3. Lui, l'ennemi, me parasite de nos vies
«Il n'est rien de pire qu'un homme qui agit en sachant qu'il fait du mal. »
L’arrivée, ou plutôt le retour, de cet homme dans notre quotidien s’est faite avec une légèreté insidieuse, comme un serpent glissant silencieusement dans l’ombre
Nous nous connaissions déjà. C’était un ancien voisin, une silhouette lointaine que je croyais avoir oubliée. Je me souviens précisément du jour où nos regards se sont croisés pour la première fois depuis des mois. À l’époque, il n’était qu’un visage parmi tant d’autres, un souvenir, pas forcément des plus agréables, mais ce jour-là, il est réapparu, et, sans que nous le sachions, il allait bientôt transformer le cours de nos vies.
Nous avions déménagé dans un nouveau quartier à quelques kilomètres, et, de manière inexplicable, il allait surgir à chaque coin de rue, à chaque nouveau détour. Le destin, dans son ironie, semblait nous réunir à nouveau avec une régularité presque troublante.
Dès notre rencontre, une ambiance de malaise s'est installée.
Nous étions assis à une table en terrasse avec Matthieu, savourant l'un de ces moments tranquilles qu'on essaie de chérir. Nous retrouvions des rituels familiers et soignons notre relation fragilisée ces derniers temps.
C'est alors que j'ai remarqué un homme à la table voisine. J'ai mis quelques instants à le reconnaître. Il était habillé de manière impeccable, avec un costume qui, de source sûre, avait coûté une petite fortune, des chaussures vernis qui brillaient au soleil, et même des chaussettes Lacoste soigneusement repliées. Chaque détail était soigneusement calculé. Il parlait haut et fort, et son ton était arrogant, comme s'il cherchait à attirer l'attention de tous les clients autour de lui.
« Oh, mes anciens voisins préférés ! »
Nous n'avions aucune envie de le voir ou de lui parler, mais il ne nous en laissa pas le choix.
« Comment vont mes anciens voisins préférés ! Écoutez, moi, je ne vais pas vous mentir, tout va bien, les affaires roulent ! » disait-il en riant, en abordant ce sujet sans préambule, tout en s'autoproclamant expert en finances. Nous l'écoutions par politesse. Son sourire exhibait une confiance excessive, mais pour moi, il évoquait plutôt une menace. Au début, je n'avais pas d'inquiétude, mais la sensation grandissait alors qu'il continuait à déblatérer des histoires de sa vie, toujours centrées sur lui-même, ses réussites, ses fraudes, ses voyages, ses conquêtes, etc...
Ses retrouvailles avec cet ancien voisin, que nous n'apprécions guère, ne nous ont pas enchantés. Il nous avait, en plus, choqués en parlant de notre vie privée. Il savait à quel prix nous avions vendu notre ancienne maison, ainsi que le montant de la nouvelle, avant et après négociation. Il avait également parlé de notre jardin, nous détaillant ce qu'il avait vu avec son drone. Nous avons fait semblant de ne pas y prêter attention, mais c'était absurde et indécent. Je ne comprenais pas pourquoi il avait mené de telles recherches et je me sentais complètement exposée, comme si ma vie privée était mise à nu.
Les semaines suivantes, je l’ai aperçu plusieurs fois dans le quartier, et chaque rencontre semblait marquer une nouvelle tentative de sa part pour m’inclure dans ses discussions.
Un jour, nous avons été invités à une soirée chez Baptiste, un ami que nous avions en communs. J’y suis allée à contrecœur, pour lui faire plaisir, mais l’idée que l’Autre puisse être présent ne m’enthousiasmait absolument pas.
Cette soirée était censée être un moment de détente, de conversations légères et de rires, mais s’il venait, il allait, une fois de plus, bouleverser les règles de ce genre d’évènements.
Il est venu.
Dès son arrivée, il a pris le contrôle de la pièce, se lançant dans une tirade interminable sur ses investissements, ses crypto monnaies, ses voyages d'affaires, et comment il « écrasait » quiconque l’empêchait de toujours gagner plus.
Les rires des autres résonnaient autour de lui, mais pour moi, ils n’étaient que des échos vides, dénués de chaleur.
« Vous savez, je pourrais vous donner quelques conseils pour investir, mais ça demanderait un peu de votre temps et vous n’avez pas le niveau d’expertise nécessaire » a-t-il lancé, en se moquant ouvertement d'un ami qui essayait de partager une histoire. Sa prétention était telle qu'elle devenait insupportable, ce type était tout simplement puant. Tout ce qu’il disait, même lorsqu’il se voulait humoristique, n’était en réalité qu’un dénigrement, une manière de réaffirmer sa supériorité.
Sous le masque de l’humour, il enchaînait les remarques sur mon niveau d’étude, bien inférieur au sien, selon lui, mon travail de « fumiste » et mon salaire dérisoire. À chaque réplique que je tentais, il n'hésitait pas à en rajouter, comme pour s'assurer qu’il gardait le contrôle, qu’il me dominait dans tous les domaines.
Je ne laissais rien paraître, je ripostais à tout, et en apparence, cela ne m'atteignait pas. Mais en réalité, chaque mot me frappait de plein fouet, me détruisant de l'intérieur. Il touchait là où ça faisait vraiment mal.
Lors de cette soirée, il me révéla qu’il était en contact avec Matthieu, qu’ils discutaient « affaires ». Cette information me glaça sur place. J’eus du mal à y croire. Comment cet homme, qui s’était insinué dans nos vies de manière si subtile, pouvait-il maintenant être en lien avec mon mari ? Un voile de suspicion s’abattit sur moi, mes pensées s’emballant, cherchant désespérément à comprendre. J’étais désarçonnée, il ne pouvait que mentir, je ne voyais pas d’autre explication.
Pourquoi Matthieu m’aurait-il caché cela ? Pourquoi n’en aurais-je rien su ? Nous avions l'habitude de tout partager.
Et puis, comme pour enfoncer le clou, il ajouta : « On s’est vus hier… Il ne t’a rien dit ? ».
À cet instant, un tourbillon de pensées s’empara de mon esprit, comme des feuilles prises dans un vent glacé. Mon cœur se serra. Un pressentiment naquit en moi, lourd et nauséabond, comme l’odeur de moisissure dans une vieille pièce abandonnée.
Il jubilait de saisir que je n’en savais rien. Il poussa le vice jusqu’à lui envoyer un message devant moi et reçu rapidement une réponse. Je ne pouvais qu’admettre la véracité de ces dires.
Un frisson me parcourut l’échine. Pourquoi Matthieu m’avait-il caché cela ? Qu’est-ce qui les liait ? Partageaient-ils des pensées, des projets que j’ignorais ? Je me sentais soudainement exclue d’une relation qui unissait mon mari à cet homme qu’il détestait. Une barrière invisible s’était dressée entre Matthieu et moi. La peur et la suspicion se mêlaient en moi, m’étouffant à chaque pensée nouvelle.
Cet homme, se transformait en un symbole de danger imminent. Il incarnait une menace silencieuse, avec son arrogance, ses histoires d’arnaques et de richesse et sa manière de rabaisser les autres. Que cherchait-il avec Matthieu ?
Il refusa de m’en dire plus. C’était entre eux.
Ce refus, cet écran de silence, sonna comme un signal d’alarme dans mon esprit. Je savais que quelque chose ne tournait pas rond, que cette complicité naissante entre Matthieu et cet homme ne présageait rien de bon. Je me sentais trahie, non seulement par Matthieu, mais aussi par ce sentiment que cet intrus, cet ennemi de l’ombre, s’était déjà glissé dans notre vie sans que je ne m’en sois aperçue. Le fait que je n’en sois pas au courant semblait le satisfaire pleinement.
Pour ajouter à la confusion, il envoya devant moi des dizaines d’autres messages. Ce n’était pas le genre de Matthieu de textoter sans fin, surtout à cette heure tardive, alors qu’il devait se lever tôt. L’Autre, lui, s’extasiait à chaque nouveau message et, avec un sourire en coin, me glissa :
« Je ne lui donne pas trois jours… »
Je ne savais pas ce qu’il voulait dire, mais je sentais que ce jeu était malsain. Il fallait que je prévienne Matthieu.
Les questions se bousculaient dans ma tête comme des vagues déferlantes : Matthieu avait-il réellement rencontré cet homme ? Était-il conscient de l'impact de cette nouvelle alliance apparente ? S’agissait-il d’un signe de complicité naissante, d’une amitié en gestation, ou bien d’une trahison en devenir ? Chaque réponse que je cherchais m’échappait, aussi insaisissable que le sable glissant entre mes doigts. L’angoisse m’envahissait
Il fallait que je découvre la vérité. Et rapidement.
Le lendemain, j'avais pris une décision : il était temps de tirer les choses au clair. La nuit précédente avait été un tourbillon d'angoisse, et je savais que je ne pourrais avancer tant que je n'aurais pas compris la situation dans son ensemble.
« Oui » admit-il, d’une voix hésitante. « J'ai effectivement été en contact avec lui. C’était pour aider Baptiste avec un problème personnel. »
À cet instant, une partie de moi espérait naïvement qu'il allait ajouter que ce n'était rien, qu’avec lui il avait trouvé une solution pour venir en aide à Baptiste. Mais il continua :
« Cependant, il s’est enflammé. Il a commencé à me parler de plans pour gagner de l'argent, d'idées pour monter une affaire. »
Le mot « affaire » résonna en moi comme un coup de tonnerre. Mon esprit s’embrouilla à cette pensée. L’image de cet homme, se pavanant avec sa prétention, me revenait en mémoire, se vantant de ses projets lucratifs. La méfiance s’empara de moi.
Matthieu poursuivit, « Il m'a même envoyé plein de messages et de documents pour réaliser ce plan. Je les ai regardés, mais je n’y ai pas vraiment prêté attention. »
Ses paroles s’éclaircissaient, mais paradoxalement, elles ajoutaient à mon malaise. Le simple fait qu’il ait regardé ces documents, sans y prêter attention, nourrissait encore davantage ma frustration. Cet homme ne se contentait pas d’être une simple connaissance ; il s'immisçait dans la vie de Matthieu, l’inondait de messages, l'attirait dans son univers de projets douteux.
La tension qui me nouait le ventre était de plus en plus pesante. C’était une sensation désagréable, comme des fils invisibles qui se resserraient autour de moi, me comprimant de plus en plus. Je voulais que Matthieu comprenne à quel point cette situation me perturbait. Comment pouvait-il rester aussi insensible à tout ce qui se tramait autour de lui ?
« Ça te pèse, non ? » lui demandai-je, cherchant à comprendre où se trouvait sa limite. Je me souvenais du fameux « je ne lui donne pas trois jours » mais je n’en parlais pas par peur de l’énerver.
Il hocha la tête, son expression traduisant une lassitude évidente.
« Oui, il me bombarde de messages, et ça devient lourd. Il ne parle plus du tout du sujet dont je voulais parler, il se fiche complétement de Baptiste en fait, je n’aurais pas dû lui parler. »
Sa réponse ne fit qu’amplifier mes inquiétudes. Ce « vautour » il était devenu un parasite insidieux. La manière dont il s'accrochait à Matthieu, cherchant à l’entraîner dans ses projets fumeux, m’indisposait profondément.
Au fil des semaines, cet homme était devenu une présence constante dans notre quotidien. Nous croisions sa silhouette régulièrement.
Devant l’école de nos enfants à l’heure de la sortie, il se tenait encore là, son smartphone toujours à la main, discutant « affaires » avec ses collègues au téléphone. Son ego démesuré était presque palpable.
« Vous savez, on m’a dit que le secret de la réussite, c’est de toujours se démarquer », disait-il en se tournant vers nous, un sourire confiant aux lèvres. « Et croyez-moi, j’ai les moyens de le faire. »
« Ce n’est pas bien compliqué », ajoutait-il en riant, « il suffit d’être intelligent et d’avoir de la chance. Mais la chance, on peut la créer, non ? Heureusement que vous avez un pote sympa pour vous filer de bons tuyaux, hein, Matthieu ? »
L’arrivée d’Alice et Paul fut, à ce moment-là, notre seule échappatoire.
Ce matin-là, je suis seule dans ce petit café tranquille. L’endroit est paisible, presque désert, avec quelques clients éparpillés çà et là, absorbés dans leurs pensées ou plongés dans leurs journaux. Il y a quelque chose de réconfortant dans cette solitude, un charme simple, presque intemporel. Je me sens à l’aise, ma tasse de café bien chaude entre les mains, savourant ce moment de répit, loin des tracas du quotidien. Je m’accorde cette parenthèse, un instant de paix, un répit face au tumulte du monde extérieur.
C'est alors qu'il entre. Je ne l’ai pas vu arriver, mais dès qu’il passe la porte, l’atmosphère change. Il est impossible de ne pas le remarquer. Il est grand, sûr de lui, avec cette démarche presque théâtrale. Il s’installe dans cet espace comme s’il en était le maître. Son regard balaie la salle avec une rapidité calculée, avant qu’il ne se dirige droit vers moi, comme si tout avait été planifié.
« Alors, comment va mon ancienne voisine préférée ? » lance-t-il d’un ton décontracté, en prenant place sans même attendre que je lui propose. Je le fixe, un peu surprise, mais je n’ai aucune intention de me laisser déstabiliser. Ce n’est pas la première fois qu’il surgit sans prévenir. Un sourire poli se dessine sur mes lèvres, bien que je n’aie aucune envie de discuter.
Il se lance alors dans une tirade sur ses dernières acquisitions, ses voyages d’affaires, et la « prochaine grande opportunité » qu’il cherche à saisir. Ses paroles s’enchaînent sans effort, comme si ses succès étaient évidents pour tout le monde. Il me parle de ses investissements immobiliers, de ses projets dans la crypto-monnaie, me détaillant avec fierté des stratégies qu’il semble croire infaillibles pour « réussir dans la vie. »
« Tu sais, tout ça, c’est une question de mentalité », me lance-t-il, sans me laisser le temps de réagir. « Il faut savoir repérer les bonnes opportunités, investir dans ce qui va rapporter. Les gens comme moi ont cette capacité. »
Il me lance un regard perçant, comme s’il attendait que je lui adresse une approbation silencieuse.
Il poursuit, inlassable, sans jamais vraiment m’inclure dans la conversation. Il me donne l’impression de m’expliquer les bases d’un univers que, selon lui, je ne pourrais jamais comprendre. « Tu vois, ceux qui réussissent, ils ne se posent pas de questions. Ils foncent. C’est comme ça qu’on fait de l’argent », dit-il, un sourire presque narquois aux lèvres. « Faut juste savoir où regarder. »
Il marque une pause, comme s’il s’attendait à ce que je lui demande des conseils ou, mieux encore, que je sois impressionnée. Je reste silencieuse, mais à l’intérieur, je me sens de plus en plus mal à l’aise. Son ton est supérieur, condescendant, et il sous-entend que, de toute évidence, les gens comme lui ont compris quelque chose que moi je ne peux même pas percevoir.
« Tout ça, c’est simple. Mais bon, encore faut-il avoir un peu de jugeote, ce n’est pas donné à tout le monde », ajoute-t-il, un large sourire en coin. « Il suffit d’être intelligent ».
Il se penche légèrement vers moi, son regard perçant planté dans le mien. « Tu vois, ce n’est pas tout le monde qui peut faire ce que je fais. Dans ma grande bonté, je vais faire de vous des gens comme moi. Mais faudrait que ton mec me réponde ! »
Je le fixe sans répondre, le cœur battant un peu plus vite. Je sais ce qu’il essaie de faire : me faire comprendre que je ne suis pas à la hauteur, que je n’ai pas son génie.
Il poursuit, toujours plus assuré, détaillant ses accomplissements, ses investissements fructueux, son influence grandissante, comme si tout cela lui donnait une légitimité absolue.
Je reste silencieuse, mon sourire plus proche de la résignation que de l’adhésion. Il semble vouloir me convaincre que sa manière de penser est la seule valide, qu’il détient la vérité absolue, comme s’il avait percé tous les secrets de la réussite. Je le laisse parler, mon esprit s’échappant lentement vers des pensées plus sereines, me demandant à quel moment il comprendra que je n’ai ni le temps, ni l’envie de participer à ce jeu.
Je sais qu’au fond il est très énervé que Matthieu ne fonce pas et le laisse sans réponse. Il pense que je vais être subjuguée par son talent et convaincre mon mari de faire « affaire » avec lui.
Plus il parle, plus mon agacement grandit. Il est comme une mouche qui bourdonne sans cesse autour de moi, m’agressant par sa présence et ses paroles. Je n’ai aucune envie de l'écouter plus longtemps. Ma patience atteint ses limites. Je souris à peine, plus par politesse que par réel intérêt. Mais il continue, persuadé qu’il me captive avec ses histoires de réussites et d’argent facile. Il attend une réaction de ma part, un signe d’admiration, mais rien ne vient. Je suis lasse, épuisée par cet étalage de fierté et de vanité.
« Je dois partir », dis-je enfin, me levant brusquement. Je n’attends même pas sa réponse et attrape mon sac avec empressement.
Je vois un éclat dans ses yeux, une lueur d’incompréhension ou de déception, mais je m’en moque. Ses propos suffisent à me pousser à partir. Je me détourne rapidement, presque soulagée de quitter cette conversation qui ne m’a apporté rien d’autre que de la fatigue. Je traverse la porte du café sans me retourner, le bruit de la tasse qu’il repose sur la table résonnant dans mon esprit comme une cloche, marquant la fin de cette rencontre non désirée, mais qui m’a pourtant laissée épuisée.
Tout ce malaise qui me rongeait de l’intérieur devait enfin être partagé. Je ne pouvais plus le supporter seule. Ce poids m'écrasait, il fallait que je le dise. Alors, ce soir-là, j’ai voulu en parler à Matthieu, tâchant de garder mon calme, de ne pas exploser. J’avais besoin de lui, de son soutien.
« Je ne t’ai rien dit jusqu’ici, pour ne pas te mettre en colère… mais je ne peux plus garder ça pour moi. Chez Baptiste, l’autre soir, il ne s’est pas contenté de se la jouer, de me montrer qu’il communique avec toi et qu’il t’avait vu… Il n’a cessé de me rabaisser, c’était insupportable. Et ce matin, au café, il a recommencé. »
Je le lui dis sans détour, la voix serrée par l’émotion. « Il passe son temps à m’insulter sous couvert d’humour. C’est à peine déguisé, il veut m’humilier. »
Je pouvais sentir la tension de Matthieu monter, déjà exaspéré par la situation. Il s’affaissa sur le canapé, fixant le plafond d’un air lassé. « Il commence sérieusement à me gonfler, je vais craquer » me confia-t-il enfin. « Ce type m'inonde de messages, jour et nuit, avec ses plans foireux. Je ne lui ai rien demandé, et maintenant il me harcèle. »
Son irritation était palpable, cela ne me calmait pas. J'avais besoin qu'il comprenne à quel point cet homme me déstabilisait mais je craignais sa réaction.
« Il n’arrête pas de se vanter, de rabaisser tout le monde, et surtout, il me cible systématiquement. Il me fait passer pour une idiote, et ça empire à chaque fois qu'on le voit. »
Matthieu, le visage fermé, les poings serrés. « Ce type n’a aucune limite. Je l’ignore, mais il revient toujours avec son attitude de faux-cul. J’en peux plus non plus. Mais là, ce qu’il te fait, ça me rend fou. Je ne peux plus tolérer ça. »
Son agacement me faisait écho, mais je restais consciente qu’il pouvait réagir de façon trop violente. Cet homme, sans limites, pourrait nous faire du mal. Le danger était imminent, je devais gérer la situation avec précaution.
« J’ai essayé de le gérer » dit-il, frustré. « Mais il ne lâche pas. Il s'accroche, il s'infiltre. Je vais l’exclure de nos vies. »
Cette réponse me déstabilisa. Lui aussi voyait à quel point cet homme était nuisible, mais je craignais qu’il perde son calme. Son énervement confirmait mes craintes : il était à bout, et sa réaction pourrait être bien trop brutale.
Nous avions laissé cet intrus, ce prédateur social, envahir nos vies, s'imposer par son arrogance et ses manipulations.
« Ce mec, c’est un fléau. » murmurai-je.
Matthieu hocha la tête. « Il faut qu’on fasse quelque chose, et vite. Parce que là, ça ne peut plus durer. Il a franchi une ligne en s’attaquant à ma femme. »
Son soutien me réchauffait, mais sa colère m'effrayait.
Sans un mot de plus, Matthieu prit son téléphone et commença à taper un message avec colère mais détermination. Pas besoin de réfléchir, son irritation parlait d'elle-même. Je le regardais écrire, le visage crispé, les jambes tremblantes, les doigts agiles sur l'écran, presque comme un défi.
Le message s’afficha avant qu’il ne l’envoie. Je jetai un œil par-dessus son épaule :
« Salut. On va être clairs, ça s’arrête là. Je ne veux plus de tes messages, ni de tes plans bidons. Et surtout, je ne tolère pas que tu manques de respect à ma femme. Elle l’a mal vécu, et moi aussi. À partir de maintenant, on coupe les ponts. Ne m’écris plus. »
Sans hésiter, il appuya sur « envoyer » d’un geste sec.
Des spasmes d’angoisse me traversèrent le corps.
Le silence tomba lourdement, comme si l’air était suspendu. Matthieu posa son téléphone sur la table, prit une profonde inspiration, comme pour se débarrasser du poids de cette confrontation. Il semblait soulagé. Je n’étais pas tranquille.
Je le regardai, reconnaissante de sa réaction rapide. « Merci » murmurai-je, soulagée qu’il ait mis fin à cette situation avant qu’elle ne prenne plus d’ampleur. Mais au fond de moi, l’inquiétude persistait. Cet homme, avec son arrogance et son ego démesuré ne supporterait pas cet affront et ne s’arrêterait pas là.
À peine le téléphone posé, il vibra à nouveau. Son visage se ferma en voyant le message. Le silence dans la pièce devint suffocant, presque irrespirable.
Je paniquai.
« Qu’est-ce qu’il se passe là ? Dis-moi ! »
Il tourna l’écran vers moi, et ce que je lus me glaça le sang :
« T’en as pour des milliers d’euros de carding là, mec. J’ai pris des risques pour toi, et j’ai des preuves. C’est dans ton téléphone, et tu as ouvert les fichiers. Alors maintenant, tu vas me payer, fils de pute. Rien à foutre de ta pauvre meuf, si elle ne comprend pas l’humour, c’est qu’elle est encore plus conne que je le pensais. »
Je restai pétrifiée, le cœur battant à tout rompre. Le ton du message était bien pire que ce que j’avais imaginé. Ce n’était plus seulement de l’arrogance, ou des sous-entendus, c’était une menace directe.
« Matthieu…» murmurai-je, la voix tremblante, incapable de détacher mes yeux de l’écran. « Il… il est sérieux ? »
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux, son visage marqué par un mélange d’inquiétude et de colère. « Qu’est-ce que c’est que cette merde ? ! » s’écria-t-il, choqué par la brutalité du message. « Du carding ? Il parle de fraudes bancaires… Et il dit que j’ai ouvert ses fichiers. »
Une angoisse sourde m’envahit. Cet homme avait tendu un piège, et Matthieu, sans le savoir, l’avait déclenché en acceptant ses messages, en consultant ses documents. Il y avait des preuves, disait-il. Des preuves dans son téléphone. Matthieu n’avait jamais voulu s’impliquer dans quoi que ce soit, mais il s’était retrouvé englué dans un complot.
« Tu as ouvert ces fichiers ? » demandai-je, la voix presque inaudible.
Matthieu hocha lentement la tête, l’air perdu.
« Oui, j’en ai ouvert un, mais sans regarder vraiment. Je pensais que c’était juste des documents sur ses soi-disant plans d’investissement. » Il marqua une pause, avant de dire d’une voix plus basse : « Mais il parle de trucs illégaux… du carding, des fraudes. Je ne veux pas être mêlé à ça. »
Le sol se dérobait sous mes pieds. Ce type, ce parasite, avait trouvé un moyen de s’infiltrer encore plus profondément dans nos vies, et maintenant il nous menaçait. Nous tenait à la gorge.
« Et maintenant quoi ? Il attend de l’argent ? » demandai-je.
« C’est ce qu’il dit, » répondit Matthieu, le regard sombre. « Mais je ne lui donnerai rien. »
Le silence s’installa. Les enjeux avaient changé. Cet homme n’était plus juste un nuisible qu’on pouvait ignorer. C’était un manipulateur et il était prêt à tout pour obtenir ce qu’il voulait. Il ne cessait de parler d’argent ; il n’avait contacté Matthieu que dans le but de l’extorquer.
Une phrase me revint à l’esprit et ajouta une pierre à l’édifice soigneusement construit par l’Autre Machiavel : « Je ne lui donne pas trois jours »…
Pourquoi n’y avais-je pas songé ? Tout était prémédité et planifié. Je me sentais aussi stupide qu’il avait pu me le faire comprendre à maintes reprises.
Ce fut le début d'une avalanche infernale. En quelques heures seulement, des dizaines de messages déferlèrent sur le téléphone de Matthieu, chacun plus glaçant que le précédent.
Les vibrations incessantes, presque frénétiques, s’accumulaient, rendant chaque seconde un peu plus angoissante, chaque alerte un peu plus oppressante. Chaque notification me faisait sursauter, comme une cloche lugubre annonçant notre descente aux enfers. Nous étions pris dans la spirale de sa rage.
Les premiers messages étaient déjà inquiétants : des menaces directes, des insultes cruelles, des remarques humiliantes. Puis, le ton se durcit. Cet homme, qui n’était d’abord qu’un perturbateur arrogant, dévoilait maintenant son vrai visage. Ce n’était plus seulement une histoire d’argent ; il était question de pouvoir, de domination. Il nous tenait, ou du moins, il en était persuadé, et il jouait avec cette idée malsaine.
Voici quelques exemples de ses messages :
« J'espère que t'es prêt à payer, sinon ça va vraiment mal tourner pour toi. »
Un autre, encore plus menaçant :
« Je te jure, mec, si tu fais pas ce que je dis, je vais venir chez toi. Je vais te faire vivre un enfer. C’est pas des paroles en l'air, sale PD. Je vais vous détruire. »
Et cela ne s'arrêta pas là. Il commença à envoyer des photos d'armes. Des revolvers, des pistolets, parfois posés sur une table, parfois tenus dans sa main. Chaque image était accompagnée de commentaires glacials, des promesses de violence qui faisaient froid dans le dos.
« Tu veux voir ça de plus près ? »
Puis vint le pire. Un message qui nous plongea dans une terreur absolue :
« Je vais te réveiller avec ça sur la tempe, je vais te saigner comme un porc. »
Je me souviens encore du moment où Matthieu lut ce message. Le téléphone tremblait dans sa main, mais ce n’était pas la faute de l’appareil. C’était lui. Ses doigts crispés avaient du mal à maintenir l’appareil, comme si l’objet brûlait. Il ne parlait plus. Son visage était blême, et ses yeux étaient rivés sur l’écran, fixés sur ces mots cruels. Je ne savais plus si c'était la peur ou la colère qui dominait en lui.
Le flot de messages n’en finissait pas. Chaque vibration était une nouvelle attaque, une nouvelle vague de terreur qui menaçait de nous engloutir. Il n’y avait plus de moment de répit. Cet homme, que nous avions tenté de repousser, avait pris le contrôle de la situation, et il ne semblait pas prêt à s’arrêter.
Je tentais de garder mon calme, mais comment pouvais-je rester sereine face à de telles intimidations ? Comment protéger ma famille, mes enfants, quand quelqu’un, quelque part, nous envoyait des promesses de mort.
Finalement, Matthieu, pris d’un élan de détermination, saisit son téléphone et bloqua ce numéro maudit. Ce geste, à la fois libérateur et angoissant, agissait comme une soupape de sécurité qui se relâchait après avoir été trop longtemps sous pression. Soudain, le flot de messages cessait, et un silence lourd s’abattait sur la pièce. Mais ce silence n'était pas apaisant ; il était chargé d'une menace invisible, d'une tension qui n’était pas tout à fait dissipée.
« C’est fait » murmura Matthieu, ses yeux toujours fixés sur l'écran noir de son téléphone, comme s'il espérait que ce simple acte suffirait à mettre fin à sa folie. Certes, il avait stoppé ce déluge de paroles venimeuses, mais c’était évident : ce n'était pas fini. Je savais par avance ce qui allait s’ensuivre.
Je le savais. Je le sentais dans mes entrailles, comme une morsure glacée qui persistait, refusant de disparaître. Bien que cet homme fût désormais bloqué sur le téléphone de Matthieu, il ne disparaîtrait pas aussi facilement de nos vies. Ses mots résonnaient encore dans ma tête, comme un écho obsédant, et je ne pouvais m'empêcher de me demander quel danger planait désormais sur nous. Que ferait-il maintenant ? Serait-il capable de passer à l’action ?
« Tu penses qu’il va se contenter de ça ? » demandai-je, ma voix trahissant mon inquiétude.
Matthieu secoua la tête, l’air grave. « Je ne sais pas. Mais ce type n’est pas comme les autres. Si je l’ai bloqué, ça risque de le rendre encore plus furieux. »
L’incertitude me rongeait. Je craignais ce qu’il pourrait faire. Il ne disparaîtrait pas simplement parce que nous avions décidé de couper les ponts. Au contraire, ce pourrait être le début d’une traque, d’une obsession – quelque chose de bien plus sinistre, de bien plus dangereux.
Pourtant, nous ne pouvions pas rester là, paralysés « Nous devons nous protéger » dis-je, même si, au fond, je n'avais aucune idée de comment nous y prendre.
Matthieu acquiesça, mais son regard se perdait déjà dans les perspectives terrifiantes de ce qui allait suivre. Nous avions mis tant de temps et d’efforts à bâtir une vie équilibrée, et voilà que cet homme voulait tout balayer, sans aucune raison.
Je savais que ce calme apparent n'était qu'une illusion, une tranquillité précaire. Nous devions nous préparer à ce qui pourrait arriver, aussi incertain et menaçant que cela fût.
Je savais ce qu’il allait faire. J’en étais certaine, profondément, viscéralement. Cette intuition me rongeait. La seule question que je me posais : quand va-t-il le faire ?
L'angoisse, sourde et implacable, grandissait en moi, telle une ombre rampante prête à m'engloutir. Cet homme, cet intrus dans notre vie, allait maintenant s’attaquer à moi.
Quelques heures ont suffi.
Mon téléphone vibra, et je n’avais même pas besoin de regarder pour savoir d’où cela venait. Ses messages étaient comme des coups de couteau, glacés et acerbes, pleins d’insultes et, encore une fois, de son arrogance démesurée. Il se plaisait à me rappeler, avec une insolence palpable, à quel point il était tout-puissant, et nous, des riens, des insignifiants, des merdes.
« Vous allez payer. »
« Sinon vous êtes morts. »
Ces mots frappèrent mon esprit comme un coup de tonnerre, résonnant avec une menace si vive qu’elle m’enserrait la gorge. Chaque syllabe était un rappel brutal de sa détermination, une promesse de souffrance. L’image qu’il projetait à travers ses messages était celle d’un homme qui n’hésiterait devant rien pour obtenir ce qu’il voulait.
Je pouvais presque ressentir la chaleur de sa rage à travers l’écran, une hystérie qui m’envahissait. Chaque mot était une flèche, visant droit au cœur de mes angoisses, une douleur lancinante qui se répercutait en moi. J’étais face à une intimidation d’une intensité inouïe, un dégoût mêlé de crainte qui m’envahissait. Je savais que je devais agir, contrer cette folie, le calmer avant que tout cela n’explose. Ses insultes n’étaient pas de simples paroles : elles étaient une attaque frontale, un assaut de mépris, une tentative délibérée de briser notre résistance, de nous anéantir. La pensée de ce qu’il pourrait faire, de ce qu’il pourrait devenir, me tordait les entrailles.
Malgré la colère bouillonnant en moi, j'avais pris la décision de calmer le jeu. Je savais que Matthieu m'en voudrait de ne rien dire, de me laisser insulter, de ne rien faire « en apparence », qu'il pourrait penser que je prenais la défense de l'Autre. Mais je ne pouvais pas laisser mes émotions prendre le dessus. Il fallait établir un apaisement, parce que je savais que ce fou ne nous lâcherait pas et que chaque propos injurieux décuplerait sa furie.
La panique était un luxe que je ne pouvais pas m'autoriser. Je devais garder mon calme, manipuler ce manipulateur avec la plus grande prudence. Il fallait désamorcer la situation, l’empêcher de nous engloutir dans sa toile.
« Tu ne sais pas à qui tu as affaire ! »
Avec son arrogance habituelle, comme s’il était le maître absolu du jeu.
Mais je refusais de lui laisser ce pouvoir. Je ne pouvais pas lui permettre de détruire ce qu’il restait de notre vie, de réduire en cendres ce que nous avions mis tant d’efforts à bâtir. Je devais répondre, mais avec une prudence, chaque mot soigneusement pesé, chaque phrase conçue pour désarmer sa colère sans y céder. Parce que je savais que cet homme ne se contenterait pas d’une victoire verbale. Il cherchait à anéantir, à briser cette fragile paix que nous avions encore.
J’étais en alerte, prête à réagir à la moindre escalade. Je devais affronter ce monstre à travers l’écran, je le ferais avec toutes les armes à ma disposition. J’avais déjà passé des heures à échanger avec lui, chaque mot, chaque réponse devenant une bataille psychologique dans cette guerre invisible.
Mon silence face à sa demande de paiement le rendait fou. Chaque minute sans réponse semblait le rapprocher un peu plus du gouffre, de la folie. Son discours devenait plus cru, plus menaçant, et très vite, il franchit la ligne.
« Tu sais, avec mon réseau sur le darknet et mon intelligence, je vais vous hacker. Vous allez tout perdre, pauvres connards. »
Sa menace résonna dans mon esprit comme un écho sinistre, un souffle glacé d’imminente destruction. Je pouvais presque voir son sourire suffisant derrière l’écran, son regard froid de prédateur convaincu de son emprise sur nous.
Puis il lança sa machine de guerre. Dans un déluge de messages, il se mit à détailler des menaces, des éléments techniques, comme s’il voulait nous faire comprendre que tout ce qu’il disait était bien plus qu’un simple caprice.
« Je vais accéder à tous vos comptes, à vos informations privées, et pourquoi pas vous faire chanter si je trouve quelque chose de compromettant. »
L’idée qu’il puisse avoir accès à notre vie, la transformer en un déballage impitoyable, me terrifiait. Cela allait bien au-delà du chantage financier ; il visait notre sécurité, notre intimité. L’angoisse s’insinuait en moi, un poids insoutenable qui me compressait la poitrine.
L'angoisse se mêlait à la colère. Comment cet individu, cet intrus, pouvait-il oser mettre en péril notre existence de cette façon ? J'avais juré de garder mon calme, mais la tempête qui faisait rage en moi était de plus en plus difficile à contenir. Je savais que je devais agir, mais comment réagir face à un homme prêt à tout, qui se croyait au-dessus des lois, et du bon sens ?
Sa condescendance et ses menaces planent désormais au-dessus de nous comme une épée de Damoclès. La question qui me hantait sans relâche était : comment contrer un ennemi qui évolue dans l’ombre ?
Je taisais toutes ces insultes à Matthieu, sachant qu’il en deviendrait hystérique. Je gardais pour moi ce déluge d’infamies, de cruautés, je me laissais inonder de son flot destructeur. J’étais seule face à l’Autre.
Quelques jours plus tard, alors que la tension régnait toujours dans notre maison, une découverte macabre nous glaça le sang. En sortant pour emmener Alice et Paul à l’école, nous avons trouvé des mouchoirs ensanglantés soigneusement placés devant notre porte. Mon cœur se mit à battre la chamade, une peur viscérale m’envahissant. À côté de ces preuves troublantes, il y avait un morceau de papier sur lequel était inscrit un numéro de téléphone.
En l'examinant de plus près, après quelques textos habilement formulés, j’ai fini par comprendre que ce numéro était celui de mère. Un frisson me parcourut, et je compris immédiatement que cette manœuvre visait à nous terroriser, à semer un chaos encore plus grand. Tout cela était complètement absurde, tout comme lui.
Cet acte n’avait ni sens ni logique. Pourquoi utiliser un numéro de téléphone aussi personnel pour délivrer un message aussi dérangeant ? La raison derrière cette intimidation m’échappait totalement. Était-ce un avertissement ? Un jeu cruel pour nous entraîner dans sa spirale de folie ? Tout en moi se révoltait à l’idée que cet homme puisse ainsi toucher à notre tranquillité, à notre sécurité, à la chair de ma chair.
Les mouchoirs ensanglantés, vestiges d’une violence que je n’osais imaginer, symbolisaient notre plongée dans un abîme d’irrationalité et de danger. Je me sentais piégée dans un mauvais film d’horreur, où les limites du raisonnable étaient sans cesse repoussées. Ce n’était pas simplement une menace, mais un signe que la situation était devenue bien plus grave que je ne l’avais jamais imaginé. Il était maintenant passé au réel.
Je savais que je devais prendre cet acte très au sérieux, que je ne pouvais pas laisser cette folie continuer à infiltrer notre vie. Il fallait que je réfléchisse à un plan, un moyen de nous protéger, de mettre un terme à ses agissements avant qu'il ne dégénère davantage. Mais au fond de moi, une question persistait : jusqu’où cet homme serait-il prêt à aller pour assouvir sa rage et son besoin de contrôle ?
Une autre question venait se heurter à ma raison : jusqu’où étais-je prête à aller, lui pour qui la raison n’existe pas ?
Ses dernières intimidations résonnaient encore dans mon esprit, comme une mélodie lugubre dont je ne pouvais me défaire. Une intuition sourde, une alarme intérieure, me disait que ces mots n’étaient pas de simples paroles en l’air. Non, cet homme ne se contenterait pas de bluffer. Il semblait tel un prédateur et ses avertissements pesaient sur nous, ses proies.
Je pouvais presque sentir son regard perçant, prêt à frapper là où ça ferait mal. Chaque phrase qu’il avait écrite était une promesse de destruction, et je savais, au fond de moi, qu’il avait les moyens de passer à l’acte. C’était une sensation dérangeante, une certitude qui me dévorait. Ses mots ne faisaient pas que s’envoler ; ils s’accrochaient à moi, me paralysant sous le poids de leur intensité.
Je me retrouvais tiraillée entre l’inquiétude et la détermination. Chaque instant, je savais que nous étions dans la ligne de mire de ce fou, que sa colère ne trouverait pas de repos tant qu’il n’aurait pas obtenu ce qu’il voulait. Je devais être sur mes gardes, attentive à chaque détail, car je ne pouvais pas me permettre de minimiser la gravité qu’il représente.
Cet homme, avec sa personnalité perturbée et perturbante, son comportement imprévisible, avait franchi des limites que personne ne devrait jamais franchir. Je sentais que notre avenir dépendait de ma capacité à anticiper ses prochaines étapes, à ne pas laisser cette situation dégénérer, à calmer Matthieu, devenu furieux. Il était temps d'agir, de prendre des décisions difficiles, car cet intrus n’allait pas simplement disparaître, comme par magie.
Et je n'ai rien fait, prise dans la tempête des événements qui allaient s'enchaîner. L’angoisse m’étouffait, me paralysait.
Après l'incident des mouchoirs ensanglantés, Matthieu, décida de se pencher sur notre réseau Internet.
En fouillant dans les paramètres de notre connexion, il découvrit rapidement qu’un appareil s’était connecté à notre réseau. La surprise et l’inquiétude se mêlaient sur son visage alors qu’il examinait les données affichées à l’écran. Chaque chiffre, chaque nom d’appareil, ajoutait une couche de tension à l’atmosphère.
« Je crois qu’il nous a piraté, » dit-il d’un ton grave, son regard fixé sur l’écran comme si la solution se cachait derrière les chiffres.
« Il est passé à l’acte, ça y est... »
Je pouvais lire la rage dans ses yeux. J’essayais de me convaincre qu’il s’agissait d’un malentendu, que Matthieu était tellement obnubilé par cet individu qu’il se laissait emporter par une paranoïa grandissante.
L’inquiétude se mêlait à la colère. Cet homme, cet ennemi insidieux, s’était-il réellement infiltré dans notre vie ? Je sentais le besoin de prendre le contrôle de la situation, mais les événements semblaient se dérouler sans que je ne puisse rien y faire. La tempête ne faisait que commencer, et je me sentais enfermée au cœur du tourbillon.
Matthieu me révéla le résultat de ses recherches, et il ne me restait plus d'autre option que de le croire.
Notre réseau a été craqué et on a eu accès à nos appareils, collectant toutes les adresses IP et MAC de chacun d'eux. L’horreur de la situation me frappait de plein fouet. Quelles allaient être les conséquences de cette violation de notre intimité ?
La première idée qui me traversa l’esprit fut celle de la vulnérabilité. Tout ce qui se trouvait sur nos appareils était désormais exposé. Des informations personnelles, professionnelles, des conversations privées, des photos de toute notre vie, de nos enfants... Je frémis à l’idée qu’on pouvait peut-être nous voir, nous entendre, ou utiliser nos informations à mauvais escient. On pouvait maintenant nous espionner et manipuler notre vie.
Matthieu, les yeux rivés sur l’écran, avait une expression d’effroi.
Chaque minute qui passait nous rendait plus vulnérables.
« C’est lui ? Que va-t-il faire maintenant ? » Demandai-je, la peur dans la voix.
« Je ne sais pas… je suis sûr que c’est lui et il est évident qu'il va continuer, » me répondit Matthieu.
Je pouvais voir la tension dans son corps, comme un ressort tendu prêt à se libérer.
« Il va se venger, tenter de détruire notre réputation, de nous humilier… »
Les pensées tourbillonnaient dans ma tête. Quelles conséquences cette intrusion aurait-elle sur notre vie quotidienne ? Et si cet homme décidait de partager nos informations personnelles avec des tiers ? Les ramifications étaient infinies et terrifiantes. Nous ne serions plus en sécurité chez nous, c’était insupportable.
Je sentais une rage monter en moi. Comment avait-il pu en arriver là ? Qu'est-ce qui le poussait à détruire des vies juste pour assouvir son propre plaisir malsain ?
« Il faut que nous changions nos mots de passe, que nous renforcions la sécurité de notre réseau, » lança Matthieu, essayant de trouver une lueur d'espoir dans cette obscurité. Mais je pouvais voir qu'il était tout aussi préoccupé que moi par ce que nous venions de découvrir.
Nous étions engagés dans une lutte que nous n’avions jamais choisie. Ce fléau, cet intrus dans notre vie, nous avait forcés à entrer dans un combat pour notre sécurité, pour notre paix d'esprit. Nous battre pour protéger notre famille.
TROP TARD. Le mal était fait, et il était bien plus avancé que nous ne l'avions imaginé. Cet homme, avec son réseau sinistre, avait plusieurs coups d'avance sur nous. La situation était devenue un véritable cauchemar. Pendant des jours, des alertes affluaient de toutes parts, nos appareils étaient envahis par des connexions étranges provenant des quatre coins du monde. Des modifications de mots de passe avaient été opérées par des tiers, exposant complètement notre vie numérique.
Les logiciels espions se multipliaient. Nos adresses email, tant personnelles que professionnelles, avaient été compromises. Des copies de nos mails étaient envoyées à des boîtes externes, témoignant du contrôle qu'ils exerçaient sur nous. Nos ordinateurs s'allumaient de manière inattendue, des documents s'ouvraient d'eux-mêmes : nos RIB, nos cartes d'identité, nos attestations de sécurité sociale, nos avis d'imposition... tout cela était à la merci de cet inconnu.
C'était le kit parfait pour une usurpation d'identité, une destruction méthodique de nos vies. Notre existence, autrefois si paisible, s'était transformée en un véritable champ de bataille. Nous passions nos nuits à tenter de sécuriser nos comptes, à colmater les brèches, mais chaque effort semblait vain. Les risques se renouvelaient sans cesse, comme une hydre aux multiples têtes. Malgré les sommes investies dans des mesures de sécurité, cela ne faisait que sembler être une goutte d'eau dans un océan de désespoir.
Et le pire, c'était l'impact sur notre famille. Même les comptes Roblox d’Alice et Paul avaient été piratés. Un détail peut-être, mais il symbolisait bien à quel point cet homme n'avait aucun scrupule. Il ne s'arrêtait devant rien, attaquant notre vie familiale. L’innocence de mes enfants était désormais mise à mal par cet agresseur sans foi ni loi.
Le moment où nous avons découvert que nos téléphones avaient été compromis fut un coup fatal. Chaque conversation, chaque message échangé avec amis, famille, collègue était désormais entre ses mains. Je n'arrivais pas à m’empêcher de me demander : Que savait-il ? que ferait-il des infirmations qu’il pourrait avoir ? Cette incertitude, grandissante, devenait insupportable. Nous vivions dans un film d’horreur où la pression était omniprésente, mais invisible.
L'angoisse et la fatigue s'accumulaient. Nous étions pris dans un tourbillon de stress, notre quotidien transformé en une succession de mesures de sécurité : mots de passe à changer, vérifications incessantes, surveillances, changements de boîtes mail. La lutte semblait insurmontable. Nous avions l'impression d’être des marionnettes dans une tragédie, manipulées dans toutes les directions par un metteur en scène pervers.
À chaque alerte, chaque piratage, la dure réalité de notre situation frappait à nouveau, implacable. Cet homme était l'ennemi invisible qui tirait les ficelles. Chaque message, chaque nouvelle intrusion était une affirmation de son pouvoir sur nos vies. Nous devions absolument trouver un moyen de reprendre le contrôle, de mettre fin à ce cauchemar, mais à cet instant, tout semblait hors de portée. Piégés, chaque jour semblait alourdir un peu plus notre fardeau. Les nuits se succédaient, blanches et torturantes, remplies du cliquetis des claviers, des bips incessants des alertes, et de cette angoisse sourde d’un monde en train de s’effondrer. Notre maison était devenue une prison, chaque pièce résonnant des échos de notre paranoïa grandissante. Nous scrutions sans cesse le visiophone au moindre bruit suspect, vérifiant chaque photo prise au cours de la journée, toujours à l’affût de son véhicule, de sa silhouette.
Les murs de notre existence se resserraient, comme si l’air lui-même se chargeait d’un danger omniprésente. Je pouvais sentir l’étau de la peur se refermer autour de moi, chaque battement de mon cœur me rappelant que cet homme, cet intrus, continuait à nous traquer, à nous surveiller. Je ne savais plus à qui faire confiance, surtout pas à la technologie qui, au lieu de nous protéger, se retournait contre nous.
Les tentatives pour sécuriser notre réseau étaient épuisantes. Matthieu et moi passions des heures à activer des authentifications à deux facteurs, installer des antivirus, des pare-feux, mais à chaque petite victoire, une nouvelle menace surgissait, insidieuse, comme un serpent rampant dans les recoins de notre vie numérique. Les alertes de sécurité se multipliaient, les notifications de connexions suspectes arrivaient par vagues.
« Regarde ça, » disait Matthieu, les sourcils froncés, scrutant l’écran. « Il est encore là. Une autre tentative. »
Ses yeux, habituellement pleins de chaleur, reflétaient désormais une fatigue abyssale. J’aimais cet homme, je le connaissais par cœur je voyais bien qu’il commençait à s’éroder sous la pression. Ses épaules, qui avaient toujours porté le poids de notre famille avec une telle force, commençaient à se voûter sous le fardeau de ces épreuves.
Alice et Paul, innocents, ne comprenaient pas la gravité de la situation. J’étais déchirée entre l’impératif de les protéger et la lutte pour préserver ce qui restait de notre normalité.
Les discussions avec le monde extérieur devenaient des tentatives désespérées pour maintenir une façade de normalité.
« Tout va bien »
Mais derrière ces mots se cachait un océan de tensions. Nos amis, nos collègues, notre famille, bien que bien intentionnés, ne pouvaient saisir l’ampleur de notre détresse. Les sourires n’étaient plus que des masques, des rituels pour éloigner l’angoisse.
Nous étions désormais en guerre, et le champ de bataille n’était pas seulement numérique : il avait envahi notre esprit. Les effets du stress se manifestaient physiquement. J'avais perdu le goût, celui de la nourriture, mais aussi celui de vire : je ne prenais plus soin de moi, je ne faisais plus de sport. Mes courtes périodes de sommeil sous somnifère étaient hantées de cauchemars, peuplées de visions de cet homme souriant, jouant avec notre souffrance.
Matthieu, de son côté, s’isolait de plus en plus, se perdant dans le monde virtuel à la recherche de solutions, mais s’enfonçant toujours davantage dans un combat sans limites qui était devenu son obsession. Il maigrissait, montrait de nombreux signes de stress : son syndrome des jambes sans repos trahissait son état, il était pâle, le visage creusé, il ne souriait plus, sa barbe blanchissait à vue d’œil.
Tandis que nous tentions de bâtir des murs de protection autour de notre famille, la réalité était que ces murs étaient déjà fissurés, menaçant de s’effondrer à tout moment.
Chaque jour était une course contre la montre. Les conséquences de ces attaques ne faisaient que s’aggraver, nous étions dans un cycle de terreur qui semblait indéfectible. Et alors que nous commencions à réaliser que cet affrontement allait bien au-delà de ce que nous avions prévu, une question persistait : jusqu’où irait cet homme pour nous détruire, et que pourrions-nous faire pour reprendre le contrôle de nos vies ?
La peur s’immisçait dans notre quotidien, nous transformant lentement en insomniaques. Les nuits se succédaient, troublées par des pensées obsédantes. Le sommeil nous fuyait, et chaque instant de calme était une illusion, un moment de répit avant la tempête à venir. Nos esprits, tourmentés par l’angoisse, ne parvenaient plus à se défaire de l’emprise de cet homme.
Nous devions agir comme si tout allait bien, alors qu’en réalité, notre monde s’effondrait lentement. La détresse nous isolait, et cette solitude était la plus cruelle des réalités.
J’avais appris à lire les petites nuances dans le comportement de Matthieu, à scruter son visage pour y déceler le moindre signe d’inquiétude. Chaque instant de silence pesait lourd, chargé de non-dits.
L’idée de faire appel à quelqu’un, de dévoiler notre secret, était rapidement écartée. Qui pourrait comprendre ? Qui pourrait croire à cet enfer invisible ? Qui serait en mesure d’imaginer l’horreur à laquelle nous étions confrontés ? Qui pourrait nous aider ?
Pire, il était pour nous impossible d’en discuter avec qui que ce soit. Si des mots échappés de nos lèvres parvenaient à ses oreilles, l'ampleur de sa vengeance serait dévastatrice.
Il avait réussi à ériger une barrière entre nous et le monde extérieur, une barrière faite de méfiance et de crainte.
Chaque nuit, quand la force nous manquait pour continuer notre lourd travail de sécurisation, la peur se glissait sous nos couvertures. L’angoisse m’étreignait, et je savais que nous devions trouver un moyen de briser ce silence, de reprendre le contrôle de nos vie ?
Je sentais au fond de moi qu’un signe me préviendrait du moment où je devrais agir et sortir de ce gouffre. C'était comme une lueur vacillante dans l'obscurité, une intuition persistante, une promesse que l'espoir n'était pas totalement perdu. Chaque jour, je scrutais les ombres de notre maison, cherchant des indices, des présages qui pourraient me guider.
Cette attente, bien que pesante, me maintenait en alerte. Je m’accrochais à cette pensée, espérant que la vie m’enverrait un signal, une opportunité de briser le cycle infernal dans lequel nous étions enfermés. Peut-être une parole échangée, un regard complice, ou même un événement inattendu qui me donnerait le courage d'agir.
Les heures s'étiraient, et je restais attentive aux moindres détails de notre quotidien. Chaque bruit, chaque mouvement, semblait chargé de signification. Je refusais de laisser cet homme nous dévorer complètement. Je devais me battre pour retrouver notre vie, pour reprendre le contrôle sur notre destin.
Malgré l'angoisse qui me tenaillait, j’étais déterminée à ne pas sombrer dans le désespoir. Je cherchais des moyens d’accumuler des forces, de rassembler mes pensées, pour l’instant où la porte s’ouvrirait enfin sur un nouvel horizon. Un signe, une lumière dans l’obscurité… Je l'attendais, convaincue qu'il viendrait, tôt ou tard, et que je serais prête à agir au moment décisif.
Le poids de notre secret était lourd à porter, mais nous étions contraints de vivre avec, d’endurer chaque jour sans laisser entrevoir la moindre faiblesse. La solitude était devenue notre compagne silencieuse, et le désespoir, notre plus grand ennemi.
Puis vint un bruit étrange et récurrent dès que nous sortions dans le jardin. Au début, nous pensions que c'était simplement le bourdonnement d'un insecte, ou peut-être le vent jouant avec les feuilles. Mais, au fil des jours, ce son, comme un murmure insistant dans le fond de notre esprit, s'infiltrant dans nos pensées. Nous commencions à prêter attention aux détails, à observer notre environnement avec méfiance. Et là, dans ce moment de tension, nous avons enfin compris. Un drone survolait notre maison, capturant chaque instant de notre vie, un œil inquisiteur sur notre existence.
Il se cachait chaque fois que nous essayions de l’apercevoir, comme un prédateur astucieux, attendant patiemment pour revenir à la charge. Chaque mouvement que nous faisions était surveillé et enregistré. Nous étions ainsi exposés à un voyeurisme insupportable, notre vie privée réduite à néant par cet intrus. Chaque sortie, chaque geste, devenait une source d’angoisse. Nous étions piégés dans un cauchemar, un sentiment d’impuissance s’installant lentement. Ce drone, tel un spectateur malveillant, se délectait de notre souffrance.
C’était lui, encore lui…
Je ressentais cette perte de contrôle comme une chaîne m’enserrant, mais une étincelle de détermination commençait à brûler en moi.
Matthieu avait commencé à ressentir une étrange impression de surveillance chaque fois qu'il était au volant. « J'ai l'impression que quelqu'un me suit, » disait-il régulièrement, ses yeux se posant sur chaque véhicule qui le doublait ou restait trop près de lui. Au début, j'avais pris ses préoccupations à la légère, pensant qu'il succombait à la paranoïa, que c'était simplement le stress de la situation qui le rendait méfiant. Je tentais de le rassurer, de lui dire que tout cela n'était que le fruit de son imagination.
Mais au fil des jours, il ne cessait de revenir sur ce sentiment, sa voix empreinte d'une inquiétude croissante.
« J’ai l’impression qu'ils connaissent mes trajets, » me disait-il, la peur dans les yeux. Je ne pouvais ignorer que son comportement devenait de plus en plus nerveux. Les discussions sur les conducteurs qui le suivaient prenaient un ton de plus en plus sérieux, comme s'il voyait quelque chose que je n'arrivais pas à percevoir.
Je réalisais alors qu’il n'était pas fou. Ses craintes étaient fondées.
La solution paraissait soudainement évidente : nous avions aussi des traqueurs installés dans nos voitures ! Ils nous observaient, enregistrant chaque mouvement, chaque trajet que nous faisions. Avec chaque sortie, Matthieu semblait de plus en plus sur ses gardes. Chaque fois qu'une voiture le suivait un peu trop longtemps, il se raidissait, ses doigts crispés sur le volant.
L’angoisse s'installait de jour en jour, et nous nous sentions piégés dans une toile invisible tissée par cet homme. Chaque moment passé en voiture était devenu une épreuve.
A la maison, je ne pouvais m’empêcher de regarder par la fenêtre, craignant de voir un drone planer au-dessus de nous, ou un inconnu guetter nos mouvements ou une voiture suspecte garée près de notre domicile.
Nous étions devenus des victimes, et cet homme avait un contrôle total sur nos vies, faisant de chaque instant une torture psychologique.
Nous étions dos au mur, accablés par la violence de cet homme qui, tel un parasite, s'était insidieusement immiscé dans notre vie. Nos amis, notre famille, même nos collègues – personne, parmi tous ceux que nous connaissions, ne pourrait contrer ce fléau qui avançait, insensible et implacable.
Quant à la justice, elle nous paraissait inopérante face à une telle situation.
La loi, avec toutes ses procédures, ses attentes et ses preuves à réunir, s’avérait impuissante contre un homme si imprévisible, le harcèlement virtuel, les intimidations à distance, sont des dossiers complexes et longs à traiter, et les preuves souvent insuffisantes. Nous imaginions les dépôts de plainte, les explications sans fin, les preuves remises en question, les entretiens et les convocations, sans jamais réussir à freiner son élan destructeur.
Nous n'avions pas des mois ou des années devant nous pour mettre fin à ces agissements. Et l’Autre le savait sûrement ; sa folie semblait n’avoir aucune limite, sa ruse non plus. Et surtout, nous étions coincés : Matthieu avait ouvert les dossiers reçus, et cet homme avait ainsi créé « sa preuve », une fausse accusation de carding que la justice, dans toute sa mécanique froide, risquait de prendre au sérieux.
Connaissant le personnage, il avait transformé cet élément en une arme contre nous, une preuve forgée et implacable, qui avait sans doute 100 fois plus de poids que nos centaines de messages d’intimidation ou de menaces, nos multiples piratages ou traçages. C’était sa spécialité. Il avait déjà eu affaire à la justice à maintes reprises, semblait étrangement protégé, bien renseigné, et savait quels rouages manipuler, quels personnes approcher. Nous, pauvres citoyens aux casiers vierges, nous avancions en terrain inconnu, ne maîtrisant rien de ces arcanes où lui, en revanche, possédait un coup d’avance. Il se mouvait dans cette ombre protectrice que nous ne pouvions ni pénétrer, ni percer, nous rappelant inlassablement que cet homme était un adversaire hors de portée.
Il n’était pas question non plus de chercher à le raisonner, car aucune logique ni aucun apaisement n’étaient envisageables. Cet homme, avait franchi les frontières de toute humanité. Les mots qui sortaient de lui n'étaient que venin, paroles teintées de rage froide, comme si sa soif de vengeance et de domination n’était jamais rassasiée. Lui parler serait alimenter son mépris. Quant à Matthieu, sa colère était si vive, si bouillonnante qu’il ne supporterait aucun contact avec lui sans céder à des pulsions qui pourraient tout aggraver.
Face à ce mur d'impasses, une idée a finalement émergé dans mon esprit. Bien que fragile au départ, elle devenait de plus en plus évidente à mesure que je la réfléchissais : contacter sa famille. Qui d'autre que ses parents pourrait saisir l'urgence et la gravité de la situation ? Ils devraient être sensibles à notre détresse et pourraient peut-être influencer ce fils devenu tyran. Le plan se précisait. Tout semblait soudain clair. Nous rassemblerions les preuves de ses actes et écririons à sa famille, espérant qu’en découvrant la vérité sur sa folie, ils prendraient conscience de l'ampleur de ses actions.
Nous nous sommes donc attelés à cette tâche gigantesque. Toute la nuit, nous avons fouillé, trié les preuves, monté un dossier implacable pour prouver nos dires.
La fatigue nous rongeait, mais l’urgence de la situation nous maintenait éveillés, vigilants, concentrés, motivés. Chaque détail était crucial. Cette lettre adressée à ses parents devenait notre ultime solution, le seul moyen de retrouver notre sérénité, notre vie.
J'avais décidé d'écrire sans détour, avec une voix claire, ferme et dénuée de toute émotion superflue. Pas de supplications, pas de plaintes, juste des mots aussi tranchants que notre détermination. Il fallait que ses parents comprennent que la situation était intenable et que leur fils n'avait plus aucun droit de s’attaquer ainsi à notre famille. En guise de preuve, j'avais joint les nombreuses captures d'écran de ses menaces et insultes. Une démonstration irréfutable de tout ce qu'il avait mis en place pour nous détruire, un rappel de chaque acte, chaque mot, chaque dérapage, chaque attaque, chaque insulte.
Tard dans la nuit, après des heures de rédaction, de relecture, nous avons déposé cette lettre dans leur boîte aux lettres. En la fermant, le cœur battant, nous nous sommes échangés un regard silencieux, partagés entre des émotions puissantes et contradictoires.
D’abord, il y avait la peur. Cette peur d’attiser une rage qu’il ne saurait plus contenir. Allions-nous provoquer une réaction encore plus violente ? Puis, les questions ont fusé : comment réagiraient ses parents en découvrant cette facette de leur fils ? Pourraient-ils affronter la vérité, ou choisiraient-ils de la cacher sous le silence complice ?
En même temps, une voix d’espoir murmurait que, leur prise de conscience suffirait peut-être à désamorcer sa fureur, à rompre son emprise sur nous.
Un soulagement fragile s’installait, comme un voile léger après une longue nuit. Après des mois d’impuissance, déposer cette lettre avait quelque chose de libérateur, un poids de moins à porter. Enfin, nous affrontions notre situation de manière concrète. Même sans savoir comment cela se terminerait, ce geste nous offrait la sensation de reprendre un semblant de contrôle après des mois de soumission.
Une lueur d’espoir brillait faiblement dans ce chaos émotionnel. Une brèche pourrait-elle s’ouvrir dans ce mur d’intimidation ? Grâce à ce geste risqué mais nécessaire, une voie vers la fin de cette terreur silencieuse venait de s’offrir à nos esprits.
Monsieur et Madame,
Je me permets de vous contacter par écrit pour ne pas vous faire perdre votre temps en échanges inutiles, temps que je trouve d'autant plus précieux depuis que votre fils me fait perdre le mien et celui de mon mari. J’ai essayé dans un premier temps de sous-entendre le problème par SMS, lorsque votre numéro de téléphone a été trouvé devant notre porte. Vous l’avez très bien compris, sinon vous ne vous seriez pas empressés de me demander d'effacer votre contact. Malheureusement, l'attitude répréhensible de votre fils reste la même
Je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il nous menace, nous harcèle et « hacke » (ou plutôt sa communauté...) tous les jours notre réseau. Il a voulu nous piéger, nous manipuler, nous escroquer et nous sommes restés sans agir pour ne pas envenimer la situation, car contrairement à lui, notre quotidien n'est pas synonyme de conflits.
Il a envoyé à mon mari des documents illégaux et nous demande maintenant de le payer, à hauteur de 8000 € me semble-t-il. Mon conjoint ne lui ayant absolument rien demandé, son arnaque ne marche pas et nous ne débourserons pas 1€ pour lui. Ces menaces ne nous atteignent pas, nous n’avons aucune peur malgré ses nombreuses tentatives, mais notre patience à des limites.
Nous sommes en vacances avec nos enfants, nous désirons nous reposer et profiter d'eux et ses machinations commencent à peser sur notre famille. Il est impensable que je le laisse perturber la vie de mes enfants. Je comprends que vous fassiez tout ce que vous pouvez pour lui, avec les moyens qui sont les vôtres, vous comprendrez donc aisément que je ferai de même pour les miens.
Votre fils est maintenant allé trop loin, vous n'êtes pas coupables mais vous êtes responsable. C'est pourquoi, je sollicite votre bon sens pour le raisonner et assurer notre tranquillité.
Vous imaginez bien que lorsqu'il a emménagé en 2015 dans notre village, sa réputation l'a précédée, accentuant notre vigilance de parents protecteurs. Lorsque les gendarmes sont venus sonner à notre porte à 23h30, la veille de la première rentrée de notre fille, en se trompant d’adresse, nous avons commencé à prendre nos précautions, en silence.
Ses différents « amis » qui ont sonné chez nous très régulièrement, ont aussi dérangé notre quiétude : nous n’avons rien fait, rien dit.
Lorsqu'il a voulu se battre avec mon mari qui lui demandait de rouler moins vite dans le lotissement (pour se rendre chez vous de plus, à moins de 100m) pour protéger notre famille ainsi que nos voisins : nous n'avons encore rien fait, rien dit.
Maintenant que nous avons déménagé et qu'il a commencé son stratagème, la donne a changé. Nous ajoutons de (trop) nombreuses preuves solides.
Voici donc le bilan actuel de ses malversations (pour ne citer que ce qui nous concerne…) :
- Des menaces, des insultes, des calomnies, des plans fallacieux : comme par exemples : celui de venir tuer mon mari pendant la nuit (nous avons évidemment la photo de son pistolet SIG Sauer P226 AL SO DAO 9mm, qu'il nous a envoyé), le fait qu'il allait brûler nos voitures, payer des personnes sur le Darknet pour divulguer de fausses informations, vider nos comptes bancaires etc…
Je n'ai à nouveau rien dit lorsqu'il m'a insulté de « pute », lorsqu'il a traité mon mari de « cocu », de « petite pute », de « mytho gauchiste », etc..., pour ne pas accorder de crédit à ses insultes.
- Nous avons des captures d’écran prouvant nos propos.
- De nombreux vocaux violents, menaçants, insultants, diffamants, expliquant qu'il allait ruiner notre vie en nous piratant, chaque jour, en nous traquant, et c'est ce qu'il fait, lui ou ceux qu'il a payés... Pour un "super-hacker" comme il le prétend, il n'a pas été très judicieux en m'envoyant son RIB ainsi qu'en oubliant de crypter nos conversations sur l'application de messagerie.
- Toutes nos boîtes mails (personnelles et professionnelles), tous nos réseaux sociaux, toutes nos applications (là encore personnelles et professionnelles) ont été piratés. Des données importantes ont été perdues et nous avons passé de nombreuses heures à régler les conséquences de ses fraudes. Puisque la seule chose qui compte à ses yeux est l'argent, tout ce temps perdu équivaut à une somme très importante.
- Des déchets (mouchoirs ensanglantée avec le numéro de téléphone portable de madame) laissés devant notre maison, et trouvés pas nos enfants.
- Sa voiture, immatriculée ..-..-.. qui rode tous les jours autour de chez nous et se stationne en sens inverse dans notre rue.
- Les nombreuses connections à notre réseau à des endroits différents (dont les adresses ont été identifiées ainsi que les personnes complices de ses attaques)
- Le passage fréquent de son drone au-dessus de notre domicile ajoute à la liste de nouvelles infractions : violation du droit à l'image, violation de la propriété privée et violation de l'interdiction de faire voler un drone la nuit.
Comme je vous l’expliquais plus haut, notre patience a des limites et il les a atteintes. Il enfreint la loi en toute impunité et nous en subissons les séquelles.
Vous avez sans doute toujours réussi à le protéger au maximum, comme n'importe quel parent le ferait et je suis vraiment admirative devant votre combat et votre persévérance… Je n’ose imaginer les moments difficiles que vous avez dû surmonter et que vous subissez encore. Dans le cas présent, vous ne pourrez probablement pas le couvrir si nous agissons. Je me permets de laisser cette trace écrite car contrairement à lui, nous n'avons rien à nous reprocher, nous ne sommes que des « petits fonctionnaires de merde » (d'après ses propos), mais nos casiers sont vierges.
Nous n'avons plus de temps à perdre avec ses délires, c'est pourquoi je vous demanderai d'agir avant que ce soit nous qui agissions. Ses actions sur notre réseau, ses menaces, ses insultes, ses harcèlements, ses calomnies, doivent cesser dès aujourd’hui.
Si notre réseau est encore touché, si de nouvelles menaces sont proférées, s'il continue à roder autour de chez nous, nous serons dans l’obligation de faire le nécessaire.
Je vous envoie quelques preuves de ce que j’avance, sachez qu’il ne s'agit que d’une infime partie de celles en ma possession. Je terminerai ce courrier en citant votre fils : comme il s'est permis de conseiller à mon mari de « tenir sa femme », je vous demanderai de bien vouloir en faire de même et de « tenir votre fils »...
Vous avez mes coordonnées, je reste ouverte à toute discussion qui pourrait arranger la situation de tous.
Cordialement.
Lucie LHOSTE
Je ne savais plus quoi penser. Cette lettre pouvait être notre salut, ou bien aggraver les choses, le rendre fou de rage. Nous venions de rentrer après l’avoir déposée, et une vague de fierté mêlée d’angoisse m’envahissait. C’était notre seule chance, mais l’angoisse me tenait toujours, telle une étreinte glaciale, m’empêchant de respirer librement.
Je sentais que quelque chose allait se passer. Assise dans ce silence lourd, je n’arrivais plus à me concentrer. L’attente me dévorait. Chaque minute semblait se distordre, chaque seconde alourdissant un peu plus le poids de l’inquiétude qui pesait sur mes épaules. J’étais suspendue, prête à éclater, mes pensées tournant en boucle, prisonnières de l’incertitude. Que se passerait-il maintenant ?
Etais-je prête à affronter ce qui allait suivre ?
Savaient-ils ce qu’il nous faisait ? Étaient-ils conscients de la gravité de ses actes, ou allaient-ils tout minimiser? Ou bien, enfin, réaliseraient-ils l’ampleur de la situation ?
Si jamais ils lui révélaient tout, quelle serait sa réaction ? La colère le submergerait-elle, l’aveuglant au point qu’il perde tout contrôle ? Si ce qu’il entendait le poussait à se sentir acculé, que se passerait-il ? Serait-ce le déclencheur d’une nouvelle vague de violence ?
Comment réagirait-il, lui, si imprévisible, si explosif dans ses accès de rage ? Supporterait-il notre audace d’écrire à ses parents ? La simple pensée de la tempête émotionnelle que cela pourrait déclencher en lui me submergeait.
Je me perdais dans mes pensées, tentant d’imaginer les réactions possibles.
Et si ce n’était pas suffisant ? Si leurs paroles n’apaisaient pas sa fureur, mais, au contraire, attisaient sa rage davantage ? Pouvait-il envisager de se venger de manière encore plus terrible, de faire payer ceux qui osaient le défier ?
Les sacrifices que nous avions faits pour en arriver là me revenaient en mémoire, comme un tourment insupportable. Chaque larme, chaque lutte, chaque instant de détresse pure. Comment avions-nous pu en arriver là ? Et si, au lieu de nous sauver, nous précipitons notre chute ? Serait-il plus fort que jamais, écrasant nos espoirs sous le poids de sa colère ?
L’idée de ce futur, d’un futur où il serait libre de se venger, m’assaillait. Était-ce possible que nous soyons en train de jouer notre dernier coup, et qu’en réalité, il nous ait déjà capturés dans son piège ?
Alors que l’obscurité de la nuit enveloppait la maison, je pris une profonde inspiration, tentant de calmer mon esprit, d’apaiser les vagues de pensées qui se bousculaient dans ma tête. Mais chaque réflexion et chaque question qui surgissait me ramenait à l’incertitude. Je n’étais pas seule dans cette bataille ; nous avions agi ensemble, et cette union était notre force.
Je n’avais plus de place pour les doutes. Il fallait que je sois prête. Prête à affronter ce qui allait arriver, prête à tout encaisser. Le silence pesait lourdement dans la pièce, presque palpable. Il semblait à la fois une bénédiction et une malédiction, un vide oppressant où chaque bruit amplifiait l’intensité de la menace flottant dans l’air.
Le calme avant la tempête ?
Annotations