Prologue et Chapitre 1

15 minutes de lecture

« Quand l’oiseau tombe à pic, les soucis s’envolent et le doute ne plane plus. »

Khung

(région du Phu Nam, 12 278 av JC)




PROLOGUE


La fenêtre, grande ouverte sur la torpeur citadine du mois d’août, invite à la liberté. Il grimpe sur le rebord ; la nuit est claire d’une lune pleine.

Sur le toit, en face, des matous libertins grimpent sur leurs congénères ; il est clair que l’une d’elles sera pleine aussi.

La journée a été chaude. À présent, un petit vent frais pénètre la lourdeur nocturne en faisant frémir le feuillage des peupliers. C’est un bon moment pour partir…

Les chats, eux, sont déjà partis.

Il s’élance.





I

« Telle éprise qui croyait éprendre »

(C. Ionnett)



̶ Je tombe… Quelle sensation géniale : un mélange de sentiments de liberté, d’absolu, de peur !… Je crie !… Je vois le sol arriver sur moi !… Je ralentis et, d’un seul coup, je repars dans l’autre sens... Je fais encore le yoyo pendant quelques secondes et puis ça s’arrête et on me remonte… Voilà ce que j’ai ressenti lors de mon premier saut… L’élastique c’est fantastique !

̶ Ben moi, ça a été un peu pareil : un mélange de sentiments de liberté, d’absolu, de peur aussi ; j’ai vu le ciel arriver ; j’ai poussé un cri… Il a ralenti, s’est arrêté et, après quelques dizaines de minutes, il m’a remontée.

̶ Tu… as aussi fait du saut à l’élastique ?

̶ Non, un grand saut avec Gilles !

̶ Ah ouais, je vois ! Ben dis donc, ça à l’air d’être une affaire, ce gars-là ! Mais… pourquoi tu parles d’un sentiment de peur ?

̶ On a fait ça dans un pré, à la lisière d’une forêt, et je craignais à tout moment que des promeneurs nous surprennent, explique Mylène en buvant une gorgée de café.

Marie goûte sa verveine-menthe et reprend :

̶ Au fait, j’y pense : la dernière fois, tu m’as dit que ton mec s’appelait Jules, il me semble… et là, tu viens de dire « Gilles », non ?

̶ Ben, la dernière fois qu’on s’est vues, c’était il y a un mois et demi… Deux jours après, j’ai plaqué Jules et, deux semaines plus tard, j’ai rencontré Gilles dont je viens de te parler… 1 m 85, yeux verts…et que je fréquente toujours !

̶ Ah OK ! Et… Gilles comment ? demande Marie avec un brin de soupçon dans la voix.

̶ Héparbal.

̶ Hein !? s’exclame Marie.

̶ Héparbal j’ai dit ! répète Mylène, étonnée.

̶ Un blond aux yeux verts ?

̶ Oui ! Quoi de spécial ?

̶ C’est mon ex !

̶ Ton ex ?

̶ Oui ! Je l’ai rencontré il y a trois semaines.

̶ Et c’est bien fini entre vous ? veut se rassurer Mylène

̶ Oh que oui, gaufre d’ami !

̶ Depuis quand ?

̶ Depuis maintenant. Juste le temps de prendre mon portable pour le prévenir, dit Marie en s’exécutant.

Mylène, qui vient de comprendre tout en avalant une autre gorgée de café, manque de s’étouffer.

̶ Tu me le passes tout de suite après, que j’en fasse autant ; ça lui fera deux ex d’un coup. L’enfoiré.

Bip, bip… numéro abrégé… Ange passe…

̶ S’il y a des mots, qui t’ont fait pleurer, mon ange…

̶ Ça, c’est le mien, dit Mylène en cherchant son téléphone au fond de son sac.

̶ Ah non ! Le répondeur encore ! Comme d’habitude ! Je parie qu’il est là et ne décroche pas, s’énerve Marie ; toi, mon vieux, marre-toi, mais t’auras de mes nouvelles en live !

Et, rouge, elle range rageusement son mobile en poche. À cet instant, Mylène fait signe à Marie et lui lance presque en chuchotant : c’est Gilles ! Puis elle retire son index du trou qu’elle avait bouché pour que son correspondant n’entende rien.

̶ Oui, Gilles ? … Oui…Non… Euh, oui… Attends… Marie ! Il veut te parler dit Mylène en tendant l’appareil à sa copine, l’air blême et de tomber de haut.

̶ Gilles ?…. Oui… Non… Rêve toujours, connard, t’as intérêt à ne plus croiser mon chemin… T’es trop salaud…Hein ? Qui c’est, cette Samira ?

Sans attendre de réponse, Marie écrase du pouce le bouton où figure un petit téléphone rouge qui n’a aucun rapport avec un combiné donnant accès à une ligne sous haute sécurité mais qui sert à couper la communication. Elle se tourne vers Mylène :

̶ Tu sais ce qu’il vient de me dire ?

̶ Je suppose la même chose qu’à moi : il te plaque…

̶ Ouais ! Tout à fait… S’il te plait, une bière ! lance Marie au serveur qui repasse. Ça va me calmer… Au fait, tu connais une Samira, toi, Mylène ?

̶ Non… Pourquoi ?

̶ Il m’a demandé de la lui passer… Bon, on s’en fout. En tous cas, toi, t’as l’air calme ! Ça t’énerve pas tout ça ?

̶ Ecoute, je crois que je n’ai pas encore bien réalisé. Il m’a coupé le sifflet, là, dit-elle en voulant reprendre une gorgée de café.

Mais la tasse est vide. Evidemment, à force de boire…

̶ Excuse-moi de t’avoir fait attendre un peu, je voulais finir le tablier que je repassais dit le serveur en apportant la bière à Marie. J’en profite, comme il n’y a pas beaucoup de clients…

̶ C’est pas grave, Ange. Apporte donc encore un café pour Mylène s’il te plait.

̶ Tu le connais ?

̶ Qui, Ange ? Oui. Tu sais, quand j’allais au lycée, je venais régulièrement dans ce café boire un pot avec les potes, et il bossait déjà ici. C’est un garçon sympa.

̶ Le café pour Mylène… dit Ange en posant la tasse avec un sourire que l’intéressée lui rend d’ailleurs immédiatement. Moi c’est Ange… continue-t-il. Peut-être pas un ange, mais Ange tout de même.

̶ Au collège, j’avais un camarade de classe qui s’appelait Ange, Ange Oliver.

̶ Moi c’est Lure.

̶ De Lure ?

̶ Non, Lure tout simplement, je ne suis pas noble… Ange Lure, voilà.

̶ Je voulais demander : de la ville de Lure.

̶ Non d’Issy… Et vous ?

̶ D’ici aussi.

̶ Mais votre nom ?

̶ Mylène… Mylène Micoton.

̶ Dis, Ange, je t’aime bien, mais tu veux bien draguer ma copine une autre fois, s’il te plait ? intervient Marie toujours énervée.

̶ Excusez-moi. Je m’en vais… À tout à l’heure !

̶ Vous êtes Marie et Mylène ? demande une jeune fille qui s’est approchée de la table.

̶ Oui.

̶ Je m’appelle Samira. Mon ami m’a donné rendez-vous ici et m’a dit qu’en l’attendant je devais faire connaissance avec vous. Il m’a expliqué qu’il cherchait à retrouver l’ensemble de ses camarades de lycée pour organiser je ne sais trop quelle fête... Alors comme ça, vous étiez en classe avec lui ? demande la nouvelle arrivée en s’asseyant.

̶ Pardon, mais qui est votre ami ?

̶ Gilles…

̶ Ah ! C’est vous, Samira.

̶ Oui, Samira Comungan, c’est moi. Il vous a déjà parlé de moi ?

̶ Pour ainsi dire… On l’a eu au téléphone y a cinq minutes, l’enfoiré ! répond Mylène.

̶ Et ni comme ça ni autrement on n’a été en classe avec ce con ! enchaîne Marie.

̶ Ben alors, vous êtes trop, toutes les deux ! Qu’est-ce qu’il vous a fait ?

̶ Il nous a fait presque la même chose qu’à toi…

̶ Je ne comprends pas…

̶ Todas las promesas de mi amor se irán contigo…

̶ Excusez-moi, c’est mon portable.

Samira prend la communication.

̶ Oui ? Gilles ! tu v… ? Quoi ? Oh non ! c’est pas possible que tu me fasses ça !

Samira fond en larmes. Marie lâche :

̶ Finalement, il nous en a fait autant qu’à toi…

Mais revenons quelques instants en arrière et rendons-nous, sans être cernés, chez Gilles qui, lui, est concerné. Il a de la visite. Il regarde par la fenêtre qu’il avait ouverte hier soir sur la moiteur citadine du mois d’août pour laisser entrer autant que possible un peu d’air frais. Il jette un œil sur le muret d’en face…Pas un chat. D’habitude, celui des voisins y fait sa sieste. Ou autre chose selon l’époque. Mais la chaleur actuelle l’en a certainement dissuadé. De toutes façons il s’en fout. Et moi aussi.

La mélodie du téléphone se fait entendre. Gilles laisse le répondeur se mettre en fonction. L’interlocutrice (nous, nous savons qui c’est) raccroche.

̶ Je t’avais dit que je plaquerai mon amie pour toi et je vais le faire comme promis, dès maintenant, commence Gilles en prenant son appareil.

̶ Allô, Mylène ? C’est Gilles… Mylène, tu as dû apprendre que tu n’es pas la seule personne dans ma vie… Tu conviendras que cette situation ne peut pas durer. Voilà pourquoi je pense qu’il est préférable d’arrêter notre relation là et de rester simplement amis, si tu n’es pas trop fâchée… Bon, tu me passes Marie, s’il te plait ?

Dans l’intervalle, Gilles s’adresse à son visiteur :

̶ En fait, il faut que je t’avoue que j’ai encore une autre fréquentation, elle s’appelle Marie mais je vais aussi la…

̶ Allô, Marie ? Tu as dû apprendre que tu n’es pas la seule personne dans ma vie… Tu conviendras que cette situation ne peut pas durer. C’est pourquoi, je pense qu’il est préférable qu’on en reste là et simplement amis, si tu n’es pas trop fâchée… Bon, tu me passes Samira, s’il te plait !

̶ Elle a coupé… indique Gilles a la personne qui lui rend visite et qu’on ne connaît toujours pas.

̶ Samira aussi ? demande cette personne.

̶ Euh… oui… tu vois, je l’ai rencontrée il y a peu ; on a eu une aventure et, depuis, elle veut me présenter à sa famille et parle mariage… Et ça, c’est vraiment pas mon truc. Quand Marie m’a appris, hier soir, qu’elle et Mylène devaient se voir aujourd’hui à leur café habituel, j’ai donné rendez-vous à Samira et lui ai dit de faire connaissance en m’attendant. C’était presque inévitable qu’elles se rendent compte qu’elles avaient le même mec, ce serait alors plus facile pour les plaquer.

̶ Parce que Marie et Mylène ne savaient pas qu’elles t’avaient en commun ?

̶ Non ! Moi-même au départ je ne savais pas qu’elles se connaissaient. Je l’ai appris hier soir par Marie et je me suis assuré qu’il s’agissait bien de la même Mylène en l’appelant ce matin.

̶ Marie, Mylène et Samira ! Ben, dis donc…

̶ Oui M-M-S : une le mardi, l’autre le mercredi, la troisième le samedi. Ou selon le cas, matin, midi et soir. J’adaptais les rendez-vous aux initiales pour éviter les erreurs… J’appelle Samira tout de suite…

Gilles appuie sur dix touches. Car il n’a pas encore effectué l’enregistrement du numéro de sa dernière conquête dans son répertoire qui lui permettrait l’utilisation d’un raccourci. La communication établie, il ressort sans dynamisme son discours : « Samira, tu as dû apprendre que n’es pas la seule personne dans ma vie… Tu conviendras que cette situation ne peut pas durer. C’est pourquoi, je pense qu’il est préférable qu’on reste simplement amis … Voilà… Ben si, c’est comme ça, désolé…Salut… »

̶ Mais t’es un beau tordu, toi s’exclame le visiteur ! Puisque c’est comme ça, tu comprendras que je préfère que notre relation en reste là. Hétéro bizarre, tu restera bizarre, même homo. Dommage, autrement, tu me plaisais bien…Salut Gilles !

À l’instar de l’homme, quittons cet individu peu fréquentable pour retourner auprès du trio MMS en train d’épiloguer sur l’événement de l’après-midi dans une conversation tour à tour vive où les éclats de colère rivalisent avec les souhaits de vengeance et plus calme où se dessinent des mines de déprime. Mais ne dressons pas indiscrètement l’oreille – cela ne présente pas d’intérêt particulier – et attendons plutôt que les choses évoluent. Par ailleurs, ce n’est pas donné à tout le monde de dresser l’oreille, encore faut-il pouvoir la faire bouger sans les mains… Ou faut-il l’avoir sauvage et chercher à la dompter à coups de claques. C’est vraisemblablement pour cela que l’on peut rencontrer des gens au teint blanc et aux oreilles rouges : ils sortent d’une séance de dressage. En outre, pourquoi s’échiner à vouloir dresser l’oreille alors que nous possédons d’autres choses qui se dressent d’elles-mêmes, sans effort, de façon plus ou moins remarquable certes, mais pour notre plus grand plaisir ?

Laissons donc nos feuilles en paix et asseyons-nous à une table un peu plus loin… Si vous êtes chez vous, allez vous servir quelque chose à boire, par exemple. Si vous vous trouvez sur votre lieu de travail, il doit bien y avoir un distributeur dans la salle de pause ou a proximité. Si vous prenez l’air sur un banc public, reposez vos yeux un instant et regardez autour de vous ; on loupe quelques fois bien des choses quand on reste plongé dans sa lecture sans lever le nez (à défaut de dresser l’oreille) : quelqu’un est peut-être en train de vous observer depuis quelques minutes avec l’espoir que vous alliez remarquer son regard ébloui derrière ses lunettes de soleil… Là-bas, une petite vieille nourrit de mie deux pigeons qui roucoulent ; plus loin, une autre pourrit la vie à deux tourtereaux qui batifolent. Un ado passe devant la poubelle et jette sa boite de soda à côté en signe de protestation envers cette société mal foutue dans laquelle il est obligé de vivre mais dans laquelle il s’intégrera quand il sera adulte car il devra se débrouiller pour nourrir sa famille avec autre chose que de la mie de hamburger, surtout après avoir batifolé. Et un gamin arrive, qui donne un coup de pied dans la canette, effrayant au passage les pigeons qui s’envolent, provoquant l’ire de la petite vieille soutenue dans ses vociférations par la deuxième, elle aussi aguerrie aux vocalises coléreuses...

Ah ! Voilà du neuf :

̶ Bon, moi, je vais aller dépenser des sous pour me consoler dit Samira en se levant.

̶ Donne-nous ton numéro de portable, on pourrait s’appeler à l’occasion, maintenant qu’on a fait connaissance…

Elles s’échangent leurs numéros sans en changer pour autant et Samira s’en va faire de soulageantes emplettes.

̶ Et nous, qu’est-ce qu’on fait ?

Marie n’en sait trop rien :

̶ Bof, on va chez moi et on verra… Ange, on te doit combien ?

̶ 3 cafés, 1 infusion et 1 bière, ça fait 7.10 €.

Il prend le billet de 10 et va chercher la monnaie. En revenant, il regarde Mylène :

̶ J’espère que vous reviendrez bientôt !

Les filles se lèvent. En sortant du café, Marie arbore un sourire taquin :

̶ On dirait qu’il t’a à l’œil, hein ?

̶ Arrête ! En plus je viens à peine de finir avec Gilles…

̶ Ben, justement, t’es libre ! Et ça te changera les idées !

̶ Et, question… câlins, il est comment ?

̶ Ben, j’en sais rien ! Pourquoi tu me demandes ?

̶ On ne sait jamais ! Depuis le temps que tu le connais… insinue Mylène en regardant sa copine d’un oeil coquin.

̶ Oui, oh, bon, une fois, quoi, on a failli…

̶ Ah, tu vois !

̶ J’ai dit : « On a failli » !

̶ Raconte !

̶ Non…C’était juste une amourette d’adolescents… J’étais en terminale et, pendant les heures creuses, j’allais au café comme je te l’ai déjà dit. À force, Ange et moi on a sympathisé et on a fini par sortir ensemble. Au bout de deux semaines, une après midi, il m’a proposé d’aller chez lui après mes cours. Je me doutais un peu pourquoi mais je me suis dit, après tout, il fallait bien que ça arrive un de ces quatre, alors autant que ce soit avec lui ; il était gentil, sympa, pas mal…

̶ Et alors ? s’impatiente Mylène

̶ On était à peine dans les bras l’un de l’autre qu’on a entendu la porte d’entrée ; c’était sa sœur qui rentrait plus tôt que prévu. On en est resté là…

̶ Et vous n’avez plus eu d’autre occasion ?

̶ C’était début juin, j’avais mon bac à préparer et j’ai voulu consacrer mon temps à ça. Du coup on ne s’est presque plus vu. Ensuite, il est parti en vacances avec des copains, c’était prévu depuis avant qu’on ne sorte ensemble. À la rentrée on s’est revus mais l’attirance s’était dissipée, on est resté potes en allant chacun son chemin.

C’est justement le bout du chemin pour les deux copines qui viennent d’arriver devant l’immeuble de Marie. Une dame âgée est en train de farfouiller dans son sac. Marie et Mylène la saluent :

̶ Bonjour Madame Uhl !

̶ Ah ! Bonjour ma petite Marie… Bonjour mademoiselle… Je reviens du parc et je n’arrive pas à mettre la main sur mes clés. Je les ai sûrement de nouveau oubliées en haut. J’espère qu’elles sont sur la porte de mon appartement et pas sur le guéridon à l’intérieur…

̶ J’ai les miennes. Attendez, je vais ouvrir.

Elles entrent et prennent l’escalier. Madame Uhl se plaint :

̶ Oh ! Mes vieilles jambes ont de plus en plus de mal à me porter. En plus, avec la chaleur qu’il fait ces jours-ci... Ils ont pourtant annoncé de la pluie pour aujourd’hui… Si ça continue, je ne pourrai bientôt plus monter chez moi ! C’est pas comme le jeune homme qui est venu chez vous hier soir : lui, il a monté les marches deux par deux. Il faut vous dire que j’étais justement sur le palier quand il est arrivé et a sonné chez vous. C’est votre petit ami ?

̶ Euh… non. C’est un cousin … éloigné !

̶ Ah ! Il habite loin ! C’est pour cela qu’il a passé la nuit chez vous… Il faut vous dire que j’étais justement dans l’escalier quand il est parti ce matin à 7 h 30.

̶ Oui… Je l’ai hébergé pour qu’il n’ait pas besoin d’aller à l’hôtel.

̶ Vous avez raison : il faut s’entraider dans la famille. Surtout qu’il vous a donné un coup de main en faisant quelques travaux de bricolage !

Marie est estomaquée :

̶ Pardon ?

̶ Oui, j’ai entendu des bruits de déplacement de meubles et des coups répétés « boum boum boum… » J’ai pensé qu’il réparait quelque chose…

̶ C’est ça, c’est ça… Ah ! Vos clés sont sur la serrure. Au revoir !

Marie prend le bras de Mylène qui s’est retournée, au bord de l’éclatement de rire et l’entraîne pour monter les dernières marches jusqu’à l’étage au-dessus où elle habite. À peine ont elles franchi le seuil et refermé la porte que Mylène se lâche. Marie, d’abord un peu vexée se met aussi finalement à rire.

̶ Mais quelle curieuse ! commente Mylène entre deux accès.

̶ Sacrée curieuse, ouais, et râleuse aussi ! Heureusement, elle nous a épargné sa litanie de plaintes contre les voisins X et Y, les enfants qui lui font fuir ses pigeons adorés etc… Au fait ! Tu sais que c’est la grand-mère de ton ex ?

̶ Quoi ? Gilles ?

̶ Mais non ! Jules !

Mylène se calme.

̶ Tu déconnes ?

̶ Non, j’ai vu Jules un coup aller chez elle, mais je ne me suis pas montrée. En rentrant, le soir, elle m’a dit de nouveau plein de trucs et aussi qu’elle avait eu la visite de son petit-fils.

̶ Et comment que ça se fait que tu aies reconnu Jules ?

̶ La dernière fois qu’on s’est vu, en fin de journée, tu avais rendez-vous avec lui, tu te souviens ? Il est venu te prendre en voiture, c’est là que j’ai pu voir son visage.

̶ C’est vrai qu’il m’avait dit, un jour, qu’il devait aller voir sa grand-mère Jeanne mais je croyais que c’était une excuse pour faire autre chose…

Un silence. Elles se servent un verre d’eau. Mylène a complètement repris ses esprits qu’elle n’avait d’ailleurs pas donnés et demande, taquine, à sa copine :

̶ Alors, comme ça, tu as encore fais « boum boum boum » avec Gilles, hier soir ?

̶ Ben oui, tu t’en doutes, non ? De toutes façons, je ne savais pas encore à ce moment-là ce que je sais maintenant.

̶ Ben oui, c’est sûr…. Et, comment …

Marie la coupe :

̶ Mais j’ai pas envie de rentrer dans le jeu des comparaisons, alors on en reste là, hein ?

̶ Oui, c’est ça, parlons d’autre chose. De toutes façons, je n’étais pas amoureuse de lui ; il m’avait séduite physiquement et par son côté un peu excentrique…

̶ Moi pareil. Je pensais aussi que ça n’allait pas durer… D’ailleurs il ne nous aurait pas plaquées aujourd’hui, je l’aurai certainement fait bientôt... dit Marie peu convaincante.

Un autre silence. Elle reprend :

̶ Camille m’a appelée ce matin ; tu sais ce qui lui est arrivé, hier ?

̶ À ton frère ?

̶ Ben oui, à mon frère… Il a trouvé une perruche rouge posée sur le frigo !

̶ Et qui l’avait mise là ?

̶ Personne ! Elle est arrivée toute seule !

̶ Mais c’est une vraie perruche ?

̶ Evidemment !

̶ Mais les perruches rouges ça n’existe pas, il me semble !

̶ Ben faut croire que si !

Mylène a l’air abasourdi.

̶ Je connaissais les flamands rouges…

Marie a l’air absent.

̶ Lui c’est un wallon vert…

Le temps a l’air de changer.

̶ Marie ?

̶ Oui ?

̶ Tu parles de l’écolo belge, là…

̶ De Gilles… Oui, bon, je sais, on a dit qu’on n’en parlait plus…

̶ En définitive, ton histoire de perruche, c’est vrai ou c’est un délire ?

̶ Non, c’est vrai, juré !

̶ Et qu’est-ce qu’il compte faire, ton frère, avec ce drôle d’oiseau ?

̶ J’en sais rien. Je suppose que s’il ne repart pas, il va le garder.

- On a dark desert highway

Marie va chercher son portable.

̶ Ben tiens ! Quand on parle du loup… Oui, Camille ? Mmh, c’est tentant, mais… Justement, oui, c’est bien aujourd’hui et elle est là…. Attends, je vois ça.

Elle regarde Mylène et lui demande :

̶ Mon frère nous invite à manger des nems, ça te dit ?

̶ Excellent ! Je veux bien ! En plus, ils sont trop bons ceux qu’il fait… Et ça me permettra de voir la fameuse perruche !

̶ OK, Camille ! Vers 7 heures ce soir ? Ça marche ! termine Marie en se rapprochant de la fenêtre pour la fermer car un orage s’annonce. Oh zut !… On aurait pu aller à pied ; maintenant il se met à pisser, c’est trop con.

̶ Oh, ne râle pas comme ça ; ça fait du bien, un peu de fraîcheur !…

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