Chapitre 15 - Bri
Mon annonce a fait l'effet d'une bombe. Nina et moi avons gentiment été invitées à quitter le bureau. Visiblement nous ne possédons pas les atouts physiques nécessaires à ce genre de réunion au sommet. Et j'imagine que pointer qu'il y a un traître dans leur rang n'était pas du meilleur effet. Mais peu importe, je dois sortir Adam de prison. C’est mon unique priorité.
Je me suis enfermée dans la première pièce libre que Ranch, le prospect, a bien voulu me désigner pour faire des recherches et bosser sur le dossier. J’ai également demandé à Thor de me faire apporter ceux des autres Sons incarcérés. Ça constituera une pause salvatrice quand celui d’Hunter deviendra trop pesant. Si je peux faire quelque chose, je n’hésiterai pas. Après tout, c’est la famille qu’il s’est choisi. Même si cette perspective a fait rire ces gros lourdauds, le Près' a tout de même consenti à ce que je puisse contacter les avocats du club pour les obtenir. Je vais encore égratigner un peu plus leur égo, mais je m’en fous. Il va falloir qu’ils s’y fassent. Ça pourrait bien devenir une habitude.
Ça fait maintenant quelques jours que je suis dessus, à travailler jour et nuit. D’un côté, le dossier d’Hunter me prend le plus clair de mon temps. Et de l’autre, ceux de quelques autres membres. Leur défense a clairement été bâclée. Le club paye une fortune pour une défense quasi inexistante. Je ne le leur ai encore pas dit, mais je devrais obtenir leur libération sans trop de difficulté. Cependant, il serait préférable d’attendre que nous ayons une solution pour Hunter. J’imagine que sans ses frères, il risquerait de se trouver en mauvaise posture.
Pour l’instant, le concernant, je n’ai rien de probant, mais je sais que je finirai par trouver. Certains détails m’interpellent, mais je n’arrive pas à établir de lien entre eux. Peut-être que j’ai trop le nez dessus. Je n’ai dormi que quelques heures ces derniers jours, préférant travailler.
Ce matin, Ranch m’a réveillée avec un café, je m’étais assoupie en étudiant diverses probabilités. Il m’a dit que je devais m’installer dans le bureau d’Anchor : ordre du Près'. Sans rire, il pense que je n’ai que ça à faire ? En plus, de me prendre du temps, ça désorganise toutes mes recherches. Bien que je n’ai pas eu d’autre choix que d’obtempérer, ça n’a pas manqué de me faire râler, même si Ranch m’a bien aidé. Il est très présent et nous avons développé une vraie complicité. J’adore ce garçon. Je me demande encore ce qu’il fait au milieu d’une bande de rustres boostés à la testostérone.
Bref, me voilà dans le bureau d’Anchor. Je ne l’ai pas revu depuis notre arrivée et la réunion dans le bureau de Thor où il a clairement péter les plombs pour je ne sais quelle raison. Il sait exactement où me trouver, mais préfère m’ignorer, ce qui me convient bien et m’agace prodigieusement à la fois.
Oui, je sais. Je suis compliquée ! Un vrai paradoxe sur pattes !
Je n’ai pas le choix que de me trouver là puisqu’on doit travailler ensemble. Je regarde autour de moi et essaie de me familiariser avec cet espace. Son bureau est plutôt grand et lumineux, alors que je m’attendais à une espèce de batcave. Il y a une grande fenêtre au milieu du mur du fond. Dans l’angle droit de la pièce, un gigantesque bureau. Au-dessus, une multitude d’écrans accrochés au mur.
En m’approchant, je remarque qu’il a accès à toutes les caméras de surveillance du club. C’est vrai, il gère la sécurité. Quand je pense qu’on m’oblige à bosser avec lui alors que Fred, mon expert, aurait tout aussi bien fait l’affaire. Seulement Thor avait besoin d’affirmer sa position de dominant, de chef de meute, de mâle alpha et de contrôler à minima la situation. C’est fou comme les mecs ont tendance à se sentir très vite émasculés, quand une nana leur tient tête avec un raisonnement logique clair et du répondant. Il n’y a qu’à regarder la réaction de Rift. Purée de macho misogyne. Comme si finalement, nous n’étions que des greluches bonnes à écarter les cuisses.
Il faut bien admettre que la situation me met clairement mal à l’aise. Être obligée de leur déballer une partie de ma vie, n’était déjà pas une partie de plaisir. Et la réaction de Sexy Navy ne m’a pas vraiment rassurée. J’étais pourtant si bien dans ses bras. Quand j’y pense, c’est fou l’effet qu’il me fait.
Sa présence a agi comme un baume sur mes angoisses. Elle m’a apaisée plus que je ne l’aurais voulu et plus qu’il ne l’aurait fallu. Je me suis laissée aller dans ses bras, comme si on se connaissait depuis toujours. Comme avec Hunter, avant. J’ai aimé me sentir en sécurité, protégée, presque choyée. J’ai adoré le sentir se détendre sous mes caresses, mais ça n’a pas suffi.
Cette connexion, ce lien particulier n’était qu’une illusion. Je n’étais pas plus en sécurité qu’ailleurs. Il a fait éclater notre bulle en quelques secondes, m’a dégagé de ses genoux sans un regard, et pourquoi ? Pour aller cogner dans je ne sais quoi ou qui. Il est revenu les mains ensanglantées, le visage triste et contrit. Mais ça ne change rien. Il est bien trop dangereux pour moi. Mon coeur tambourine, ma raison cesse toute activité et mon corps réagit lorsqu’il est près de moi. Je connais ses symptômes. C’était presque la même chose avec lui, au début. En moins intense. Bien moins intense.
Je continue de détailler ce bureau, qui va aussi devenir le mien pour les semaines à venir. Dans l’angle gauche, il y a un canapé en cuir assez grand. Le mur gauche est vierge. Aucun cadre. Aucune affiche. Je vais donc pouvoir m’en servir. Les tableaux blancs que j’ai demandé, ne seront peut-être pas utiles. Il n’y a aucun objet personnel, ni photos dans ce bureau. Pourtant, je croyais que c’était son repère, qu’il passait tout son temps ici. Curieux.
De chaque côté de la porte, deux grosses armoires. Au centre de la pièce, une table assez grande pour une dizaine de personnes. Je commence mon installation lorsqu’on frappe à la porte.
— Entrez, réponds-je en punaisant les éléments qui ne concordent pas au mur.
Lorsque je lève la tête, j’aperçois Ranch et un autre biker que je ne connais pas, entrer avec le tableau et l'installer près du canapé.
— Euh Bri, est-ce que tu as besoin d’autre chose, me demande Ranch avec un sourire que je lui rends.
— Salut, divine créature, me dit l’autre biker, avec un clin d'œil. Moi, c’est Sweet.
Il a l’air tout aussi jeune que Ranch, mais m’inspire moins confiance. Il me reluque de haut en bas et m'adresse un sourire ravageur.
— Sweet ? questionné-je sceptique. Ça fait pas très biker.
— On m'appelle comme ça parce que les gonzesses m'adorent. Je suis leur douceur, me répond-il d’un ton enjôleur. Après avoir testé la marchandise, elles en redemandent toutes.
Écœurant. S’ils sont tous ainsi, à part quelques rares exceptions, le séjour ici va être long. Se prennent-ils tous pour des Casanovas en puissance ? Ou des serial baiseurs ? Les mecs sont-ils tous aussi triviaux ? Alors, c’est vrai, il est grand et bien bâti. A croire qu’il y a un gène biker grand et costaud. Tous autant qu’ils sont, du moins ceux que j’ai aperçu, on peut dire qu’ils sont taillés dans le même bois. Il est brun avec des yeux chocolats. Mais rien de transcendant. Ni charme. Ni charisme. Et une approche de gros lourd. Bref, un mec quoi ! Ranch est bien plus joli garçon et attirant que lui. Peut-être qu’il est effectivement un bon coup, mais sérieusement, j'en doute. En revanche, il pense clairement l’être. Il semble si sûr de lui. Tout ce qui m’horripile.
— Je vois, raillé-je. Encore un qui se prend pour le tombeur de ses dames !
Je vois Ranch, juste derrière, le sourire jusqu'aux oreilles, alors que son pote se renfrogne quelque peu.
— Laisse-moi deviner, complété-je, les gonzesses dont tu parles se baladent quasiment nues, ne disent jamais non et hurleraient ton nom, même si tu avais un micro pénis. Waouh ! Très impressionnant.
— Tu dirais pas ça si t'essayais genre tout de suite, propose-t-il en se rapprochant lentement comme un prédateur qui s’apprête à bondir sur sa proie.
— Non merci, tranché-je cinglante, ce qui a le mérite de l’arrêter net. Je ne joue pas vraiment dans la même cour, vois-tu. Je me respecte trop pour ça. Quant à toi, est-ce que ça marche vraiment cette approche avec les filles ? Je veux dire, en dehors de celles avec qui tu n’as pas besoin de parler pour qu’elles écartent les cuisses ?
— Putain, mais t’es qui toi, pour me parler pas comme ça ? hurle-t-il furieux.
— Tu vois, c’est de ça que je parle, dis-je calmement sans bouger d’un iota. Tu n’as visiblement pas l’habitude qu’une femme te résiste et ça te met hors de toi quand ça arrive. Du coup, qu'est-ce que tu vas faire ? Me frapper ? Me soumettre ? Me forcer peut-être ? Tu devrais réfléchir. Première leçon. Une femme est en droit d'attendre d’un homme du respect et de la considération. Bienvenue dans la réalité.
— Putain, j’vais…
— Si tu la touches, t’es mort, le coupe Ranch, prêt à lui sauter dessus.
Rageur, Sweet quitte le bureau sans un mot, alors que mon garde du corps se marre en silence.
— Désolée, lui dis-je, j'ai peut-être été un peu loin.
— Non, non, sourit-il. C’est vrai, Sweet a tendance à oublier que toutes les femmes ne sont pas des brebis. Ça lui fait du bien d'se faire rembarrer par une jolie femme.
S’apercevant du compliment qu’il vient de me faire, il rougit et baisse les yeux, gêné. Je le prends dans mes bras alors qu'il ne s'y attend pas, mais il me rend maladroitement mon étreinte. Je le trouve vraiment mignon, touchant et attachant. Il n'a vraiment rien d'un biker. Du moins de ce que j'en ai vu. Il est gentil, doux et réservé. Plutôt peu assuré avec la gente féminine. Qu’est-ce qu’il fait ici ?
— Merci, lui soufflé-je.
Les secondes passent, il se détend et resserre un peu ses bras. J'adore ce garçon. Si j’avais eu un frère, je crois que j’aurais aimé qu’il soit comme lui. Sa douceur et sa candeur me font du bien. Et son compliment me touche, même s'il se trompe. Je suis loin d’être jolie.
— Tu es vraiment adorable. Tu dois avoir un succès fou avec les filles.
Je me recule un peu pour apercevoir son visage. Ses joues à nouveau rougies et le regard baissé, il secoue négativement la tête. Je fronce les sourcils. Il y a des nanas partout ici, et pas farouches.
— Je ne m’approche pas des brebis, murmure-t-il comme s’il avait lu dans mes pensées. Si un jour je trouve quelqu’un qui me plaît vraiment, je ne veux pas qu’elle ait à supporter les commentaires de ces filles sur ce qu’on aurait pu faire.
Ce gars est définitivement un amour. Je le regarde tendrement et approuve ses dires d’un sourire. Soudain, sans crier gare, Ranch s’écarte vivement de moi. Je ne comprends pas, jusqu’à ce que je suive son regard. Il est là, le maître des lieux, sur le seuil de son bureau, la colère gravée sur le visage. Non mais, pour qui il se prend ? Je réprime mon envie de lui sauter à la gorge et m’adresse à Ranch avec douceur.
— Est-ce que tu crois qu’il serait possible d’installer une machine à café ici ? lui demandé-je. J’ai besoin de caféine pour rester éveillée. Sinon, ce n'est pas grave, je ferai des aller-retours.
— Je vais voir si c’est possible. Sinon je les ferai, dit-il calmement. Je dois veiller à ce que tu… à ce que vous ne manquiez de rien.
— Va en chercher une, prospect, crache froidement Anchor.
Je retiens Ranch par le poignet alors qu’il s’apprête à lui obéir et lui adresse un sourire bienveillant.
— C’est gentil, Ranch, lui dis-je bienveillante, mais il est hors de question que tu fasses des allers-retours pour me servir. Tu t’occupes déjà suffisamment de moi. L’esclavage a été aboli il y a longtemps, ajouté-je en jetant un regard noir à Anchor. Peu importe ce qu’il te dit, si ce n’est pas possible, je me passerai de café. Et s’il te plaît, continue de me tutoyer, sa présence ne change rien, c’est moi qui te l’ai demandé, lui indiqué-je gentiment.
Ranch hoche la tête, me sourit et sort du bureau sous le regard furieux d’Anchor. Pour éviter de perdre contenance et lui hurler dessus tant il suscite chez moi des réactions épidermiques, je me concentre sur le dossier d’Hunter et l’ignore superbement, ce qui visiblement ne fait que renforcer sa colère.
— Parle-moi encore une fois comme ça devant un de mes hommes, gronde-t-il, et tu le regretteras.
Il est hors de lui. La colère assombrit son regard gris orage. J’ignore ce qui l’a le plus contrarié : me surprendre dans les bras de Ranch ou que je l’ai contredit devant lui. Mais, à cet instant, il me fait peur. Vraiment peur. Sa puissance envahit toute la pièce et j'ai l'impression de suffoquer. La panique me vrille le ventre. Je devrais me taire, retourner à mon dossier, mais les souvenirs affluent, tous aussi violents, répugnants et innommables les uns que les autres. Les réprimandes, les moqueries, le dénigrement, les insultes, les coups, les rapports forcés… La peur, voire la terreur… La bile me brûle la gorge. J'ai tellement pris sur moi et encaissé. J'ai tellement été brimée et soumise. Je l’ai été trop longtemps. Il est hors de question que ça se reproduise. Alors, je relève la tête, carre les épaules et le fixe, consciente qu’il serait préférable que je me taise, mais ça m’est impossible. Je ne courberai plus jamais l’échine devant un homme, aussi dangereux soit-il.
— Je le regrette déjà, asséné-je tranchante. De t'avoir adressé la parole, permis de me parler comme tu l'as fait, de m’avoir donné un surnom comme à probablement toutes celles qui écartent les cuisses sur demande pour toi, de t’avoir laissé me toucher, me prendre dans tes bras alors que visiblement je ne suis qu’un caillou dans ta botte dont tu te passerais bien. Je regrette d'avoir pensé que je me trompais et que tous les hommes n'étaient peut-être pas des connards.
Il ne répond rien, mais l’expression de son visage se durcit encore. Il serre et desserre ses poings abîmés. Mais, je m’en fiche. C’est libérateur pour moi. Je me sens pousser des ailes et continue malgré la peur qui me tenaille et ses yeux qui tentent de m’en dissuader.
— Mais, vous êtes tous les mêmes, continué-je hors de moi. Des hommes préhistoriques, dont les seuls intérêts se situent clairement dans la domination et l'assouvissement de leurs pulsions. Vous pensez que, parce que vous êtes plus forts physiquement, vous avez le droit d’en abuser. Vous trouvez ça bandant une nana qui vous résiste. Vous pensez que vous pouvez vous conduire comme de parfaits connards parce que vous avez une paire de couilles ? Qu’on est juste bonne à obéir et à vous satisfaire ? Soumise et docile. Le sexe faible. Mais, vous ne méritez ni respect, ni confiance, ni loyauté. Vous ne méritez aucune femme d’ailleurs. Pas même la pire. Vous n’êtes pas plus évolué que des animaux.
Ses yeux brillent d’une fureur tout juste contenue, mais il fait demi-tour et s’en va sans un mot en claquant la porte. Bien. Ce mec doit rester loin de moi. Il est bien trop dangereux. Pour mon corps, qui réagit immédiatement à sa proximité et son contact. Pour mon coeur aussi, qui tambourine dans ma poitrine dès qu’il est près de moi. Et pour ma raison, qui a tendance à se faire la malle dès qu’il est dans le coin. Il a ouvert une brèche dans mon armure et s’y est engouffré. Pourtant, il a tout aussi vite prouvé qu’il ne valait pas mieux que lui. Dur, autoritaire et impulsif. La violence n’est pas loin. Il n’y a qu’à voir l’état de ses phalanges. Hors de question que je laisse, à nouveau, un mec avoir de l’emprise sur moi. Je ne suis plus cette fille naïve, faible et fragile.
Maintenant, au boulot. J’affiche mes recherches au mur et prends de la distance. Il faut tracer l’argent. Il a forcément payé quelqu'un pour abattre cette famille. Et si j'ai vu juste, c'est forcément cet enfoiré de Ghost, alias Lewis Sanders.
— Qui est-ce ? m’interrompt une voix grave que j’attribue sans me retourner à un titan aux allures de viking, Thor.
— Ghost. Ou l’homme de l’ombre du cabinet Peterson et fils. Un fantôme sans aucune existence légale, qui exécute les ordres et fait disparaître les problèmes. Il est fort probable qu’il soit le véritable assassin de cette famille.
— Comment le sais-tu ? me questionne le président des Sons tout en étudiant mes recherches.
— Je l’ai rencontré à plusieurs reprises et à chaque fois, la même lueur dans ses yeux devant mon corps abîmé et ce même sourire en coin. Il m’a toujours fait froid dans le dos. Il savait très exactement ce que je vivais et ça l’excitait. C’est un sadique. Il n'y a que lui qui a pu abattre ces deux gosses sous les yeux de leurs parents. La question, c'est comment le prouver ? Quand les flics et le proc sont véreux, grassement payés par le commanditaire, les preuves ne sont pas fiables. Mais oui ! C'est ça !
Thor me regarde en fronçant les sourcils, alors que je replonge dans le dossier pour vérifier ma théorie.
— Où est Anchor ?
— Je l’ignore. Sûrement avec l’une de vos… “brebis” , réponds-je aussi détachée que possible.
— Il ne touche jamais aux brebis, assène le viking en partant.
Ok, bon peu importe. Il est parti furieux je ne sais où et plus il est loin de moi, mieux c’est, même si j’avoue que ses compétences en informatique seraient les bienvenues. J'appellerai Fred, pour voir ce qu'il trouve. Tant pis pour Anchor. Thor sera sûrement furieux, mais pas vu, pas pris. Et si ça permet de faire libérer Hunter, je n’ai pas une minute à perdre. Je mets mes écouteurs et la musique fuse. Elle m'aide à me concentrer pendant que j’étudie les dernières pistes.
Lorsque je relève le nez, la nuit est tombée. Mais je tiens un truc, un truc qui va pouvoir faire libérer Hunter, mais pas l'innocenter. Je passe mes mains sur mon visage fatigué. J'aurais bien besoin d'un café ou d'une bonne douche. Ranch n’est d’ailleurs pas revenu. J’espère qu’Anchor n’a pas eu la mauvaise idée de s’en prendre à lui. Sinon, je crois que je pourrais en faire du carpaccio !
À cet instant, Nina entre comme une tornade dans le bureau.
— Allez poulette, suis-moi, me dit-elle en me prenant par la main, m'obligeant à la suivre. Tu bosses non-stop depuis qu’on est arrivé. Il est temps de faire une pause. Tu vas prendre une bonne douche. Et te faire belle.
Je la suis sans résistance, une bonne douche me fera le plus grand bien. Je ferme la porte du bureau à clé, comme convenu avec les molosses du conseil restreint. Et une idée me traverse. Purée, mais oui ! Je sais comment piéger le traître. Dans le même temps, les mots de Nina m’intriguent.
— Euh... Attends, me faire belle ? Pourquoi ? la questionné-je, alors qu'elle prend mon bras, glisse le sien dessous et me conduit à ma chambre.
— Pour la p'tite fête en notre honneur !
— Pardon ? dis-je surprise. Personne ne m’a rien dit.
— Qu’est-ce que ça change ? Si tu l’avais su, tu te serais enfermée dans le bureau. Je te connais par coeur. Là, aucune chance ! Tu viens avec moi ! répond-elle amusée. Parce que tant que t'as pas été à une fête de bikers, t'as rien vu, crois-moi ! Toi, qui es en manque d'inspi pour ton bouquin de cul, ce soir tu devrais avoir de quoi faire ! rit-elle.
Je la regarde perplexe. Où veut-elle en venir ? Elle rit de plus en plus en voyant ma tête et poursuit :
— Bri, les bikers vivent à fond chaque seconde et j'adore ça ! lance-t-elle excitée. Ils ne se posent pas de questions, ils vivent comme ils l'entendent. Que ça plaise ou non, ils n'en n'ont rien à foutre. Du coup, ils ne sont pas pudiques et baisent devant les autres si ça leur chante, seul ou à plusieurs. Donc, en bas, ce soir, ça va vite devenir baiseland !
— Non, tu déconnes, dis-je complètement soufflée par ce qu'elle vient de me dire.
— Non. Et avec un peu de chance, ça t'excitera assez pour que tu laisses un certain Sexy Navy jouer avec toi, ajoute-t-elle espiègle.
— Tu rêves !
— Oui, j'avoue, rigole-t-elle. Je suis impatiente de te voir te lâcher un peu et redevenir cette nana pleine de vie et lumineuse que t'étais. Et d'après moi, une bonne baise te ferait le plus grand bien !
— Ninaaa !
— Mais d'abord, t'as des trucs à me raconter.
— Peut-être, cédé-je certaine que de toute façon, elle trouverait le moyen de me faire parler. Mais tu m'expliques tout ce que je dois savoir sur les bikers. C’est une autre dimension pour moi.
— Jusque là, lance-t-elle enjouée, tu t'es bien démerdée, poulette.
Nous rions en arrivant devant la porte de ce qui doit être ma chambre. Nina l'ouvre et entre.
— Bienvenue chez toi ! s'exclame-t-elle. La mienne est juste à côté.
— Je n’ai pas besoin de chambre. J’ai du travail, grogné-je. Je dormirai quand il sera dehors. Et pour la douche, la chambre de Ranch ou n’importe quelle autre suffit.
Elle m’attrape par le bras et m’oblige à entrer à mon tour. J’observe le lieu. Elles sont toutes meublées sur le même modèle. Grande et plutôt confortable. Comme le bureau de Thor, les murs sont en bois brut et se mêlent aux poutres métalliques du bâtiment. Sur la gauche, il y a un bureau en bois avec une lampe dessus et des placards de rangement à côté. Sur le mur du fond, une grande fenêtre qui doit apporter beaucoup de luminosité. Au milieu de la pièce, trône un vaste lit, qui a l’air très confortable. Sur la droite, un dressing avec penderie et une porte, qui mène sûrement à la salle de bain.
— Allez, à la douche ! Moi, je te prépare des fringues ! s'enthousiasme-t-elle. Au fait, j'ai rangé tes affaires.
— Merci, mais s'il te plaît, pour les fringues, sois raisonnable.
Pour toute réponse, j'ai droit à un clin d'œil. Bon, de toute façon, il faut me rendre à l'évidence, Nina n'en fait toujours qu'à sa tête. Donc, je me dirige vers la salle de bain et une fois déshabillée, me glisse sous l'eau chaude. Ça fait un bien fou. Je sens chacun de mes muscles se détendre. Une fois propre et détendue, je m'enroule dans une serviette et rejoins mon diable blond, qui m'attend sourire aux lèvres.
— Allez poulette, viens par là, que je m'occupe de toi pendant que tu m'expliques pour Sexy Navy.
L'entendre l'appeler comme ça, m'arrache un sourire. Et je cède bien trop facilement. Ceci dit, parler à Nina m’a toujours fait du bien. Alors, je lui explique tout, en détail : dans quel état il me met, ce qu’il me fait ressentir, le danger qu’il représente pour moi, la peur de revivre les mêmes choses et ma colère face à son comportement.
— Je comprends, mais crois-moi, je ne laisserai plus rien t’arriver, lâche-t-elle froidement. Tu sais, je connais bien Anchor, on a passé beaucoup de temps ensemble. Il est loin d’être ce que t’as aperçu de lui. Je crois que tu le rends dingue, rit-elle. Je ne l'avais jamais vu comme ça, les autres non plus d'ailleurs. Il est du genre calme et plein de sang-froid.
— C’est ça, oui, réponds-je ironiquement.
Elle arrête de me maquiller et me regarde droit dans les yeux.
— Écoute Bri, je comprends qu’avec ce que t’a fait ce connard, t’ais du mal à croire qu’il y ait encore des mecs biens. Mais malgré c’que tu penses, y’en a tout un bataillon en bas, dont Anchor fait partie. C'est vrai qu'ils peuvent se montrer violents, qu'ils règlent les conflits à coups de poing ou de flingues. Mais, t’es bien placée pour savoir que la vie ne nous laisse pas toujours le choix. Et puis, à mon frangin, tu ne lui as jamais reproché ses combats clandestins et toutes ses conneries.
— C’est vrai, me résigné-je.
— J’ai beau lui en vouloir, je suis certaine d’une chose : s’il les a choisis pour frères, c’est qu’on peut compter sur eux. Alors s’il te plaît Bri, laisse-lui une chance.
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