, les yeux noyés de larmes incapable de prononcer un mot. Un râle d'acquiescement s'échappe de ma gorge, je saisis sa main et accepte son aide en me hissant avec pénibilité sur mes jambes flagellantes. Son sourire est doux, rassurant et m'inspire aussitôt la confiance et m'aide à puiser de la force pour continuer. Son parapluie me protège de la pluie battante. Je le suis, muette, nous marchons côte à côte dans la nuit. L'homme me guide vers un abri loin de ce déluge.
Ses clés tournent dans la serrure de la vieille porte en bois, les portes de son intimité s'ouvrent à moi et il m'invite à entrer. Morte de froid, je suis insouciante et j'enjambe le palier sans craindre l'inconnu qui m'a ramenée chez lui. Il part dans la cuisine tout en me proposant de m'installer dans le canapé en cuir qui semble avoir vécu. Le cuir est souple en dessous de mes doigts, c'est réconfortant et apaisant que je n'attends pas son retour pour m'endormir blottie contre le dossier.
L'inconnu revient, j'entrouvre péniblement les yeux, dans ma torpeur je remarque qu'il pose une tasse de thé sur la table basse. Il respecte mon silence lorsque je prends difficilement une gorgée de thé avant de m'assoupir de nouveau. Avec précaution, il rabat une couverture chaude sur mon corps endolori par le froid.
La pendule laisse le coucou s'échapper, je sursaute me demandant où je suis. Je me cache aussitôt sous la couverture laissant seuls mes yeux en dehors. Je me réfugie à l'autre bout du canapé pour m'éloigner de cet inconnu pourtant séduisant.
- Où suis-je ? répondis-je inquiète. Qui êtes-vous ?
- Pas d'affolement, vous sembliez si perdue et frigorifiée, je vous ai accompagné chez moi, répond t-il avec un sourire chaleureux. Leão Santos, je suis vendeur de prêt à porter.
- Merci de votre hospitalité, dis-je hésitante avant de lui tendre la main. Dixie Brunetton, directrice des ressources humaines dans le grand hôpital de Toulouse.
- Je vous refais un thé ? Celui-ci est froid ? me propose t-il.
- Volontiers, c'est gentil, merci, renchéris-je en attendrissant mon regard qui était méfiant.
La bouilloire crache sa vapeur. Elle se met à bouillir avec affolement.
- Je vous ai trouvé épleurée, une période douloureuse ? me demande t-il.
- On peut dire ça, oui, répondis-je. Rupture amoureuse après six ans. Ça fait tellement mal. Et vous, vous êtes une âme solitaire ? Pas de femme ou d'enfant ?
Le regard de Leão s'embrume, je regrette alors ma curiosité qui semble raviver de mauvais souvenirs chez le beau brun au teint mate.
- Je suis veuf, affirme t-il la gorge serrée, la voix tremblante et éteinte. Ma femme est décédée il y a dix ans, quelques mois après notre mariage. Son coeur s'est arrêté brutalement, je ne m'en suis jamais remis mais je n'ai pas d'autre choix que d'avancer et de continuer de vivre pour elle.
Je me sens minable avec en bagages ma rupture amoureuse et mon histoire de sensualité féminine, à côté du décès de sa femme, c'est peu. Je freine la montée de mes larmes, cette conversation vient de jeter un froid dans le salon pourtant chaleureux.
- Je suis désolée... Je n'aurai pas dû vous poser la question...
- Vous ne pouviez pas savoir, me rassure Leão. Manger, vous avez faim, Dixie ? Je vais passer à table.
- Puisque vous proposez, je ne suis pas contre. Cela nous remontera le moral à tous les deux !
Leão me répond par un faible sourire, je m'extrais de la couverture pour lui apporter mon aide qu'il refuse poliment désirant être aux petits soins pour son invitée inattendue. Le beau portugais revient avec une grande serviette éponge pliée à la perfection et un gant de toilette ainsi qu'une longue chemise à carreaux épaisse, un legging noir et une culotte en dentelle plutôt transparente, posés sur la serviette. Mes joues s'empourprent, j'accepte ce qu'il me tend et l'admire beau comme un dieu, 1m80 plutôt bien foutu.
- Prenez une douche, réchauffez-vous, ce sont les affaires de ma femme, s'exprime t-il. Je vois que vous faites le même gabarit qu'elle. Prenez votre temps le temps que le repas finissent de chauffer.
- Je ne voudrai pas abuser, vous m'avez déjà recueillie et c'est très attentionné de votre part.
- Ne me contredisez pas, vous en avez besoin Dixie ! Je vous attendrai dans la salle à manger, s'exclame t-il en me faisant un clin d'oeil.
Je soupire en lui exprimant ma gratitude. Et m'en vais avec la pile d'affaires qu'il vient de me remettre. Lorsque je ferme la porte de la salle de bain, je pose le tout sur la chaise en paille qui se trouve juste derrière par côté de la porte et je me rends compte qu'il n'y a aucun verrou dans cette pièce. Je me pétrifie espérant, que ce n'est pas un piège pour me rejoindre dès que j'aurai le dos tourné, bien que je me sois un peu réchauffée, j'ai besoin de cette douche alors je chasse d'un geste de la main ces pensées et commence à me dénuder.
L'eau vient masser mon dos, je plaque mon front contre la paroi, soulagée de la chaleur qui m'enveloppe. Cette douche est la bienvenue, cela me détend et met fin à mes tremblements. Je me savonne avec délicatesse, j'admire la mousse onctueuse qui recouvre mon corps, qui vient cacher mes tétons ainsi qu'une partie de mon sexe. J'aimerai ne plus en sortir, saisie par le bien-être, j'ai tellement pleuré que mes émotions néfastes se sont elles aussi en allées. La douceur de l'eau, caresse le galbe de mes fesses, chasse les pressions situées dans cette zone. Je me rince pour ne pas exagérer avec l'écoulement de l'eau et tamponne ma peau avec la serviette éponge.
Mon reflet est désirable avec cette jolie culotte en dentelle qui ne dissimule pas grand chose et cette chemise qui laisse admirer les formes de ma petite poitrine. Doucement je passe les boutons dans les encoches et enfile le legging qu'il m'a prêté, je devrai être confortable pour la soirée. À ma sortie, Leão récupère mes vêtements humides pour les mettre à la machine puis à sécher devant la grande cheminée.
Nous passons à table autour d'un pot au feu et un peu de vin rouge. Au moins pour ce soir, je ne me sentirai pas seule chez moi.
- On peut peut-être se tutoyer, me suggère t-il. Vu que l'on partage un repas ensemble.
- Bien sûre, m'exclamai-je. Aucun souci pour le faire ! C'est très bon ce que tu as préparé en tout cas ! Tu as des passions, Leão ?
- J'aime passer mon temps libre à courir, ça m'aere l'esprit depuis que j'ai perdu ma femme et je suis passionné de nature et mécanique !
- Peux-être que je pourrai t'accompagner si c'est une thérapie efficace, admets-je. Je sens que je vais avoir besoin de stimulation les prochains mois.
- Tu sais, j'ai l'habitude d'être seul, affirme t-il avec franchise.
- Désolée, je ne voulais pas être intrusive, c'est mon côté sociable ça et d'être seul c'est pas forcément bon !
- Tu n'as pas tord non plus, effectivement tu pourrais devenir ma partenaire de course, dit-il d'une voix chaleureuse accompagnée d'un petit rire qui n'est pas forcé. Cela me fera du bien d'avoir quelqu'un à qui parler et avec qui partager des moments.
- Ecoute, je te laisse réfléchir à ma proposition, c'est sans obligation, renchéris-je.
- Je prends note, s'exclame Leão. Voilà une mousse au chocolat faite par mes soins, tu m'en diras des nouvelles, ça va te remonter le moral !
Nichée dans un ramequin élégant, elle me fait de l'oeil, je plante ma cuillère dans la mousse et la voit s'affaisser délicatement, texture légère et onctueuse. Je ferme les yeux lorsque mes lèvres accueillent la cuillère gourmande, mes sens s'éveillent. La mousse fond sous ma langue, le chocolat noir a une pointe d'amertume, c'est parfait en bouche, un plaisir des papilles. La texture enrobe mon palais, le chocolat crépite contre celui-ci. Je reprends volontiers une seconde cuillère puis une troisième, puis jusqu'à qu'il n'en reste plus.
- Tu es très doué comme cuisinier pâtissier, je suis conquise, dis-je rassasiée le sourire aux lèvres.
- Si tu es heureuse alors je le suis aussi, renchérit il.
Je l'aide à faire la vaisselle, nous nous échangeons d'autres informations personnelles. J'apprends qu'il a 32 ans, je découvre d'autres points communs et centres d'intérêts similaires. Cet homme est un excellent remontant, il me taquine pour me faire rire, les larmes aux yeux nous viennent, que ça fait du bien !
Il me laisse choisir un film dans sa vitrine à DVD, il possède tous les grands classiques et les films à succès. J'opte pour une comédie, cela m'évitera de pleurer comme une madeleine. La pièce est tamisée, seule la lueur des projections du grand écran vient éclairer nos visages. Je ressens alors un grand besoin de réconfort, lentement je me glisse tout près de Leão et pose ma tête sur son épaule.
- Cela ne te gêne pas ? dis-je avec respect. J'ai besoin de proximité, d'être proche de tes bras.
- Moi aussi, répond t-il. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de contact tactile avec une personne. Viens, Dixie.
Son bras entoure mon épaule, je l'entends soupirer et sens son corps se relâcher. Nous sommes à présent silencieux, blottis l'un contre l'autre devant le film. Ma peau se réchauffe, plus aucun frisson me parcourt mis à part des frissons lorsque ses doigts sur mon bras se font beaucoup trop légers.
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