Le détective souleva les voiles qui masquaient le corps de la femme d’un air impassible.

La nudité morbide de Madame Sullyvan frappa les yeux de Jack. De longs cheveux roux bouclés arpentait la peau blafarde de la jeune femme. Son visage juvénile à l’air innocent faisait penser qu’elle était simplement endormie dans un profond sommeil.

Jack Goldhand fut confus devant l’air innocent de Madame Sullyvan. Elle semblait trop pure pour la crasseuse ville de Saltship. Le détective pestait contre la cité, plongeant la minime beauté subsistante de ses habitants dans les ténèbres. Il soupira avant de s’approcher du corps pour l’ausculter.

De son bras mécanique, Goldhand examina le cou de la victime, parsemé de traces d’étranglement profonds. Comme si l’on avait entouré la gorge de la victime d’une corde. Le buste de la jeune rousse était marqué de bleus et de griffures nettes. Ses genoux était parsemée de cicatrices récentes. La femme semblait avoir été traîné au sol, indiqué par les ongles écrasés. Elle avait sans doute rampé au sol pour tenter de fuir l’emprise de son agresseur.

Pour finir, Jack compris que le présumée meurtre avait du survenir il y a quelques jours, par l’état encore frais du corps de Madame Sullyvan. Avec les faibles moyens d’auscultation qu’il avait à disposition, il ne put conclure si la victime avait été violée.

Notre ami détective, finit par s’éloigner de quelques mètres de la victime pour sortir son carnet doré. Il sortit son crayon marqué des initiales « M.S ».

Jack pensait à un meurtre d’un pervers ou d’un marin ivrogne car le corps avait été trouvé près du port. Il penchait donc pour un meurtre mais quelques blessures clochaient. En effet, les traces d’étranglement semblaient profondes, comme si le tueur possédait une force impressionnante. De plus, la victime avait vraisemblablement été trainé, ce qui envisageait une puissance musculaire face aux débattements de Madame Sullyvan, marqués par les ongles cassés.

Puis, Goldhand décida que l’auscultation attentive était terminée. Il passerait le lendemain chez Donald Sullyvan pour en savoir plus. Pour le moment, ce meurtre lui semblait sans histoire, seulement perpétué par un psychopathe du coin.

Ensuite, le détective décida de recouvrir rapidement le corps avant de quitter la petite cabane branlante. Désabusé par la morosité de la ville de Saltship. Il fixa quelques instants le fleuve de la Vapeur Bleue, en disposant un cure-dent à ses lèvres. Malgré son amour pour cette ville, la violence permanente qui parsemait Saltship agaçait Jack. Mais il le savait, ses efforts minimes pour aider les pauvres âmes de la cité comptaient. Cela lui avait même apporté quelques soucis, marqué au fer rouge dans sa mémoire.

Alors qu’il rêvassait face au vent, Goldhand entendit des pas derrière lui. Le détective tourna la tête tranquillement avant d’être touché d’être violemment touché au visage. Il chuta à terre, sonné par la vivacité du coup.

-Salut Goldhand ! s'exclama une voix. Encore en train de fouiner ?

Jack se leva difficilement, une trace vive sur la joue, avant d'apercevoir son agresseur. Le détective aperçut trois membres du cartel de la Pieuvre Rouge, le groupe organisé qui dirigeait le quartier Pourpre. Ils étaient impliqués dans un bon nombre de trafic de drogue, d’armes mécaniques et de prostitution. Ils portaient tous les trois des signes distinctifs du cartel, un tatouage d’une pieuvre sur le bras, mais aussi un veston pourpre décoré par l’icône d’une pieuvre aux tentacules entrelacés.

L’homme qui avait frappé Jack était l’un des membres les plus importants de la mafia pourpre et le détective au manteau mauve le connaissait bien.

-Simon Godfin, commença Goldhand, nous ne sommes pas dans le quartier Pourpre.

-C’est à dix minutes ! C’est comme mon jardin ici, enfin, celui du boss. Tu n’es pas autorisé à te balader par ici, mon grand !

Godfin était l’une des pires crapules du quartier Pourpre. C’était le bras droit de Sir John Sawyer Dustin, le dirigeant du cartel de la Pieuvre Rouge. Simon était un trentenaire tout à fait charmant à première vue, mais ses manières exagérées dissimulaient un monstre sans pitié. Contrairement aux autres hommes du cartel de la Pieuvre Rouge, il portait une tenue teintée de dorure et de soie. En effet, Simon Godfin adorait la mode et tenait à connaître les dernières nouveautés d’accoutrement de l’Ouest de Saltship. Il portait des cheveux coiffés avec soin en arrière ainsi qu’une une barbichette brune taillée parfaitement. Il était reconnu pour jouer avec ses victimes et surtout avec les femmes qu’il trompait avec ses avances rassurantes.

De plus, les forces de l’ordre craignaient l’influence de la mafia rouge alors Simon ne risquait que très peu de sentence face à ses méfaits. Ses expressions faciales, la plupart du temps avenantes, cachaient un être imprévisible et psychopathe.

-Allez ! Pour cette fois c’est bon, mais la prochaine fois, on te coupe l’autre bras Goldhand, ricana Simon en pointant son doigt ganté vers le détective.

Les trois hommes s’en allèrent en ricanant devant le regard hargneux de Jack. Une fraction de seconde, Goldhand porta sa main vers la poche intérieure de son manteau avant de se raviser. Il resta un moment face au mouvement du fleuve, scrutant les nuages grisonnants de l’horizon pour calmer ses envies.