12. Bar à nanas
Clémentine
Je m’observe dans le miroir et souris à mon reflet. Ok, ce soir, je me trouve jolie. Ça ne fait pas de mal, et je ne vais pas m’en plaindre.
— La vache, t’es canon ! s’extasie Mathilde derrière moi. Qu’est-ce que j’aimerais avoir tes formes.
— C’est ça, dis-je en levant les yeux au ciel. La nana parfaite qui veut des bourrelets, la bonne blague.
— Je suis sérieuse, Clem, faut que tu arrêtes avec ça à un moment. T’as déjà eu du mal à lever un mec ? Observe autour de toi un peu. Non, tu n’es pas mince, mais tu es belle et sensuelle, attirante et joyeuse. Les mecs adorent ça. Faut vraiment que tu arrêtes de m’envier mon trente-six, je te jure !
— Dit la nana qui a toujours une file d’hommes à ses pieds.
— Qu’est-ce que t’es chiante, s’agace-t-elle.
Je suis vraiment dans une phase compliquée, ces derniers temps. Elle n’a pas tout à fait tort, sur le fond. J’ai une vie sexuelle épanouie. Enfin, j’avais, avant le restaurant, et j’attire les regards de certains hommes. Je peux plaire, mais il me manque ce petit soupçon de confiance en ce moment, le petit truc qui fait tout et me permet de m’assumer pleinement.
Sortir avec Mathilde et les filles n’est pas forcément le bon plan. Allez savoir pourquoi, mon groupe de copines est un filet de pêche à taille humaine. Les poissons mordent à l’hameçon sans problème, et je suis la bouboule du lot. Enfin, la nana voluptueuse, quoi. Mathilde, dans sa petite robe rouge moulante, est encore à tomber et elle trouvera sans problème un gentleman prêt à tirer son coup ce soir. Moi, j’adore cette robe bleu pastel que je porte, mais ce soir je me sens moins à l’aise qu’il y a quelques mois, quand je la portais dans le sud. Pourtant, le décolleté est à la fois sage et attire l'œil, mes jambes musclées par les journées en cuisine et encore halées sont bien mises en valeurs et le dos en dentelle est tentateur. Je le sais, il faut que je me mette dans le bon état d’esprit, c’est tout.
Je récupère ma veste et glisse ma carte bleue dans mon soutien-gorge avant de descendre au restaurant qui a retrouvé ses lumières et ses pianos fonctionnels. Ce soir, c’est mon premier soir de liberté. Enfin, après le service. Dès la dernière commande de salé terminée, j’ai filé à la douche et me suis préparée pour sortir. Paul me dit depuis des semaines que je devrais prendre l’air, voir du pays et profiter un peu, sous peine de finir en burn-out. Et il a raison, rien que l’idée de sortir m’a redonné un peu d’énergie. Bon, je sais que demain va piquer, mais j’ai besoin de voir mes amies, ça devient vital pour ma santé mentale.
Les derniers clients sont en train de terminer leur plat principal, et un brin de fierté me prend aux tripes en voyant les assiettes presque vides. Je vais y arriver, je bosse pour et m’améliore chaque jour.
— Vous m’appelez si besoin, dis-je à Sonia et Alexei, en train de débarrasser une table.
— Amuse-toi bien, me répond une Sonia souriante alors que je note qu'Alexei me reluque mais ne dit rien.
— Merci, je compte bien en profiter. Mais n’hésitez pas s’il y a un problème. Je préfère écourter ma soirée plutôt que de découvrir encore une malchance demain alors que j’aurai la tête embrumée.
— T'inquiète donc pas. On gère. Regarde comme Alexei travaille bien !
Je le vois en effet se concentrer sur le nettoyage de la table. J'ai l'impression que ma petite sortie n'est pas à son goût. Tant pis pour Thor, ce soir, je vais m'amuser !
— Allez, ça suffit de faire ta mère poule, intervient Mathilde en débarquant. On y va ! Alexei, le bar c’est l’Ancre, en bout de la rue principale ! Tu es le bienvenu ! Sonia aussi, mais j’imagine que ton mari t’attend à la maison.
J’ouvre grand les yeux en regardant Matou. Elle n’a pas fait ça ? Je lui ai dit que je ne voulais pas mélanger le boulot et le perso, et elle, elle s’empresse d’inviter mes employés à nous rejoindre au bar ?
— C'est noté Mathilde. Réserve-moi une danse… ou plusieurs !
— Compte sur moi, beau blond ! minaude-t-elle alors que je la tire vers l’extérieur, doublement contrariée.
La soirée promet d’être bien moins sympathique que prévu. Bordel de dieu, je vais la trucider après l’avoir longuement fait souffrir. Nous descendons la ruelle en silence, nous faisant siffler par un petit groupe de mecs sur le trottoir d’en face. Enfin, nous, ou elle, je n’en sais rien, et j’ai l’esprit trop encombré pour y réfléchir. Je m’en fous. Elle a invité Alexei, et lui la drague tranquillement alors qu’il y a trois jours, il me disait qu’il préférait mon corps au sien. Bien. Tant mieux, non ? C’était le plan initial, la pousser dans ses bras. Alors, pourquoi ça m’ennuie tellement ?
Sarah nous saute dessus à peine arrivées devant le bar, et les retrouvailles sont chaleureuses et font un bien fou. Nous nous installons sur une banquette en papotant déjà, Matou en tête de file, inarrêtable quand Sarah et Noémie sont plus discrètes. Même moi, je ne parle pas autant qu’elle.
Les cocktails s’enchaînent plus ou moins rapidement selon les personnes, nous rions beaucoup et je me détends petit à petit, profitant de cette soirée comme il se doit, jusqu’à ce que Mathilde lance le sujet de mon voisin.
— Oh les filles, vous verriez le serveur que Clem a engagé ! Un seul regard et vous êtes bonnes pour changer de culotte, je vous le garantis !
— Oh, elles vont avoir l’occasion de vérifier tes dires, puisque tu l’as invité, bougonné-je.
— Il faut bien qu'il s'amuse un peu, ton petit Thor. Il y en aura bien une d'entre nous qui finira la nuit dans les bras du beau gosse vu que tu n'es pas intéressée, toi !
— C’est mon employé, bon sang, mon père me tuerait de ne serait-ce que penser à le mettre dans mon lit.
— Pourquoi ? Il te plaît finalement ? Moi, j'adore ses tatouages sur ses muscles. J'ai trop envie de le lécher et le laisser me prendre comme il veut. Je vous jure, les filles, il est trop sexy ! continue Matou déjà bien libérée par l'alcool ingurgité.
— Tu devrais enlever ta culotte avant qu’elle soit fichue, soupiré-je avant de boire une gorgée de mon Mojito.
— Je n'en ai pas mis ! Tu me connais ! Tu nous le laisses alors ? Tu peux profiter du beau brun là-bas. Il te dévore du regard depuis dix minutes au moins !
— Ah oui ? dis-je en jetant un coup d'œil que j’espère discret en direction du bar. C’est quoi cette question ? Je vous laisse qui, Alexei ? Il ne m’appartient pas, à ce que je sache.
— Vu comme tu le mates, je préfère demander. On pique pas le plan de sa meilleure pote !
— Y a pas de mal à faire plaisir à ses yeux, ça ne veut pas dire que je pose un véto sur lui.
Même si, honnêtement, je le ferais bien, juste pour qu'aucune d'elles ne l'approche. Non, je n'en pince pas pour lui, mais c'est mon serveur et mon voisin, et ça m'ennuierait qu'il sorte avec une de mes copines.
— Super ! Les filles, que la plus coquine gagne ! Je suis sûre en plus que c'est un dieu du sexe ! Vivement qu'il rapplique !
— On peut tenter notre chance ? Tu ne mets pas de véto, Matou ? Tu as l'air bien intéressé, lui demande Noémie.
— Tentez ! Mais c'est mon petit minou tout mouillé que le beau blond va dévorer ce soir !
Les filles gloussent alors que, personnellement, je n'ai aucune envie de rire. Fait chier, cette situation, vraiment. Le beau brun me lance un sourire en voyant que je l'observe et je me dis qu'il vaudrait peut-être le coup de tenter ma chance. Depuis mon retour en Normandie, je n'ai partagé mon lit avec aucun homme. Les orgasmes en solo, c'est bien, mais les attentions d'un homme, ses mains, sa bouche et tout ce qui va avec, c'est quand même plus sympathique.
Mon regard est happé par une silhouette à l'entrée du bar. Merde, Alexei est arrivé et j'hésite entre fuir et rester pour observer les filles et voir comme elles vont se battre pour finir dans son lit. Finie la soirée filles, c'est une Corrida qui va s'engager… Et le taureau n'est autre que cet homme magnifique qui approche, dans une petite chemise grise qui contraste avec le clair de sa peau. En voyant son jean foncé ajusté, je me dis que le dos doit être bien agréable à regarder, lui aussi. Enfin, l'envers, entendons-nous bien, qui inclut son dos musclé mais aussi ce derrière délicieusement bombé.
Mathilde se lève et lui fait de grands signes, attirant le regard de la moitié du bar sur elle. La robe rouge va à merveille avec l'image du toréador qui agite sa muleta, sauf qu'elle, elle agite tout son sublime corps sous les yeux d'un Alexei qui avance en prenant le temps de détailler également mes deux autres amies. Je soupire en buvant à nouveau une gorgée. Je crois que, finalement, je préfère finir à la limite du coma éthylique que de voir le petit manège qui va être mis en place par les filles.
— Bonsoir, Mesdemoiselles, nous dit un Alexei souriant de sa voix la plus suave.
— Mesdames, on n’a plus douze ans, tu sais, bougonné-je en m’enfonçant dans la banquette.
— Madame ma patronne, dit-il en insistant sur le Madame, tu sembles ravie de me voir. Ça fait plaisir. Mathilde, tu es superbe. Et vous, Mesdemoiselles, ravi de vous rencontrer. Je suis Alexei, mais vous l’aviez deviné, je suppose.
Oh bordel, c’est quoi ce sourire séducteur à deux balles ? Ça y est, je suis sûre que les filles sont de vraies fontaines. Noémie glousse comme une dinde et Sarah se décale pour faire une place à Thor sur la banquette, alors que la serveuse approche avec un sourire en coin sans lâcher des yeux mon serveur. Nom de… Faut-il vraiment qu’elles soient toutes en adoration comme ça ? C’est complètement ridicule !
— Je te présente Sarah et Noémie, dis-je de ma voix la plus naturelle possible. Ah, et la serveuse, c’est Zoé, une copine à nous également.
— Bonsoir, balance déjà joyeusement la dernière arrivée. Qu’est-ce que je vous sers ?
— Un orangina pour moi, répond-il, toujours avare de ses mots alors que ses yeux passent d’une fille à l’autre comme un enfant devant un magasin de jouets.
Putain, il va leur sauter dessus ou quoi ? Et voilà Mathilde qui vient s’asseoir juste à côté de lui et pose la main sur son avant bras, sur l’ancre tatouée, en se penchant pour lui chuchoter quelque chose à l’oreille. Alexei ouvre grand les yeux en tournant son visage vers elle, avant de baisser furtivement le regard sur les jambes de ma meilleure amie et de se mordiller la lèvre. Oh le con ! Je suis sûre que ça le fait bander ! Elle a dû lui dire qu’elle ne portait pas de culotte ! Peut-être que je devrais lui dire que moi non plus je n’en ai pas ?
Nous commandons toutes une nouvelle tournée et je suis des yeux Zoé, mon regard tombant finalement sur le brun qui l’interpelle au moment où elle passe à ses côtés.
— Alors, Alexei, intervient Sarah en posant sa main sur son autre bras, les yeux papillonnant dans un tel cliché que je ne comprends pas comment Alexei pourrait ne pas capter le message. Ça te plaît de bosser avec Clem ?
— C’est pas désagréable de travailler avec une nana super bien gaulée comme elle, j’avoue. Mais on a eu pas mal de galères quand même depuis que je suis arrivé.
Je vois que Mathilde a posé sa main sur sa cuisse et qu’il ne fait rien pour la repousser. Pourquoi j’ai pas mis mon véto, moi ? C’est une vraie torture que moi, la nana bien gaulée, ne sois pas celle qui soit en train de le toucher ! Et c’est encore pire quand il lève ses deux bras musclés et les pose sur le dos du canapé pour que Sarah et Mathilde se lovent contre lui. J’ai presque envie de rire devant ce coq en pâte devant sa basse-cour. C’est totalement ridicule et encore plus cliché que les films de Noël.
— C’est charmant ce petit accent, minaude à son tour Noémie. Tu viens d’où ?
— Je suis russe, dit-il en faisant bien rouler le R, beaucoup plus qu’habituellement.
J’enrage car je vois que Mathilde est venue lui faire un bisou dans le cou et que sa main est remontée dangereusement sur le haut de sa cuisse. Elles sont vraiment toutes en compétition pour se le faire. Je ne peux m’empêcher de fulminer et détourne mon regard qui vient croiser celui du beau brun qui me sourit et fait mine de trinquer à mon intention. Je lui souris et m’apprête à sortir une vanne aux filles, mais Zoé dépose un plateau sur la table.
— Voilà les consos ! Trinquez pour moi, je passerai à ma pause. Ah, Clem, celui-ci t’est offert par le beau gosse qui te déshabille du regard depuis qu’il est arrivé, là-bas.
— J’ai vu de qui il s’agit, oui, dis-je en souriant outrageusement. Merci Zoé, mais je ne serai peut-être plus là à ta pause.
— Oh coquine ! N’oublie pas de sortir couvert ! me répond-elle en gloussant.
Je lui fais un clin d'œil puis fais un signe de tête au brun pour le remercier pour le Mojito, et lève mon verre à son intention avant de boire une gorgée. Puisque tout le monde semble beaucoup s’amuser, ce soir, je crois que je vais faire de même. Il n’a rien d’un grand blond musclé, mais il est vraiment agréable à regarder.
— Santé, les filles. Enfin, les filles et le morceau de viande, ris-je en regardant Alexei dont le haut de la chemise est désormais entrouverte. Désolée, mais l’image est plutôt correcte.
— Oh, ça va, Clem, sois pas jalouse, glousse Sarah avant de trinquer avec le blond qui semble un peu trop à son aise dans ce groupe de nanas en chaleur.
— Ah, les filles, je peux vous assurer qu’il n’y a pas besoin de jalousie pour vous trouver ridicules, pour le coup ! Allez, je vous laisse, je crois que j’ai une touche, je compte bien concrétiser, ce soir, dis-je en me levant.
— Est-ce que le morceau de viande est d’accord pour une danse ? demande Mathilde, toujours aussi câline et proche de mon serveur.
Je n’entends pas la réponse faite par le russe car je m’éloigne, mais je le vois se lever et tendre la main à ma meilleure amie. Il a décidé de s’amuser, ça tombe bien, moi aussi !
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