2. Avant lui
Avant lui, ma vie était déjà un labyrinthe mental, peuplé d'émotions complexes qui se bousculaient dans ma tête, me laissant souvent perdue et submergée par une profonde confusion. Matthieu et moi étions ensemble depuis les années lycée. Nous étions comme deux pièces d'un puzzle, parfaitement assortis et en parfaite osmose. Pourtant, j’étais incapable de ressentir le bonheur.
Nos hauts et nos bas nous renforçaient année après année. Nous savions rire ensemble, comprendre les silences de l'autre, nous regarder avec juste un sourire ou un clin d’œil pour comprendre qu’il était inutile de parler et nos instants partagés semblaient tissés d'une magie particulière.
Il n’était pas ma moitié, comme on dit, il était mon « tout » : l’être qui me permettait de vivre, de garder l’espoir d’être heureuse et de trouver ma place dans ma vie et dans la sienne.
Ce jour de mai 1998, alors que je sors du lycée pour rejoindre mon bus, je m’arrête net. Lui. Je suis figée au beau milieu de ce flot d’élèves qui déferle à 17 heures. Incapable de les suivre, je tiens l’amie avec qui je suis par le bras pour lui faire part de ce que je ressens, ou peut-être pour être plus stable. Mes jambes vacillent.
- C’est qui, lui ?
- Qui ?
- Lui, appuyé sur le panneau stop, avec Arnaud et Nicolas…
- Ah, c’est Matthieu, viens je te le présente. Mais qu’est-ce qui t’arrive ?
- Non, non, t’es folle, je n’en suis pas capable… Cherchant une rapide excuse pour ne pas lui montrer à quel point j’étais déstabilisée, complètement subjuguée, j’ai mon bus à prendre.
La couleur de mes joues devait me trahir.
- Mais il te plaît, on dirait ! dit-elle avec un sourire malicieux. Je vais lui parler de toi.
- Arrête tes conneries, allez je file, à demain Anaïs.
- À demain, mais je ne vais pas m’arrêter à ton excuse du bus, on en reparle demain !
Je file, je ne regarde plus celui qui me fait penser : « Mets un pied devant l’autre, ne te pète surtout pas la gueule maintenant, t’es en jupe en plus ».
Assez éloignée pour ne plus être visible, je souffle enfin et il envahit mon esprit. Il était grand, les épaules larges, les cheveux châtains, longs jusqu’aux épaules. Cette coupe ne pouvait que me plaire, étant en plein dans ma période Nirvana.
Il portait un jogging bleu avec les rayures blanches caractéristiques de la marque Adidas, ce qui m’a instantanément fait penser au groupe Korn que j’écoutais en boucle évidemment.
Est-ce ces rapprochements avec mes goûts musicaux ou son aura qui m’avaient séduite, je ne savais pas. Mais une chose était certaine, ce garçon m’avait complètement chamboulée et il allait rester quelque temps dans ma tête.
Dès le lendemain, Anaïs, qui n’avait pas lâché l’affaire, m’explique qu’elle va organiser une soirée et l’inviter.
Chose faite la semaine suivante.
Ce soir-là, je suis tétanisée, excitée, survoltée. Je dois absolument faire bonne figure. Je connais tout le monde, à part lui. Il n’est pas difficile de m’amuser avec aisance, j’ai mon masque pour lui montrer une Lucie sympathique.
Problème, il se montre froid et distant. Il ne paraît absolument pas intéressé. « ça tombe plutôt bien, j’ai un petit copain ». Je me rassure du mieux que je peux et me fais seulement à cette instant la réflexion « je suis quand même bien culottée d’en pincer pour un autre ».
La soirée se poursuit donc loin de lui. Je dois avouer que je suis complètement dégoutée, mais je ne compte pas lui montrer.
Le lundi suivant, en retrouvant Anaîs au lycée, je me rend compte que ce que j’ai ressenti et la réalité « selon Anaïs » sont bien différentes. Pour elle, c’était sûr, je lui plais.
Mon petit ami de l’époque rentre justement de voyage scolaire aujooud’hui. Je prends mon courage à deux mais et le retrouve pour rompre avec lui sans attendre… avec une facilité inattendue et déconcertante.
Aucun garçon ne m’avait jamais fait vibrer. Le plan était clair : s’il portait un quelconque intérêt à ma personne, cette rupture devrait rapidement le mettre sur ma route.
Et nos routes se sont effectivement recroisées rapidement.
Une soirée, organisée par une association caritative, avait lieu le vendredi suivant. Nous y participerons et Anaîs en glissera un mot à Matthieu.
Vendredi, 20h, heure du début de la soirée, une centaine de jeunes est au rendez-vous, avec un paquet de pâtes ou de riz à la main. C’était le prix à payer pour entrer : une denrée alimentaire non périssable.
Nous entrons dans la salle avec Anaïs qu’il me certifie que Mathieu sera présent.
Le stress typique d’une adolescente de 17 ans avec les yeux qui pétillent et les papillons dans le ventre, m’envahit. Les minutes passent, pas de silhouette chevelue en vue. Les heures passent :
- Tu m’as racontée des histoires, il ne viendra pas !
- Mais si j’te dis, il est à son entrainement de rugby, il passe après.
- A 21h 30, il est à son entrainement bien sûr…
Nous faisons des allers-retours entre la salle et l’entrée pour guetter son éventuel arrivée. Je n’y croyait plus.
22h00, la silhouette attendue est là, devant nous.
Deux heures de retard et ni paquet de pâtes, ni paquet de riz.
Mais il est tellement beau et il sent si bon.
Avec du recul, je me dis que ces indices auraient dû me faire réfléchir quant aux éventuels tracas qui pourraient de présenter à moi avec un individu de ce genre, mais j’avoue que sur le moment, nous moquer de lui en traversant la ville pour aller chercher un paquet de denrée alimentaire chez ces parents a donné de la consistance à notre discussion.
Après une heure de marche et de boutades, nous sommes enfin dans la salle.
Bien entendu, la musique ne nous plaît absolument pas. Bien entendu, nous ne dansons pas.
Nous sortons pour discuter loin de ce vacarme insupportable. Je n’ai absolument aucun souvenir de ce que nous nous sommes dits.
Seule certitude : je n’ai pas mis beaucoup de temps à lui rabâcher que je le trouvais « trop beau pour être vrai », il n’a pas mis beaucoup de temps à m’embrasser.
Il est toujours aussi beau et nous ne nous sommes jamais quittés.
Avant Lui, nous avions deux enfants et formions une belle famille. Sur le papier, tout semblait parfait : un rêve pour beaucoup. Mais à l'intérieur, je luttais.
Une certitude m'envahissait, celle que je ne réussirais jamais, ni dans ma carrière, ni dans mon rôle de compagne, ni – et surtout – dans mon rôle de mère.
Je me sentais totalement dépassée, comme si tout m'échappait, quoi que je fasse. La maison, le travail, les enfants… tout me débordait. La fatigue, physique et mentale, était devenue mon ombre quotidienne, ancrée dans chaque aspect de ma vie.
Le plus troublant, c’est que je ne pouvais pas identifier une véritable source de malheur. Objectivement, ma vie était belle. Tout ce que beaucoup rêveraient d’avoir. Et pourtant, je ne ressentais rien. Mon quotidien me semblait vide, cette dissonance me rendait folle.
Comment pouvais-je être malheureuse ?
Pourquoi n’ai-je pas su vivre cette belle existence ? J’étais consciente de ce que j’avais, mais je n’arrivais pas à en profiter. C’était comme une barrière invisible entre le bonheur et moi. Je savais que je passais à côté, mais je n’arrivais pas à changer. Plus j'essayais de m’adapter, plus je me sentais étrangère à ma propre vie. J'étais tiraillée par un mal-être que je n’arrivais pas à surmonter.
Je fais défiler mes photos sur Instagram. Je ne suis pas comme ces jeunes qui utilisent ce réseau comme un moyen de communication ? Pour moi, c’est l’album photo de ma vie depuis 2012, l’année de naissance d’Alice. Le nombre d'abonnés importe peu, du moment que je garde ces instants de vie. Les filtres ne sont pas là pour édulcorer la réalité, mais pour sceller de magnifiques souvenirs dans une image parfaite.
Les photos me bouleversent à chaque fois. Elles se font rares et insipides depuis des mois, voire des années… Ou alors, elles reflètent des souvenirs lointains et non de « nouveaux souvenirs créés ». Non, nous ne créons plus de souvenirs, il n’y a plus de moments à immortaliser.
Juin 2014 :
Alice, sur cette photo, est une petite fille pleine de curiosité. Ses cheveux châtains tombent en mèches un peu en désordre autour de son visage. Elle a cette expression d’émerveillement, un peu décalée, comme si chaque instant était une aventure. Ses yeux, pétillants et rieurs, sont fixés sur quelque chose qu'elle a trouvé drôle – les pinces à linge qu’elle a placées dans son nez, sans se soucier de la logique ou de l’apparence. Elle est dans son monde d’enfant, où l’imaginaire et l’insouciance dictent les règles. Son sourire est franc, un peu espiègle, comme si elle savait que son petit coup de folie allait faire rire tout le monde. Il y a dans sa pose, dans cette image, une douceur enfantine, presque naïve, mais aussi une grande confiance en elle, dans sa capacité à captiver et à étonner.
C’est avec cette photo, avec un petit message, que nous avons annoncé à nos proches l’arrivée de Paul. Avec cette image pleine de vie et de rires, Alice, dans sa simplicité, nous avait permis de faire passer ce grand bonheur avec une touche d’humour et de fraîcheur. Avec ses pinces à linge, inconsciente et joyeuse, elle a marqué l’annonce de l’arrivée de notre petit garçon, sans qu’elle le sache.
Juin 2016 :
Sur cette photo, Matthieu et moi, épuisés mais déterminés, tentons de donner vie à notre projet un peu fou : une piscine construite à partir de palettes. Le jardin n’était pas immense, mais assez grand pour accueillir une balançoire, une cabane, et désormais, ce coin de paradis fait maison. L’herbe est irrégulière, quelques fleurs sauvages bordent les bords, et le soleil de fin d’été nous fait transpirer abondamment. Chaque geste est un défi : les planches ne s’alignent pas toujours comme prévu et les calculs ne sont pas toujours exacts. Mais, comme à chaque fois avec Matthieu, je me suis laissée embarquer dans ce rêve un peu fou. Ce qui devait être une piscine éphémère pour un été s’est finalement transformé en un souvenir marquant de notre vie, une construction qui a duré bien plus longtemps que prévu. Et même si elle n’a jamais été parfaite, cette piscine a été un lieu de rires, de complicité et de moments précieux qui me sont chers. Nous avons réussi à lui donner une place dans notre quotidien, et elle est restée là bien plus longtemps que nous ne l’avions imaginé.
Septembre 2016 :
Les pieds dans l’eau, nous étions tous les quatre là, les mains plongées dans le sable, à tenter d'attraper quelques crevettes qui se faufilaient sous nos pieds. Paul, encore maladroit avec ses petites jambes, peinait à tenir sur ses pieds, tandis qu'Alice, concentrée, plongeait son épuisette dans l’eau, trempant ses manches jusqu'aux coudes.
« Scooby ! Viens ici, laisse les crevettes tranquilles ! » criais-je en voyant le chien partir à toute vitesse, une crevette échappée dans sa gueule.
Fasciné par ce qui se passait autour de lui, Paul se tourna vers Matthieu, les yeux écarquillés, comme pour demander ce qu'il fallait faire.
« Tu vois, Paul, tu dois attraper les crevettes comme ça », expliqua Matthieu, en baissant la tête et en montrant l’épuisette, « tu la plonges doucement dans l’eau et hop, voilà. »
Paul, sans vraiment comprendre, regarda un instant l'épuisette, puis se précipita en avant, tentant de suivre l’exemple de son père. Mais bien sûr, il n'en fit qu'à sa tête. Au lieu de plonger l’épuisette, il la secoua comme un fou, éclaboussant tout le monde autour de lui. Puis, emporté par son enthousiasme, il perdit l’équilibre et glissa sur une pierre, s'écrasant la tête la première dans l’eau.
« Paul ! » m'exclamai-je, paniquée, mais en le voyant remonter instantanément, tout trempé mais hilare, je ne pus m'empêcher de rire à mon tour. Ses yeux brillaient de joie et il se remit à éclabousser autour de lui, comme s’il était dans son élément.
Alice, qui observait la scène en silence depuis le début, se tourna enfin, une lueur amusée dans les yeux.
« Tu t’es bien noyé, Paul ? » demanda-t-elle, un sourire malicieux aux lèvres.
« Non, non ! » répondit-il, tout excité, le visage dégoulinant d’eau, avant de se relever, bras grands ouverts, prêt à recommencer. « Encore ! Encore ! »
Et c’est ainsi qu’on passa le reste de l’après-midi, entre éclats de rire et éclaboussures. Le petit plan d’eau était devenu notre terrain de jeu et même Scooby, qui avait fini par abandonner les crevettes, se contentait d'observer notre joyeux troupeau allongé au bord, comme pour savourer ce moment simple de bonheur. Un instant suspendu où tout semblait léger, où rien n’avait d’importance, si ce n’est cette joie partagée.
Aout 2017 :
C'est une photo d'une beauté rare qui immortalise un moment précieux où toute ma famille est réunie : mes parents, ma sœur et son mari, mes deux neveux Matthieu, Alice et Paul. Nous sommes tous rassemblés autour d'une grande table en bois, le sourire aux lèvres, un verre de sangria ou de cola à la main, dans l'atmosphère chaleureuse d'une petite venta à la frontière espagnole, en plein cœur du Pays basque. Ce cliché est le seul à immortaliser notre réunion familiale, figé dans le temps.
La route qui mène à cet endroit est longue et sinueuse. Nous nous réjouissions d'y arriver, impatients de savourer un bon repas de lomo et de frites, après un tel trajet. Ce qui est le plus étonnant, c'est que c'est mon père qui a réussi à prendre cette photo en mode selfie avec mon téléphone. Bien que je n'aie toujours pas compris comment il a réussi à cadrer tout le monde, ce moment est capturé à la perfection. L'image transmet une sincérité, une chaleur humaine et une sérénité qui rendent ce souvenir encore plus précieux.
C'est ainsi que je me souviens de ces instants : simples, mais d'une rare intensité, unis par la convivialité et la joie partagée.
novembre 2017
Les vacances de la Toussaint à Oléron étaient un cadeau inattendu. Nous avons profité d'un mois de novembre d'une chaleur incroyable, avec le soleil qui réchauffait tout sur son passage. Alice, âgée de 5 ans, et Paul, tout juste 2 ans et demi, étaient là, en maillot de bain, sur cette plage où l’on aurait cru que l'été ne voulait pas finir.
Mathieu et moi, assis sur la serviette, les observions, à la fois un peu gênés de les voir gambader en maillot de bain en plein mois de novembre, mais aussi complètement comblés de les voir aussi heureux.
« Tu crois que ce n’est pas un peu… bizarre ? Leur mettre des maillots en novembre ? » murmurai-je, en regardant les enfants courir dans l’eau, les pieds s’enfonçant dans le sable chaud.
Mathieu haussait les épaules, un sourire amusé sur le visage. « Ils sont bien, non ? Et franchement, vu la chaleur, c’est pas plus absurde que de rester en manteau. »
Je jetai un coup d’œil aux deux enfants : Alice éclatait de rire tandis qu’elle sautillait dans les vagues, les bras levés, comme une petite sirène improvisée. Paul, quant à lui, marchait maladroitement, les pieds dans l’eau, un coquillage à la main, le visage illuminé par un large sourire.
Les yeux brillants de malice, il s’élança finalement dans l'eau pour rejoindre sa sœur.
« Eh bien, ils ont l’air de se plaire », dit Mathieu, un sourire aux lèvres, sa main dans la mienne, notre regard croisé. Même si nous n’étions pas certains que tout cela était normal, les voir aussi libres et heureux comptait davantage. Nous nous sentions tellement privilégiés de les avoir tous les deux ensemble, à cet instant précis.
Alice continua ses acrobaties dans l’eau, créant des éclaboussures de toutes parts, pendant que Paul se vautrait joyeusement dans les vagues. Et, sans nous poser plus de questions, nous restions là, à les regarder, un mélange de fierté, de complicité et de tendresse dans le regard.
Cette photo fixe nos deux amours se trémoussant sur le sable devant un magnifique couché de soleil.
Date : février 2018
Evénement luge à l’école
Ce qui va nous arriver est tellement incroyable que cela en devient presque incompréhensible. C’est comme si la réalité elle-même avait perdu son sens, comme un scénario trop invraisemblable pour être vrai, un film de science-fiction où l’ordinaire se transforme en un cauchemar qu’on peine à croire possible. Comment expliquer que ma vie, si banale en apparence, ait pu être secouée par des événements si surréalistes ? Comment une existence aussi « ordinaire » que la mienne a-t-elle pu se muer en un tel chaos ?
Il y a des moments aujourd’hui encore où je me refuse à accepter l’ampleur de ce qui m’arrive, où je crois que tout cela n’était qu’une illusion, un mauvais rêve, que le rêve est pour bientôt. J’avais tout pour vivre une vie « idéale » : des hauts, des bas, des difficultés à surmonter, puis, de temps en temps, un peu de bonheur, comme tout le monde. Mais tout a changé. Ce que ma famille a vécu ressemble en rien à une existence ordinaire. C’était au-delà des pires cauchemars, comme un basculement dans un autre monde, où la réalité et l’irréel s’entrelacent jusqu’à ne plus savoir où commence l’un et où finit l’autre.
Bien que j’aie longtemps résisté à l’idée que cela fasse partie de ma réalité, il a fallu que je l’accepte : c’était bien ma nouvelle vie. La douleur, les événements, tout ce que j’ai traversé – c’était réel, bien plus réel que tout ce que j’aurais pu imaginer.
Je n’ai pas de réponses simples. C’est comme si, d’un coup, mon monde avait été aspiré dans un tourbillon de confusion, un univers où les repères ne sont plus valides et où toute certitude vacille. Plus je tente de comprendre, plus j’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds. Il est difficile d’accepter que cette réalité, si éloignée de tout ce que j’avais cru connaître, fasse partie de mon histoire. Et pourtant, malgré tous les doutes, je sais que ce que je vais raconter est bien ce que j’ai vécu, même si chaque instant me semble encore aujourd’hui impossible à appréhender.
Avant lui, une période particulièrement difficile s’abattait sur notre famille.
Ma meilleure amie est décédée brutalement. Le choc a été immense. Tout a basculé en un instant. La douleur m'a englouti, telle une vague de violence qui se déchaîne soudainement. Je me suis retrouvée perdue, incapable de comprendre ce qui venait de se produire.
La dépression s'est installée en moi, profonde et silencieuse, rendant ma vie de jour en jour plus pesante. Chaque mouvement semblait être un fardeau. Les souvenirs m'envahissaient, me hantaient. Je me sentais seule, à la dérive, incapable de me reconnecter au monde qui m'entourait.
J’ai alors commencé un traitement médicamenteux, censé m’aider à surmonter ces épreuves. Mais à la place de me stabiliser, il a amplifié mes troubles. Il a perturbé mon humeur, altéré ma perception de la réalité, et m’a laissée encore plus vulnérable. La vie devenait de plus en plus difficile à gérer, et pour la première fois, cette souffrance n’était plus seulement intérieure. Elle était visible, palpable.
Je me sentais comme une ombre de moi-même, perdue et effacée.
Malgré tout, nous avons tout tenté pour redresser la situation. Nous étions persuadés que notre amour était assez fort pour surmonter n’importe quel obstacle.
« Nous, on s’ait. »
Cette phrase, répétée comme un mantra, était notre bouée de sauvetage, notre conviction que rien ne pourrait briser le lien qui nous unissait.
Nous avons déménagé, décidé de nous marier, imaginé un avenir à quatre, dans l’espoir qu’un nouveau départ nous offrirait enfin le répit dont nous avions tant besoin.
Une tempête se formait dans l’ombre, prête à détruire tout ce que nous avions soigneusement construit.
[DES SCENES DANS LA NOUVELLE MAISON
PEUT ETRE LA MAISON DE LA PLAGE
Le vélo
Nos canoés
la nouvelle maison, les travaux tous les 4 avec amis et famille]
Cette maison, la maison de la danse, notre maison.
Nous voulions partir de la campagne pour retrouver la ville malgré les réticences d’un grand nombre de nos proches. Notre volonté n’était pas un caprice, les enfants grandiront et nous voulions leur offrir une liberté qui nous semblait importante. Evidemment, ils étaient très petits et nous très protecteurs et inquiets à l’idée de les imaginer seuls dans la ville. Le but n’était pas immédiat. Dans quelques années, le collège et puis rapidement, nos « bébés » seront grands. Notre désir était qu’ils ne dépendent pas de nous pour sortir avec leurs copains, pour aller et rentre de l’école à leur guise, de gérer leur emploi du temps. Tout cela devait être cadré, les règles devaient êtres bien claires et respectées mais cette autonomie était pour nous un bon apprentissage ainsi qu’un épanouissement et qu’une marque de confiance.
Alors nous avons commencé à visiter quelques maisons, nous avions le temps et beaucoup de « cases à cocher ». Un jardin, même petit, un garage, deux salles de bain, 3 chambres minimum, un secteur bien précis : notre recherche était un peu présomptueuse.
Mais après de nombreuses visites, une maison sortait du lot. Elle remplissait nos attentes. Le plus gros point noir : son manque de luminosité, ce qui était une vraie contrainte pour moi.
De plus, nous ne voulions plus faire de travaux, après en avoir fait énormément dans la précédente. Une maison immense qui présente au rez de chaussée une salle de danse de 40m², son vestaire, une chambre et une cuisine-salle de bain 2 en 1, un premier étages avec salon, salle à manger, cuisine et salle de bain, devait forcément subir quelques modifications pour convenir à notre famille… Le deuxième étage resterait « dans son jus », et pourrait convenir à nos différentes passions sous forme d’atelier, à une salle de jeu pour les enfants ainsi qu’un grand grenier pour y entreposer le bazar à cacher. Son côté kitch et ses tommettes (que Matthieu détestait) me plaisait !
Elle était immense, bien trop grande pour moi qui imaginais le ménage qui irait avec.
Encore une fois, je me suis laissée tenter par l’enthousiasme de Matthieu pour les idées folles et démesurées. Cette maison fut rapidement la nôtre et les premiers travaux avec de nombreux proches commencèrent.
Ils ralentiront malheureusement rapidement pour finalement stagner et nous laisser dans une maison difficilement habitable.
[d’autres anectodes ou pas ??]
Et puis, il est entré en scène. Comme un acteur inattendu sur la scène de notre existence, il a su s’immiscer dans notre réalité au moment précis où nous étions à notre plus fragile. D’un instant à l’autre, il a instauré un tournant radical, transformant nos vies en un avant et un après, irréversiblement marqués par son passage.
Dans un souffle, il a balayé tout ce qui nous entourait, introduisant une rupture nette, une scission qui a découpé notre histoire en deux chapitres. À la fois brutal et inéluctable, cette période a foudroyé tout ce que nous avions bâti, effaçant les repères d’un monde que nous pensions connaître.
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