Chapitre 51
░ ░ ░ DIXIE ░ ░ ░
Je me retrouve seule, après le départ d'Ivy, assise sur les toilettes. Un test de grossesse entre les mains plongée dans mes réfléxions autour de mes nausées et vomissements qui m'alertent depuis quelques jours. Les mèches de cheveux qui se sont échappées de ma queue de cheval retombent sur mon visage et s'agitent lorsque mon corps se remet à trembler dans l'attente du résultat. Deux barres s'affichent très nettement, aucun doute, je suis belle et bien enceinte. Je m'effondre en larmes, perdue et anéantie. Je ne réalise pas comment cela a pu me tomber dessus ? Moi qui suis très régulière avec ma pilule contraceptive, aucun comprimé oublié. Pas de raté dans ma prise journalière, cela ne tombe bien sûr pas au bon moment. Je dois retrouver Soren pour le mettre au courant, il doit savoir après tout, c'est lui le père. S'il m'a mentionné de s'en aller quelques temps chez sa soeur, j'ignore s'il se trouve chez elle à l'heure actuelle. Je m'apprête pour le revoir, prends un sac à main en bandoulière et enfouis à l'intérieur les lettres que je comptais lui adresser. Arrivée sur le palier, mon doigt s'enfonce sur la sonnette d'Ellen Cesbron, la porte s'ouvre. Le regard noisette d'Ellen se durcit en découvrant ma silhouette. Pas très grande, jeune de vingt-quatre ans, bien que réservée elle me fait comprendre que ma présence n'est pas la bienvenue.
- Dixie, mon frère a été des plus clairs avec toi, il me semble, déclare t-elle d'un ton cinglant en me regardant dans les yeux. Il ne veut plus te revoir alors vas t'en !
Elle est aussitôt rejoint par son deuxième grand frère de 26 ans, Owen. Ses yeux verts s'assombrissent en me voyant, ils me rappellent beaucoup trop ceux de Soren. Il pose une main sur l'épaule de sa soeur comme pour la soutenir et bombe le torse pour se tenir bien droit face à moi.
- Tu as fait suffisamment de mal, ne l'approche pas et ne t'avise pas de le retrouver, enchaîne Owen.
Ma gorge se resserre, l'étau m'étouffe me laissant qu'un mince filet d'air. Sa ressemblance avec Soren me déchire le coeur. J'avais beaucoup de considération pour eux, j'en ai toujours et j'ai su être là pour eux dans leurs moments de doutes, nous avions une belle complicité. De voir que nos liens se brisent est insupportable, je les considérais comme mes frères et soeurs.
- Je dois lui parler, ça nous concerne tous les deux, ce n'est pas de moi dont il s'agit, répondis-je d'un ton ferme en m'approchant tout près d'eux.
Owen est protecteur envers sa petite soeur, il la pousse derrière lui pour m'empêcher d'aller plus loin et de poser une main sur elle.
- On ne veut rien savoir, grogne le petit blond. Tu lui as brisé le coeur pour une histoire de cul ! Il commence tout juste à ressortir un peu de sa chambre alors ne vient pas gâcher la remontée de sa pente ! Tu nous déçois trop, Dixie, il t'aimait très fort !
- Owen, Ellen, je connais mes erreurs et le mal que je lui ai fait mais j'ai vraiment besoin de le voir !
- Oh que non tu ne sais pas, renchérit Ellen en repoussant son frère. Tu ne sais pas tout ce qu'il a traversé en un mois car tu ne pensais qu'à toi ! et à cette femme quand tu la baisais ! Pas une seule seconde tu as pensé à ce que pouvait ressentir Soren ! La tristesse que tu as pu voir lorsqu'il t'a quitté ce n'était rien ! Rien à comparer sa dépression dans laquelle tu l'as plongé ! J'ai dû ramasser mon frère à la petite cuillère ! Trouver les bons mots pour mettre fin à ses pleurs et apaiser son coeur !
- Sûrement, et je comprends votre colère à tous les deux et votre désir de le protéger ! renchéris-je le coeur lourd de regrets. Je sais que toutes les excuses du monde ne valent rien vis à vis de son chagrin, je culpabilise mais ça je sais aussi que c'est bien fait ! Là n'est pas la question, j'ai quelque chose d'important à lui dire alors j'aimerai que vous me disiez juste où il se trouve en ce moment et après vous n'entendrez plus parler de moi ! Je vous aime tous tellement, j'ai beaucoup de peine et sachez que je n'ai rien pu contrôler ! Si c'était à refaire même pas cela se repasserait !
- Les choses sont faites, complète Owen. Revenir en arrière, impossible ! Alors stop aux bavardages inutiles ! Tu me dégoûtes, je te considérais comme ma soeur, je t'admirais même !
- Je te trouvais classe, je te voyais trop comme mon modèle, renchérit sa soeur. Dixie, que s'est il passé pour en arriver là ? Je ne comprends pas et je t'en veux de lui avoir fait du mal !
- Vous avez raison, c'est ce que je pense aussi en me regardant dans un miroir. Je me déteste pour ce que j'ai fait mais maintenant je dois avoir une conversation d'adulte avec Soren alors dites moi juste où il est.
Ellen me lance un regard amer avant de revenir avec un stylo ainsi qu'un bloc notes sur lequel elle griffonne une adresse. Lorsqu'elle me le tend, je ressens de l'agressivité dans son geste, je lui prends le feuillet et la remercie d'un hochement de tête.
- Au moins, il a trouvé un ami qui peut le comprendre mieux que n'importe qui, s'exclame Ellen. Deux hommes malheureux en collocation, quel gâchis !
- Merci Ellen, je ne vous embête pas plus, au revoir !
Owen pousse Ellen a l'intérieur pour me claquer la porte au nez. Je mets en route Waze pour me diriger vers le nouvel appartement que partagent Oleksandr et mon ex petit ami. Je redoute le face à face, comme pour un premier rendez-vous, mes mains sont moites et tremblent sur le volant. Mon coeur ne s'arrête plus de battre de façon désordonné que cela cogne jusque dans mes tempes. Oleksandr est surpris lorsqu'il m'accueille, ses sourcils châtains clairs se froncent pour exprimer cet étonnement qu'il n'a pu dissimuler.
- Salut, je sais que je suis la dernière personne que tu souhaites voir mais j'aimerai échanger avec Soren sur un sujet très sérieux. Est-ce que tu me laisses entrer ?
- Bonjour Dixie, bien sûr, affirme t-il en me laissant un espace pour entrer. Je te laisse refermer derrière toi, je sors un moment.
- Merci beaucoup, tu me dois rien mais merci d'avoir accepté que j'entre.
Oleksandr acquiesce d'un signe de tête, la porte se referme derrière lui. Soren est assis à sa table, lisant un livre. Il m'entend arriver dans le salon et soupire, hésitant avant de se lever. Il me découvre, nerveuse, le regard fuyant.
- Soren... je peux entrer ? lui dis-je avec appréhension.
- Entre. m'autorise Soren d'une voix inaudible, il pâlit ne s'attendant pas à nos retrouvailles.
Je m'avance lentement dans l'appartement. Soren me regarde m'asseoir autour de la table, sans un mot.
- Je sais que ça fait qu'un mois, presque deux... et que tu as tout à fait le droit d'être en colère après moi.
- Va droit au but, Dixie, m'incite Soren d'une voix basse.
Je prends une grande inspiration, fébrile, mes mains tremblent légèrement.
- Soren... je suis enceinte.
Le silence s'abat de nouveau, pesant comme une pierre. Soren se fige, son visage se décompose en un mélange d'incrédulité et de colère.
- Qu'est-ce que tu dis ? s'étonne le bel homme, la voix tremblante.
- Je suis enceinte, Soren. De toi.
Soren s'assoit brusquement, les mains serrées en poings.
- Mais... comment ? On est séparés depuis deux mois quasi !
- Avant notre rupture sans doute... J'ai tellement peur de ta réaction, de tout chambouler une fois de plus !
- Et tu penses que revenir maintenant, après tout ce qui s'est passé, ne va rien chambouler peut-être ? s'exprime t-il en colère me renvoyant à mes erreurs, je déglutis.
- Je sais que j'ai fait la plus grosse erreur de ma vie, Soren. Mais je t'aime. Et j'aime cet enfant qui grandit en moi. Je ne me vois pas... avorter, reprends-je le coeur gros. Pas à mon âge !
- Tu ne peux pas me demander de faire ça, Dixie. Je ne peux pas être un père pour un enfant que je n'ai pas désiré, déclare Soren en se levant et en se prenant la tête entre les mains.
- Mais Soren, donne-nous une chance ! On pourrait peut-être..., dis-je en pleurant.
- Non, Dixie. C'est fini. Je ne peux plus te faire confiance.
Je me lève, mes larmes coulent à flots.
- Tu es vraiment cruel, Soren, réponds-je. Ne me condamne pas pour une seule erreur.
- Ce n'est pas qu'une seule erreur, Dixie. Tu m'as trahi, et tu as attendu trop longtemps avant de me dire la vérité ! Je l'ai su par moi même !
Le bel homme ressent encore beaucoup de rancoeur envers moi, de l'amertume et du chagrin. Je ne peux que le comprendre mais de le voir aussi peu receptif me fait beaucoup de mal.
Je m'approche de lui, suppliante.
- Soren, s'il te plaît... pour notre bébé...
Soren recule, la douleur visible dans ses yeux.
- Je ne peux pas, Dixie. Adieu.
Je m'effondre sur le canapé, des sanglots déchirants m'échappent. Soren me regarde, le cœur serré, les yeux encore amoureux avant de quitter la pièce, incapable de supporter la scène plus longtemps. Mon bébé me permet de garder un tout petit espoir.
- Que tu décides de m'abandonner c'est ton choix ! Mais tu es le père de mon enfant !
- Ma décision est irrévocable, Dixie. Je ne serai pas le père de cet enfant. Tu n'as aucun droit de m'imposer cette responsabilité, dit-il d'un ton tranchant les larmes aux yeux.
Je recule, blessée par ses paroles brutes.
- Mais Soren... c'est ton enfant aussi !
- Je ne l'ai jamais voulu. Et je ne l'aimerai jamais.
Mon corps tremble de rage et de douleur.
- Tu es un monstre, Soren ! Tu n'as aucun cœur !
- Je n'ai aucune obligation envers toi ou cet enfant. Assume les conséquences de tes actes, crie Soren d'une voix grave.
- Je te hais, Soren ! Je te hais !
Sans un mot, je jette une pile de lettres sur la table devant lui. Soren les regarde, confus.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Ce sont les lettres que je t'ai écrite après notre rupture. Des lettres que je n'ai jamais eu le courage de t'envoyer !
Soren prend une lettre au hasard et commence à la lire. Son visage se décompose au fil des mots, ses yeux se remplissent de nouveau de larmes avant de redevenir froids et durs.
- Dans ces lettres, je te parle de mon amour pour toi, de ma douleur, de mon espoir de te reconquérir. Mais tu ne vas même pas prendre la peine de les lire. Tu m'as ignorée, jetée comme un vulgaire déchet.
Soren reste silencieux, incapable de se défendre, ses yeux verts fixent les miens, sa pomme d'Adam s'agite avec nervosité.
- Tu prétends ne pas aimer notre enfant ? Mais lis ces lettres, Soren ! Lis-les et dis-moi encore que tu ne ressens rien pour moi !
Cette fois c'est trop, je jette une autre lettre sur la table, puis me retourne pour quitter l'appartement, laissant Soren seul avec ses remords.
* Dans la tête et le corps de Soren *
'' C'est de sa faute et elle sait une fois de plus retourner la situation pour que je me sente encore plus mal, ce n'est pas moi qui est merdé et il est hors de question que je retourne vers elle. Dans quelle position me met elle avec cet enfant ? Elle a profité de mon instant de fragilité pour me balancer tout cela à la gueule et bien sûre c'est moi qui suis cruel. J'ai le sentiment d'avoir la poitrine serrée, ma douleur m'étouffe, mon coeur se comprime, de la sueur dégouline le long de mes tempes, j'ai du mal à tout assimiler notre échange chaotique. Je sens mes traits se tirer, mon visage devient pâle et mes mains se mettent à trembler en tenant les lettres, incapable de me plonger dans la lecture et de supporter le poids des mots. Je me tortille sur ma chaise, mordillant ma bague qu'elle m'avait offert, je devrais songer à m'en débarrasser à l'occasion. Je suis pris d'anxiété, un état proche du malaise. Je me lève les dents plantées dans mes lèvres, je cale mon bras contre le mur pour reposer mon front contre celui-ci. Je suis incapable de contenir douleur et regrets que je pleure abondamment espérant qu'Oleksandr ne revienne pas tout de suite. Je n'arrive plus à m'arrêter, mes épaules s'agitent et je n'ai aucun contrôle dessus, mes nerfs lâchent. J'hurle de rage, mes poumons me brûlent. Mes larmes irradient de chaleur mon visage, les yeux rougis, le regard voilé je reprends place contre le dossier de ma chaise. Je prends une première lettre dans ma main, entame la lecture devinant les mots à travers mon regard vitreux. La porte s'ouvre, je serre mon poing contre mon menton, les larmes toujours en cascade le long de mes joues. Oleksandr croise mon regard, je le sens désolé. Il approche et pose sa main massive sur mon épaule pour la secouer gentiment pour me témoigner son soutient. Je ne peux m'empêcher de prendre le temps de lire chacune des lettres, ce qui occupe une paire d'heures de mon temps. La lecture finie, je pousse un grand soupir n'ayant toujours pas réussi à chasser mes pleurs. Oleksandr revient me coller une étreinte fraternelle et d'un signe de tête me propose de chasser mes émotions par une petite course à pieds, je fais la moue mais il est suffisamment convaincant pour m'embarquer avec lui dans ses foulées sportives. "
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