Chapitre 56
░ ░ ░ DIXIE ░ ░ ░
Plongée dans ce cocon, ma chambre me procure un sentiment d'apaisement. L'accueil chaleureux des Tunisiens se reflète dans l'atmosphère enveloppante de cette chambre. Des couleurs chaudes, typiques de la région, envahissent l'espace, du rouge flamboyant au jaune ensoleillé. Les arabesques délicatement ciselées ornent murs et sols et confèrent à la pièce une touche d'élégance orientale. Je me sens choyée et prête à m'abandonner aux délices de mon séjour. Ma main passe sur les meubles en bois massif, leur aspect rustique me changent de ma décoration personnalisée. Mes pieds nus sont effleurés par le tapis, des poteries ornent les meubles. Je suis émerveillée et je réalise que j'en avais besoin de cette évasion à Djerba. Mon smartphone résonne, messenger sans doute vu la sonnerie qui s'intensifie. J'aurai dû couper mon téléphone pour m'éloigner des réseaux informatiques quels qu'ils soient. J'avance dans la djellaba que j'ai acheté sur le petit marché local, ses tons de verts ressortent bien avec ma peau et je pourrai dès demain accorder mon maquillage avec. Je me penche pour répondre à l'appel, j'aurai préféré qu'il soit en provenance de Soren. J'ai l'impression que je suis inexistante à ses yeux, mon dieu qu'ils me manquent ses yeux verts ! Jamais un homme avant lui ne m'avait regardé avec autant d'amour et d'intérêt.
- Oui, Ivy ?
- Salut Dixie, je suis en présence d'Oleksandr là...
- Ok, réponds-je étonnée de leur appel.
- Tu as l'air enchantée, s'exclame Ivy sur le ton du reproche et peut-être blessée.
- Non, ce n'est pas ça, juste surprise. Je suis à Djerba là, pour me ressourcer. Je vis trop mal les événements j'avais besoin d'une grosse coupure pour repartir !
- Toute seule ? laisse t-elle échapper.
- Oui, que veux-tu, Soren n'est plus là. Je prends ton appel mais après, je coupe toutes mes lignes le temps de mon voyage.
- Mais tu me le reproches ? s'inquiète Ivy.
- Pas du tout !
- Ok, si tu préfères je te recontacte lorsque tu seras de retour sur Toulouse ? répond Ivy avec un brin de déception dans la voix.
- Non, je t'écoute.
- Ben je sais pas, je ne te sens pas du tout réceptive ! proteste t-elle.
- Comprends moi, mon infidélité a mis fin à une très belle histoire de six ans. J'ai quand même de quoi me choper les boules, renchéris-je en maîtrisant le sanglot dans ma voix qui a bien failli se faire entendre. C'est tout frais.
- Tu n'es pas seule, poursuit Oleksandr. Nous sommes là, tous les deux pour toi et Ivy aimerait te faire part de quelque chose qu'elle a sur le coeur et qui pèse un peu trop lourd. Nous en avons bien discuté tous les deux et nous sommes tombés d'accord. Je ne suis pas contre et je verrai vite si cela peut me correspondre.
J'inspire profondément et expire lentement en me pinçant l'arête du nez. Cela me permet d'évacuer une partie de mes émotions pour pouvoir vraiment me mettre dans cet appel.
- Oui, Ivy, exprimes toi je suis toute à toi. Je suis disponible et apte à t'entendre sur ce que tu dois me dire, dis-je d'une voix plus douce après m'être ressaisie.
La rès jolie rousse ne sait par où commencer. Sa main recherche du courage à travers sa jolie chevelure faite de bouclettes, elle n'ose me regarder dans les yeux. Oleksandr entrelace ses doigts avec ceux d'Ivy pour la soutenir dans ce qu'elle s'apprête à me dire.
- Tu vois ma chérie, je suis toujours autant amoureuse d'Oleksandr, affirme Ivy. Et j'ai compris une chose, c'est que je n'ai pas besoin de choisir entre vous deux, j'ai suffisamment d'amour pour vous deux. Je peux partager mon coeur pour deux ! Et mon homme m'encourage dans cette démarche et est prêt à te laisser une petite place à l'intérieur de mon coeur, le polyamour est souvent inavoué mais si nous sommes sur la même longueur d'ondes cela peut fonctionner. Je suis prête moi aussi à te laisser goûter à Oleksandr, tu vois que l'on vive une passion ensemble, tous les trois.
Je ferme les yeux, ses mots résonnent avec l'écho des canons de mon coeur, abasourdie par cette annonce, mes mains tremblent. Que répondre à sa demande ? Je l'ignore, j'avais moi même pas eu la pensée de créer un trouple, et encore moins en excluant Soren.
- Avec Ivy, nous avons fait le choix, un jour après l'amour de repartir à zéro sur de bonnes bases comme s'il n'y avait rien eu avant, renchérit Oleksandr. Je me sens capable de l'aimer davantage et d'accepter un certain partage pour ne pas la perdre, tu sais nous avons traversé bien des épreuves en Ukraine elle et moi que l'on se dit que cela ne peut se terminer après une seule et unique tromperie ainsi que ce que je lui ai fait, qui d'ailleurs ne se reproduira plus.
- Je ne sais pas quoi vous dire, déclare-je. Je suis même incapable de vous répondre quoi que ce soit. Tout va si vite... Cette histoire d'adultère, puis l'idée du trouple et pour couronner le tout, Soren me manque de plus en plus au fil des jours... Je ne sais pas où me positionner ni comment. Et l'idée du trouple me parait absurde, même si je l'ai perdue, ce serait à nouveau une trahison envers Soren. Déjà qu'Ivy m'a eut dans ses filets, j'ai été consentante je le sais mais si maintenant son pote lui vole sa femme... Je ne veux pas le mettre au plus mal, j'en ai fait suffisamment déjà !
Mes mots s'emmêlent, j'en pers mon souffle et les larmes coulent à flots le long de mes joues creusées. Mes dents se resserrent sur ma lèvre inférieure, je n'ai pas envie d'abandonner Ivy qui ressent des sentiments pour moi mais les miens sont plus profonds et intenses envers Soren. Je ne désire pas me servir d'eux pour apaiser ma peine.
- Ivy, tout ça a cassé quelque chose entre toi et moi, reprends-je. Je tiens à toi, nos liens sont très forts avec des sentiments qui vont au delà de l'amitié mais tout cela m'a coupé l'envie de plus. Ma place est auprès de Soren, je n'ai pas envie que vous soyez un pansement pour moi et je sais que si jamais Soren revient, lui, il ne partagera pas l'idée d'un polyamour ! Autant il était prêt à accepter que je vive cette expérience uniquement sur le plan sexuel, autant c'était impossible pour lui de ne pas avoir l'exclusivité de mes sentiments... Je vous souhaite d'être heureux ensemble, maintenant je suis enceinte et je porte son enfant à lui, je dois me consacrer uniquement à ce bébé et à Soren. Avec ou sans Soren.
- Je comprends, s'exclame Ivy en me regardant dans les yeux. J'avais besoin d'une réponse, tu me l'as donné, poursuit elle d'une voix sèche en avalant le noeud qui lui serre la gorge. Maintenant je te laisse profiter de ton séjour en Tunisie, à plus Dixie !
Je n'ai pas le temps de m'excuser ni même de répondre à ce qu'elle vient de me dire. J'ai juste pu assimiler un soupçon de peine dans son attitude qui vient de noircir mon écran pour mettre fin au contact. Dans ma chambre le silence devient pesant, bête, plantée devant mon ordinateur mes pensées s'entrechoquent les unes avec les autres redoublant le désespoir en moi.
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