Antisémite, tu perds ton sens premier
Antisémite, ce mot à jamais marqué par l'infamie a été ressorti de la naphtaline. Que l'on ne s'y trompe cependant pas, il n'a rien à voir avec la Palestine. C'est au contraire le dernier avatar d'une stratégie morbide pour torpiller la démocratie parlementaire et pire, la liberté de penser et de s'exprimer.
L'exception culturelle se meurt face au manichéisme binaire des blockbusters hollywoodiens. Car dans cette affaire, il ne s'agit pas d'être pro-Israélien ou pro-Palestinien, mais bien d'être avec le régime – ou plutôt les puissants – ou contre. Autrement dit, soit on se place dans le camp du Bien, soit on s'en exclut pour celui du Mal. Plus aucune discussion n'est possible. Le débat et la confrontation des points-de-vue sont pourtant la base du parlementarisme et de la démocratie. Force est cependant de constater que l'échange d'idées n'a plus droit de citer. Les raisonnements simplistes à l'extrême ont la cote. N'a-t-on pas entendu un présentateur d'une chaîne d'opinion information reprocher à son invité (Nouveau Front Populaire) que parler de recettes et dépenses était trop technique pour les téléspectateurs ? C'est la base d'un budget, que l'on préfère vilipender sur de façon infondée ! Ne nous y trompons pas, tout en faisant preuve de condescendance envers son auditoire, ce procédé démoniaque ne vise qu'à empêcher la défense de démontrer l'incurie de l'accusation.
Cette décadente dichotomie est hélas à l’œuvre depuis plus longtemps. Prenons la réforme des retraites. Le gouvernement a tenu bon face à l'opposition. Il n'a jamais cédé à la tentation de la concertation pour apaiser la contestation. Non, il s'est vautré dans la facilité de la répression, de l'intimidation... des représailles. Il en est allé de même à Sainte-Soline, sur le parcours champêtre de l'A69 et jusqu'aux dernières campagnes. Cette politique des menottes et de la matraque s'est accompagnée d'une criminalisation de l'adversaire principal : la gauche irréductible, la France Insoumise. « Terrorisme intellectuel », « écoterrorisme », des mots qui font froid dans le dos et qui appellent à une réponse particulièrement sévère, un état d'urgence. D'exception même ! Ça tombe bien, grâce à plusieurs lois, ces dispositions sont entrées dans le Code pénal... pour notre sécurité. Un gouvernant autoritaire n'aura que peu à faire pour mener le pays d'une main de fer.
Mais pendant que nous nous complaignons, Tik-tok est suspendu en Kanaky, des milices citoyennes aident ou pallient aux forces de l'ordre... Fusse la Chine ou la Russie, l'autrice de cette ignominie, que nous eussions hurlé à la censure... Sauf qu'ici, c'est la France ! Ou plutôt, c'est en projet. Parce que Paris a décidé, Nouméa doit se plier. Cela porte un nom : colonialisme. N'en doutons pas, les méthodes testées là-bas, tout comme celles mises au point dans les « cités », seront un jour rapatriées. Parce que désormais, ce que Paris a décidé partout doit être appliqué.
L'autoritarisme et la dictature n'attendent pas poliment sur le perron qu'on les laisse entrer. Non, elles s'ouvrent peu à peu la porte et se coulent tout aussi discrètement dans l’entrebâillement. Difficile ensuite de les déloger. Pour l'heure, nous n'en sommes déjà plus aux pernicieuses infiltrations, ces petits renoncements silencieux. La marée monte, amenant un marigot nauséabond. Nous tolérons, une justice à deux vitesse, les petites phrases, des insultes grinçantes... le tout glissant sur une pente fascisante.
Et à regarder le doigt plutôt que la Lune, nous oublions l'essentiel. Toutes ces mimiques, ce cirque médiatique, cette rhétorique scolastique participent d'un même sophisme. Attaquer la personne de ses contradicteurs revient à avouer ne plus pouvoir – ou ne pas savoir – argumenter... voire ne pas le vouloir. C'est donc une marque d'insigne faiblesse (intellectuelle), de la bassesse, une lâcheté. La seconde nature de l'autoritarisme. Discuter de ses idées, les soumettre à la critique, leur faire courir des risques... demande beaucoup de qualités, dont le courage. Il faut oser descendre dans l’arène et entrer dans la cage aux fauves, accepter d'y prendre des coups et d'y laisser des plumes, s'imposer ou décider de battre en retraite et de retravailler son projet. Cela demande beaucoup de qualités, dont l'humilité pour admettre, ou au moins reconnaître, qu'on a pu se tromper. Cela demande beaucoup de qualités, dont le respect de ses pairs patriciens et de la plèbe.
Si le régime autoritaire est l'issue d'une suite de renoncements, ce ne sont seulement pas celles du peuple mais aussi les ceusses de sa classe politique. Une fracture se forme, isolant les deux camps en îlots de survie séparatistes. Le premier ne croit plus en ses représentants qui, coupés de lui, ne l'écoutent plus et l'oublient. Rassemblés entre puissants, nos gouvernants errent dans une spirale décapant le ciment de la nation. Ils ne servent plus que leurs intérêts, opprimant la majorité au profit d'une minorité sans cesse décroissante.
Démocrates de tout le pays, unissez-vous !
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