L'entrevue
- Bonjour Monsieur Himan, bonjour Myra. Asseyez-vous je vous prie.
- Bonjour, dis-je avec le monstre.
Il me regarde rapidement, mais différemment que les autres fois.
- Bien. Monsieur Himan j'aimerais que vous m'expliquiez, même si nous savons tous deux que cela a changé maintenant, comment voyiez-vous Myra auparavant et pourquoi ?
Ah bon ? Ça a changé ? C'est pire ? Après que Lise ait parlé, le monstre eut un mouvement de tête affirmatif. Oulala, ça sent pas bon ça ! Crotte de bique !
- D'abord, quand mon fils m'a appri qu'il allait être père j'étais le plus heureux. Mais peu après, quand j'ai appris pour le trouble mental de Myra et la décision formelle de ses parents de la garder malgré tout, j'étais furieux. Alors forcément quand j'ai su que j'en avais la garde, je n'étais pas mieux...
Il marque une pause.
- Continuez.
- Je ne peux pas.... C'est trop violent pour Myra.
- Peux-tu sortir un instant Myra ?
- Non, je veux savoir !
- S'il te plaît ma citrouille. Je t'ai déjà dit assez d'horreur comme ça.
Ma citrouille ? Il n'y a que Papa qui m'appelait comme ça... C'était un petit nom secret.
- Je reste.
- Myra ! dit-il fermement.
Je me lève en faisant la moue et en croissant les bras. J'ai pas le choix, je sors.
J'écoute discrètement derrière la porte. Le monstre reprend :
- Quand j'ai dû la prendre sous mon aile, je l'ai vécu comme une trahison, un fardeau. Pour moi c'était mon fils qui l'avait décidé et je ne voulais pas payer sa décision. Je ne percevais pas Myra comme un enfant mais comme une chose, un boulet, une alienne, un brouillon de la vie. Je la voyais un peu comme ces gens qui la regardent au supermarché : un objet qu'on enferme dans une vitrine pour la regarder sans scrupule. C'est comme ça que tout le monde agis, sans le percevoir. Et je n'y ai pas échappé. C'est le jour où j'ai emmené Myra acheter sa poupée que j'ai vu le regard perçant des gens. Et malheureusement, j'ai eu honte. Alors que ce serait à eux d'avoir honte. Et je l'ai fait payé à Myra en étant encore plus infect avec elle.
- Et qu'est-ce qui vous a fait vous remettre en question ?
- Un reportage m'a mis une claque et les souvenirs avec Myra sont revenus de plein fouet. Je les ai observés et perçus sous un autre angle.
- Je vois. Et maintenant, comment voyez-vous Myra ?
- Comme vous et moi. Et on devrait tous voir Myra comme cela. Et pas seulement elle, tout le monde. La différence est un atout, pas une barrière honteuse. Nous avons d'ailleurs tous une différence. Mais elle est parfois moins contrasté que d'autres alors on ne la voit pas.
- Ça me semble intéressant ce que vous dites. Pouvez-vous développer vos pensées ?
- Ce que je veux dire c'est que quelqu'un ayant les yeux bleus est différent de celui qui les a verts, pourtant aucun des deux ne sera épié contrairement à un handicapé par rapport à celui ou celle qui ne l'est pas.
- Oui, les normaux sont souv...
- Non ! Lise eut un sursaut.
- Madame, qu'est-ce que la normalité ?
- Heu...
- Une idéologie stupide et sans intérêt que s'est imaginé l'Homme. La normalité n'est qu'une illusion, il n'y a que la différence. Madame, j'ai compris, maintenant. Je manque simplement de clefs pour m'occuper de Myra comme elle le mérite.
- Je suis heureuse de vous l'avoir fait comprendre, sourit Lise.
- Vous n'êtes pour rien là-dedans. Celle qui a fait cela c'est uniquement Myra. Elle m'a rendu la vue.
Lise ne su quoi dire.
J'ai tout entendu. Je suis fière de mon grand-père. Je sais qu'il m'aime maintenant. J'ouvre la porte, cours vers lui et lui saute dans les bras. Il est surpris :
- Myra ! Tu es là ? Mais je t'avais pourtant demandé de...
- Merci beaucoup Papi !
Il sourit.
- Myra, veux-tu qu'on reprenne la discussion ?
- Non Lise, mon papi a tout dit.
Il sourit encore.
Bravo Papi !
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