Chapitre 47
░ ░ ░ DIXIE ░ ░ ░
Le froid est la seule chose qui me fait sentir vivante et sensible au choc de température entre mon appartement et l'extérieur. Nostalgique, je viens m'asseoir sur le banc, celui où j'ai rencontré pour la première fois Ivy. À ce moment là, je n'étais toujours pas séparée de Soren. Le pincement de l'air glacial vient me faire la sensation d'une gifle sur la joue, je sens ma peau rougir et tirailler me rappelant l'erreur de ma vie. L'erreur n'est pas d'avoir couché avec Ivy, mais de l'avoir fait sans avoir la permission de mon chéri. Mes yeux perlent de larmes, je tremble de tout mon être lorsque je déplie sur mes genoux un cahier qui me sert de support, je suis en train de rédiger déjà la troisième lettre pour Soren mais comme les autres, je sais que je n'aurai pas le courage de lui envoyer. Mais cela apaise la colère que je ressens contre moi même et m'aide à affronter la peine de coeur que j'ai en moi. Je suis vide, c'est atroce de ressentir cela d'ailleurs. Un sentiment que mon coeur a beaucoup de mal à supporter. L'encre s'étale sur la feuille, les lettres s'arrondissent et leurs contours ne sont pas très nets tenant difficilement mon stylo en main luttant contre les tremblements. Chaque mot souligne ma culpabilité, renforce ma honte. Ecrire me permet de garder ne serait-ce qu'un tout petit espoir que les choses puissent s'arranger.
Un tressautement de surprise me fait relever la tête lorsque je me rends compte qu'Oleksandr se trouve juste devant moi. Mes yeux s'écarquillent et je me sens pâlir. J'opte pour le silence, ne quittant pas son regard, il me demande s'il peut s'asseoir à côté de moi. J'acquiesce d'un hochement de tête en me décalant pour qu'il y ait une petite distance de séparation où je me sens en sécurité dans ma zone de confort. Oleksandr baisse la tête jusqu'à ressentir une tension douloureuse dans la nuque et ses doigts se triturent avec nervosité.
- J'ai peur d'avoir commis l'irreparable, déclare Oleksandr toujours les yeux au sol. Je l'aime tellement, je ne voulais pas que cela arrive. Je ne suis pas parvenu à maîtriser ma force, et on s'était disputé fort juste avant, me confie t-il. Je m'en veux beaucoup d'avoir levé la main sur elle, je ne sais plus comment retourner en arrière.
Je ferme les yeux pour bloquer tout ce qui pourrait me distraire, je l'insulte en silence en adoptant une respiration profonde. Ma mâchoire se crispe, j'essaye de me mettre à sa place, c'est difficile pour lui, cette situation nous l'avons cherché toutes les deux, quelque part et j'en ai bien conscience. Je me frotte les tempes, plusieurs fois, rassemble mes pensées.
- Pourquoi te confies tu à moi ainsi ? dis-je avec méfiance.
- Parce que tu es celle qu'Ivy connait le plus et qui la rendait heureuse, affirme Oleksandr en tournant la tête vers moi. Je ne sais pas comment me rattraper, j'ai trop mal pour Ivy, c'est ma petite amie et je lui promettais tellement de belles choses et voilà que je suis qu'un connard ! Je l'ai frappé, je n'aurai jamais dû. Pourtant je ne suis pas comme ça ! Je ne suis pas ce gars là !
- J'ai des remords moi aussi, renchéris-je. Mais comme moi, tu n'as pas le choix de vivre avec maintenant. Je trouve cela intolérable que tu aies pu battre Ivy mais si tu en es arrivé là, j'admets que c'est aussi à cause de nous. Je ne te demande pas de me pardonner, je sais que tu me vois d'un mauvais oeil et que tu ne me portes pas dans ton coeur mais je te demande pardon pour toute la colère que cela engendré en toi, Oleksandr. J'imagine la profondeur de tes blessures, continue-je en agitant les épaules. Cette déception amoureuse, je sais ce que tu traverses, Soren m'a quittée. J'ai tellement honte de l'avoir trahi... Maintenant prends soin d'Ivy, s'il te plait... Ce qui fonctionne avec elle, c'est beaucoup de douceur !
- C'est trop dur à supporter, Dixie, s'exprime Oleksandr en soupirant lourdement, ses épaules s'affaissent. J'ai beaucoup de mal à voir mon visage dans une glace, je me haïs d'être ce que je suis ! À vrai dire, c'est elle qui a commencé à me frapper, mais je n'aurai pas dû me défendre, j'aurai juste dû la retenir ! Je n'ai rien contre toi saches le, mais c'est difficile de t'avoir en face de moi.
- Pourtant tu es là à t'ouvrir à moi, renchéris-je.
- J'ai besoin de... s'exclame t-il la voix brisée. De me libérer de toute cette putain de culpabilité ! Et je cherchais surtout ton soutien et quelques conseils de ta part....
- Ivy, t'aime, je n'ai aucun doute là dessus, reprends-je. Mais tu vas devoir t'excuser, te mettre à ses pieds, la rassurer et lui montrer que tu es plus présent que jamais pour elle ! C'est de ça dont elle a besoin.
- C'est pour Soren ce que tu écris ? complète t-il avec intérêt.
- Je ne sais pas trop, possible, oui. Mais je n'ai pas suffisamment de courage pour lui remettre et j'ignore totalement où il se trouve en ce moment même. Il me manque chaque seconde passée sans lui, répondis-je en soupirant bruyamment. Ecrire est un moyen pour libérer mes émotions, gérer mon chagrin et ma colère réunis ! Je mets des mots sur mes sentiments profonds, ça me décharge de cette douleur émotionnelle et cela me permet de conserver nos souvenirs ancrés en moi. Un chemin vers l'acceptation, sans doute !
- C'est bien dommage, cela lui retournerait le coeur et peut-être que tu pourrais avoir toutes tes chances de le reconquérir, lui aussi il t'aime à en mourir, pour me l'avoir dit ce matin !
- Je n'ai aucune envie de connaitre un nouveau rejet de sa part, cela me fait encore plus mal, réponds-je la gorge serrée. Quoi ? Attends, tu as vu Soren ce matin ?
- Oui, nous sommes allés prendre un café tous les deux, répond Oleksandr. Pourtant ça a le mérite d'être tenté ! Surtout qu'il est très vulnérable, si tu avais vu la tête qu'il avait en entrant dans la café !
- Cela me brise le coeur de l'imaginer, dis-je les yeux luisants. Et vraiment, je suis sincèrement désolée pour tout ce qui s'est passé au sein de ton couple, je sais que des excuses ce n'est pas grand chose mais j'ai besoin de te les présenter.
- C'est pour te donner bonne conscience ? ironise Oleksandr avec un sourire crispé.
- La culpabilité a un goût amer, certes, réponds-je. C'est difficile de la garder en soi mais mes excuses sont vraiment sincères, je croyais contrôler la situation mais ce n'était pas le cas. Donc tu sais où loge Soren ?
- Possible, dit-il d'un air mystérieux. À toi de remuer ciel et terre si tu veux le retrouver, moi j'ai promis de ne rien dire pour l'instant, juste que ce n'est pas très loin de chez toi.
- Ce n'est pas juste ça ! renchéris-je. Fais attention à lui en tout cas, il a besoin de quelqu'un qui l'écoute et il est sensible mon h........ m'interromps-je. Oh voilà Ivy, je vais vous laisser tous les deux, vous avez besoin d'être ensemble, salut !
À la hâte, je rassemble mes affaires dans mon grand sac bandoulière. Ma lettre s'échappe avant que je rabatte le haut de mon sac, Ivy la ramasse aussitôt portant les yeux sur le début de mon écriture puis elle me tend la feuille.
- Désolée, c'est personnel, s'excuse t-elle le rouge aux joues. Au revoir, Dixie. Rentrons il ne fait pas si chaud !
La jeune femme écourte notre échange, elle bouscule gentiment le bras de son compagnon pour l'inciter à rentrer à la maison. Leurs silhouettes finissent par disparaitre dans leur hall d'entrée avec la porte qui se referme sur l'extérieur. J'ai l'impression d'être dépourvue de tout lien humain, complètement déconnectée de la réalité. Une sensation de malaise me parcourt, ma bouche devient toute sèche. Je ressens aussi une grande confusion et une goutte de pluie vient s'écraser sur mon front pour me faire revenir à la réalité. Il est temps de rentrer.
Annotations
Versions