Chapitre 58
░ ░ ░ POINT DE VUE DE SOREN ░ ░ ░
D'un pas nonchalant, je croise Ivy et Oleksandr dans les escaliers de l'immeuble riant tous les deux aux éclats. Je les salue de vive voix ne les ayant pas encore croisés ce matin, une vive douleur vient comprimer mon coeur dans ma cage thoracique. Ma respiration se bloque, mon corps réagit vivement à cette attaque, affaiblit, j'ai tout juste le temps de me rattraper à la rembarde pour m'asseoir sur les dernières marches qui surplombent le hall d'entrée. Mes gémissements graves les alertent aussitôt, ce qui leur fait descendre les marches jusqu'à moi. Mon poing est serré contre mon torse, Oleksandr inquiet se met à me secouer les épaules alors qu'Ivy reste immobile ne sachant pas quoi faire. L'air me manque, j'halète paniqué par toutes ces sensations qui se diffusent en moi.
- Hé hé hé Soren, reviens à toi, qu'est-ce que tu me fais là ? me crie Oleksandr en me donnant de légère giffles sur les joues malgré que je sois toujours conscient.
Je fais signe à Ivy de s'en aller, je n'ai aucune envie qu'elle assiste à cela et de la voir me rappelle les infidélités de mon ex compagne. Elle tourne les talons, mon ami m'adosse contre le mur plantant ses yeux dans les miens. Mon teint doit être cadavérique, je ressens l'envie de vomir se renforcer.
- Aucune idée, dis-je les dents sérrées, crachant sur les marches au passage un peu de ma salive devenue trop abondante. Je me suis senti mal tout à coup, une grosse douleur dans le coeur, j'ai envie de vomir et j'ai des sueurs.
- Oh ça ne présage rien de bon, affirme Oleksandr. Ecoute, forces sur tes jambes, aide moi à te relever et je t'embarque chez le médecin ! Tu ne peux pas rester comme ça, Soren !
- Ne me bouge pas, gémis-je. J'ai la tête qui tourne, je suis incapable d'aligner trois pas !
Pris d'un haut le coeur, je me penche en avant hors de portée d'Oleksandr pour ne pas lui vomir de la bile dessus. Après quelques bruits d'effort, un long filet de bile est suspendu à mon menton, je crache sur les marches pour m'en défaire. Oleksandr me soutient les épaules et me frotte le dos, d'avoir contracté mes abdos m'a causé quelques crampes musculaires et des yeux larmoyants.
- Merci mais ne t'inquiètes pas pour moi, réponds-je en m'essuyant les lèvres avec le mouchoir qu'il me tend. Ce n'est pas la première fois que ça me le fait, il faut dire que je ne me ménage pas en ce moment et le stresse n'arrange rien.
- Tu veux en parler ? me demande le grand blond en se positionnant en confident.
Incapable de répondre, je m'accoude contre mes genoux et me recroqueville le regard fixe. Mes épaules tremblent violemment, les larmes me brûlent les yeux. J'ai envie de m'effondrer mais l'idée de pleurer devant quelqu'un m'est insupportable pourtant j'en ressens le besoin. Je renifle bruyamment, m'essuie le nez avec mon bras velu puis les premières larmes qui ruissèlent sur mes joues.
- Ne garde pas pour toi, m'encourage Oleksandr en me frottant le bras. On m'a toujours dit ne garde pas pour toi.
- J'appréhende tellement le courrier que tu tiens dans ta main, j'ai vu qu'il y avait mon nom dessus, lui fais-je remarquer d'un hochement de tête. J'ai vu qu'il est à mon nom, à l'écriture de Dixie.
- C'est cette lettre qui te met dans cet état ? poursuit mon ami.
- Comme toutes les autres d'ailleurs, renchéris-je en pleurant librement. Je n'en peux plus Oleksandr ! Elle ne va pas me lâcher, et quand c'est pas elle qui vient vers moi, ce sont mes pensées qui se font obsessionnelles ! Je n'arrive pas à l'oublier ! Quoi que je fasse, où que je sois je ne pense qu'à elle, ça me rend fou ! J'en peux plus, dis-je dans un grognement. Mon état c'est seulement le reflet de mon mal-être, à l'intérieur c'est le chaos !
- Et qu'est-ce que tu voudrais ? m'interroge t-il. La retrouver ? Retenter l'amour avec elle ?
- NON, j'aimerai qu'elle dégage de ma tête et de mon coeur ! Crie-je d'un ton rauque. T'ain et maintenant je dois bien ouvrir cette lettre ! Vas-y donne la moi, que l'on en finisse !
- Bien sûre, comme tu voudras. En tout cas je reste là avec toi, m'annonce Oleksandr. Mais avant tout, réponds sincèrement à ma question.
- Je t'écoute, poursuivis-je en sentant mes narines se dilater.
- L'aimes-tu toujours cette fille ?
La bombe explose dans mon coeur, brisé je me lève violemment oubliant aussitôt que je ne suis pas totalement remis de ma crise d'angoisse. Je m'écrase la tête contre le mur et tape mes poings contre celui-ci.
- EVIDEMMENT ! Malgré ce qu'elle a fait, EVIDEMMENT ! JE SUIS TOUJOURS AUTANT AMOUREUX ! MAIS JAMAIS TU ENTENDS JAMAIS JE NE VEUX LUI DONNER UNE AUTRE OCCASION DE ME FAIRE AUTANT DE MAL ! JE NE VEUX PLUS D'ELLE ET LA C'EST MA RAISON QUI PARLE MAIS MON COEUR AH MON COEUR, LUI EN A DECIDE AUTREMENT CE P'TIT CON ! m'emporte-je incontrôlable. Tout parait si simple pour vous, reprends-je d'un ton plus apaisé. Je ne sais pas comment vous pouvez vous dire aller on oublie tout, on recommence tout. Moi je n'y arrive pas, je ne lui pardonne pas et je n'ai plus confiance en elle ! (Je refais face à lui, pose ma main sur le mur juste par côté de sa tête). Oleksandr, je pense que je ne peux pas être plus sincère que je le suis déjà dans ma réponse, maintenant j'aimerai que tu me remettes cette lettre, l'ouvrir !
- Ouais pas sûre que ce soit une bonne idée, déclare Oleksandr. Regarde dans quel état lamentable tu es mon pote ! Alors si tu ouvres cette lettre... Bon remontons si tu le veux bien (il me prend par les épaules pour me faire pivoter devant les marches).
- Hors de question ! réponds-je figé en croisant les bras contre mon torse. Ivy n'a pas à me voir comme ça, surtout qu'elle a bien contribué à l'explosion de notre couple ! De nos couples d'ailleurs !
- Tu sais Ivy n'est pas du genre à te juger et saches que la culpabilité elle est obligée de vivre chaque jour avec ! me rétorque le bel homme.
- Non, peut-être qu'elle ne me jugerait pas, mais elle est tellement proche de mon ex qu'elle est capable de lui raconter tout ce qui me traverse en ce moment même, dis-je sur un ton un peu venimeux. Peut-être même un excellent moyen d'apaiser cette culpabilité justement ! Dixie saurait alors qu'elle a gain de cause et ça lui permettrait de taper dans ma faiblesse pour revenir, je sais très bien au fond de moi que je pourrai craquer à tout moment et revenir vers elle. Après ce qu'elle m'a fait je te le dis c'est NON !
- Ok ok je l'entends, affirme Oleksandr. Respire et découvrons ce qui se trouve à l'intérieur de cette lettre alors.
Mon ami me tend l'enveloppe que j'arrache tout fébrile, l'estomac tout retourné.
Des clichés me font tomber le cul par terre, mes larmes viennent les mouiller. L'aspect brillant leur permet de s'évacuer sans abîmer le papier sur lequel figure les impressions. Je lâche les photographies de l'échographie du bébé que Dixie porte. Elles se mettent à tournoyer jusqu'à retomber sur la quatrième marche en dessous de nous. Jamais je n'ai ressenti un chagrin d'amour aussi retournant, qui te prend aux tripes. Les mains plaquées contre mon visage je pleure durant de longues minutes qui me semblent être une éternité. Oleksandr respecte mon silence, le visage tourné vers moi, une main qui caresse fraternellement mon dos. Un semblant de ressaisissement, je me redresse pour prendre entre mes mains le papier à lettres rose orné de motifs coeurs et d'empreintes des lèvres de Dixie. Mes yeux verts parcourent les lettres arrondies de la jolie brune, des tâches sèches expriment sa tristesse et cela me provoque de nouveau une sensation de malaise d'imaginer mon ex en pleurs à chaque fois qu'elle prend le temps de m'écrire.
Soren,
Saches qu'il est douloureux pour moi d'être ignorée et de te savoir autant insensible à tout l'amour que je te porte à travers les mots qui s'enchaînent, les lettres qui se suivent bien évidemment sans réponse.
- Regarde comme elle cherche à me faire culpabiliser ! dis-je agacé. Putain la connerie c'est pas moi qui l'ai faite ! C'est elle qui devrait culpabiliser mais non c'est tellement plus facile de faire culpabiliser les autres !
Te formuler toutes les excuses possibles est inutile et sans appel. Mon acte je le qualifie d'impardonnable mais ce que j'attends de toi, c'est juste une rencontre, une réponse à tout ça ! Je n'attends rien d'autre de toi, bien que j'espère que tu me reviennes mon amour. Nous n'avons pas pris le temps de communiquer nos émotions lorsque la rupture s'est faite, ainsi nous ne pourrons pas passer à autre chose, ni toi, ni moi.
- Bah bien sûre comme ça elle est à peu près sûre que je retombe dans ses bras si on se rencontre pour évoquer notre rupture ! Grogne-je en serrant les poings prêt à déchirer le papier rose. Qu'est-ce qu'elles peuvent être manipulatrice ces femmes !
Oleksandr fait signe de me calmer, je ferme les yeux et me mords la langue pour ne pas lui en foutre plein la gueule, ce n'est pas l'envie qui manque. J'inspire à fond pour envisager de reprendre la lecture.
Je suis sans doute stupide d'attendre une réponse de ta part, j'en ai bien conscience. J'ai tout essayé, j'ai mis tout mon coeur dans ces maudites lettres mais rien ne fonctionne. Ton coeur est fermé, comme du roc ! Pourquoi est-ce si difficile d'exprimer tes émotions ? Saches que je ne veux pas te faire de mal, juste comprendre. Mais là c'est de la colère que je ressens actuellement ! Si tu ne le fais pas pour moi, réfléchis au moins à l'avenir de cet enfant sans père. Pour que tu réalises son existence, je te présente les échographies du troisième mois. Je pose ça la comme ça. Bébé commence à se former comme tu peux le voir, une tête, des membres, une activité cardiaque et tant de choses merveilleuses encore ! Comme tu te doutes bien, il a sûrement des traits identiques aux tiens, beaucoup de toi en lui ! Je ne t'ennuie pas plus, fais en ce que tu veux après tout puisque tu t'en fous ! Dixie.
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