25. Monsieur et Madame Sans Gêne
Alexei
J’ouvre les yeux après une sale nuit. Je n’ai pas beaucoup dormi, et tout ça, c’est à cause de ma voisine. Je tends à nouveau l’oreille comme je l’ai fait depuis que je l’ai entendue partir hier soir. Elle est allée retrouver le roi de la levrette. Je l’ai espionnée discrètement depuis la terrasse alors qu’elle se préparait pour aller le voir. Elle a mis une jolie robe fleurie, très courte, qui lui arrive à mi-cuisses, dévoilant ainsi ses magnifiques jambes. Je ne sais pas si elle a mis une culotte, mais c’est clair qu’elle n’a rien mis en haut sous la robe. Voir ses seins bouger ainsi dans son décolleté plongeant, il y a de quoi rendre fou n’importe quel mec. En la voyant ainsi, j’ai presque failli inventer un prétexte pour me rendre chez elle et enfin finir ce qu’elle me reproche d’avoir bâclé la dernière fois. Mais la raison est toujours là. Je suis toujours dans le clan de l’ennemi, même si je n’ai pas été contacté par son oncle depuis plusieurs jours.
Quand elle est partie, je l’ai imaginée retrouver ce con de Thomas. Toute la soirée, j’ai espéré la voir rentrer mais non, rien. Tu m’étonnes. Le type, il l’a vue débarquer, il a compris qu’elle voulait du sexe et il en a profité. Fait chier. Et moi, je suis là comme un con, chez moi, seul. Toujours sans nouvelles de ma fille. Toujours sans la femme qui me plaît tant et qui est en train, je suis sûr, de se faire à nouveau baiser par ce mec, à quatre pattes sous lui. Mais bordel, pourquoi cette vision m’excite tant ? Je suis malade, moi. Si j’avais tant envie de la baiser que ça, pourquoi je ne l’ai pas fait ? Foutue conscience. Elle est complètement déréglée. Quitte à chercher à la dégoûter, j’aurais au moins dû profiter de son corps, de ses seins magnifiques, de ses cuisses voluptueuses ! Mais non, Alex le roi de la connerie s’est barré.
Pour me calmer, j’enfile juste un short et je pars courir au bord de la mer. Il fait toujours doux. Curieusement, ce n’est pas à Clémentine que je pense, mais à ma fille. C’est vraiment étrange que je n’aie plus aucune nouvelle. Je suis vraiment inquiet car j’ai peur qu’il ne lui soit arrivé quelque chose. J’ai envoyé un message à mon pote Alexandre en lui disant d’aller se renseigner, mais il ne m’a toujours pas répondu. J’ai vraiment l’impression d’être seul dans mon monde. Sans famille, sans ami, sans personne. La course me fait du bien physiquement, mais quand je rentre, c’est toujours autant le désordre dans ma tête. Je suis perdu, je ne sais plus quoi faire.
Après cette course matinale, j’ouvre la porte de la salle de bain pour aller prendre une douche et je bute contre ma voisine qui entre exactement au même moment.
— Oh désolé ! Je ne savais pas que tu étais rentrée…
— Je suis rentrée il y a peu. Je ne te pensais pas là, je n’ai pas entendu de bruit, je comprends mieux pourquoi, me répond-elle en parcourant mon torse du regard avant de se reprendre. La course a été bonne ?
— Oui. On oublie ses soucis quand on court. Tu veux que je te laisse la place ?
Je vois en effet qu’elle porte la même robe qu’hier et mon regard a du mal à se focaliser sur son visage, attiré par la chute vertigineuse que je devine entre ses seins. Je ne contrôle pas mon désir et je sens que mon sexe se tend douloureusement dans mon short. Encore plus quand, sans gêne, elle retire sa robe devant moi et la fait tomber à terre.
— Merci, je n’en ai pas pour longtemps, j’attends une livraison de vin, dit-elle en s’engouffrant dans la douche. Je me dépêche, et tu n’auras qu’à dire à ta patronne que c’est ma faute si tu es en retard !
— Pas sûr qu’elle me pardonne. Elle a tendance à être rancunière.
Je m’installe sur le rebord de la baignoire et je la mate pendant qu’elle se lave. Je devine ses formes derrière la vitre embuée de la douche. J’ai une folle envie de la rejoindre, mais en même temps, quand je me rappelle qu’elle a passé la nuit dans les bras d’un autre, ça me refroidit un peu. La scène qu’elle m’offre est cependant délicieuse. Ce que j’apprécie le plus, c’est quand elle se penche ou fait des mouvements qui la font appuyer ses fesses contre la porte de la douche. Je ne peux m’empêcher de me caresser un peu, le plus discrètement possible.
— La nuit a été bonne, j’ai l’impression. Tu as l’air en forme, Clem.
— J’ai dormi comme un bébé, ça faisait un moment que ça ne m’était pas arrivé. Loin du restau, ça fait du bien. Et ta nuit ?
— Tu as dormi ? ne puis-je m’empêcher de demander, surpris, avant de me reprendre. Moi, bof. J’avais trop de trucs dans la tête.
— C’est le but de la nuit, Alexei, non ? dit-elle en entrouvrant la porte pour y passer la tête. Un problème ? Tu veux en parler ?
Je vois l’eau qui coule sur son visage, le long de son cou et sur la naissance de ses seins que je devine derrière la porte de la douche. Je bouge vite ma main de mon sexe à ma cuisse en espérant qu’elle ne m’ait pas capté.
— Ça ne sert à rien de parler, Clem. Et là, j’ai juste envie de prendre ma douche.
— Très bien, soupire-t-elle en sortant alors que je lui tends sa serviette dans laquelle elle s’enroule après m’avoir laissé bien la mater.
Je crois qu’elle est encore sous l’effet de sa nuit de baise et d’excitation. Elle a l’air d’en avoir encore envie et elle joue de mon excitation. Sans me démonter, je fais descendre mon short, et c’est le sexe bien dressé que je me dirige vers la douche alors qu’elle reste dans la salle de bain pour finir de se préparer. Je me place sous le jet d’eau chaude et, dissimulé par toute la buée, je me tourne vers le mur et me caresse en m’imaginant sortir de cette petite cabine pour aller lui faire tomber sa serviette et lui faire l’amour devant le miroir du lavabo.
— Tu auras besoin d’aide pour la livraison de vin ? Je peux commencer plus tôt si tu veux.
— Je ne dis pas non, mais il va falloir qu’on fasse un point sur tes heures, je n’ai pas les moyens de te payer des heures supplémentaires.
— Oui et les paiements en nature, on sait où ça nous mène… dis-je un peu amer.
— Ouais, si on pouvait éviter de reparler de ce soir où tu m’as jetée comme une malpropre, ma petite personne t’en remercierait.
J’en ai assez qu’elle me renvoie ça à la figure à chaque fois. Enervé, j’ouvre en grand la porte de la douche et en sors, nu, mon sexe dressé devant moi.
— Clem, tu comprends pas que j’ai envie de toi et que si je ne le fais pas, c’est que j’ai mes raisons ? Toi, tu n’y es pour rien. Tu m’excites, tu me fais envie, bordel. Si je pouvais, je te jure que je passerais mon temps à te faire l’amour !
Et sans attendre sa réponse, j’attrape ma serviette et file dans ma chambre où je me jette sur mon lit, fermant les yeux pour essayer d’oublier tout ce qui se passe dans ma vie, qui est un bordel sans nom. Et pour rajouter la cerise sur le gâteau, j’ai reçu un SMS de Hervé.
“Livraison de vin aujourd’hui. Il faut que les caisses tombent et se cassent. Da ?”
Je ne prends même pas la peine de répondre. Bien sûr qu’il faut continuer à l’embêter, la patronne. Mais c’est pas ça qui va la dégoûter… Je commence à la connaître. Si elle arrive à bosser avec Linguini qui lui met des bâtons dans les roues à chaque instant, ce ne sont pas quelques bouteilles de vin qui vont la faire changer d’avis. Mon patron est con et j’embête la patronne qui me retourne le cerveau. Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans ma tête.
Je m'habille avec le tee-shirt au nom du restaurant en me disant que je ne sais vraiment pas où est le plaisir en ce moment. Je descends et vois Linguini qui m'attend près du bar.
— Tu sais qu’Hervé est déçu de ta contribution ?
— Je l'emmerde Hervé. Tu n'es pas beaucoup mieux, toi. Les clients commencent à aimer tes pâtes !
— Il a dit de passer à la vitesse supérieure. On met la gomme, la grosse se casse et Hervé nous donne la prime. On peut boucler cette histoire avant la rentrée.
— J'espère que tu as une bonne assurance-vie. Je t'avais prévenu de ne pas insulter Clémentine devant moi, grogné-je en l'attrapant par le cou.
— Vous faites quoi, là ? Alexei, laisse Linguini tranquille, voyons !
Merde. Clem vient de débarquer. Elle va encore se faire des idées et croire que je ne suis qu'une brute… Je relâche le chef qui ricane et me chuchote :
— On a quinze jours pour la faire craquer, Roméo. Je compte sur toi.
— Ta gueule, connard. Ne me tourne pas le dos, sinon je ne sais pas ce qui pourrait t'arriver.
Je suis ma patronne en cuisine et constate que sa tenue du jour n'est pas beaucoup plus sage que celle de la nuit. Ses seins sont clairement libres de toute restriction sous son petit chemisier blanc et son tailleur bleu marine met à la fois en valeur son magnifique cul et ses jambes que je rêve de voir s'enrouler autour de moi.
— Tes yeux, Thor. Et ferme la bouche, tu baves, se moque-t-elle, le sourire aux lèvres.
— Désolé, Clem. Je… Thomas a de la chance, en tous cas.
— Tu avais la tienne et ne l’as pas saisie, marmonne-t-elle en sortant de la cuisine.
Rancunière, la patronne… J'ai l'impression de me prendre une baffe à chaque fois qu'elle me renvoie cette histoire. Non, plus qu'une baffe, un coup de couteau dans le cœur. Et si elle avait raison ? Et si j'avais grillé ma seule et unique chance avec elle ? Des fois, le destin est cruel. Je suis bien placé pour le savoir…
Quand le petit producteur de vin arrive enfin au restaurant, Linguini l'ignore totalement, faisant mine de se plonger dans un livre de recettes. Le bouquin n'est même pas à l'endroit, mais il s'en fout. Son petit air de défi invite à la dispute mais je ne lui ferai pas ce plaisir. En attendant Clem qui est au téléphone dans son bureau, je commence donc le déchargement avec le viticulteur.
— Elle est pas là la patronne ? J'adore son cul, moi. Je l'ai connue, elle avait pas dix ans ! Elle a bien grandi la petite. Je ne dirais pas non si elle m'invitait dans son lit !
Et merde, encore un ! Quand je pense qu'elle doute de ses charmes ! Si elle savait que la moitié des mecs veulent la baiser et que l'autre moitié est gay ou conne…
Quand elle nous rejoint, le producteur lui fait une bise bien appuyée qui me met en rage. Mais, à mon grand soulagement, il nous laisse alors qu'il ne reste que deux grosses caisses à descendre.
— Laisse, Clem, je vais m'en occuper.
— C’est bon, je peux descendre une caisse, tu sais, dit-elle en la soulevant avec une grimace.
— Je vois ça, super Woman. Te fais pas mal au dos. Pas envie de bosser avec Linguini comme seul chef.
Je soulève ma caisse sans trop d'effort alors que ce con de chef se barre en pause en souriant, sans lever le petit doigt pour nous aider. Je précède ma patronne dans la cave et l'aide à déposer la sienne au sol. Je repense au message d'Hervé et je réfléchis à ce que je pourrais faire sans trop me faire griller.
Alors que je me retourne pour voir où est Clémentine, je bute contre elle dont le corps n'est finalement qu'à quelques centimètres de moi. J'essaie de me reculer mais mon pied heurte la caisse que je viens de déposer et je perds l'équilibre. J'essaie de m'accrocher à ma belle voisine mais je ne parviens qu'à l'attirer avec moi dans ma chute. Ma tête cogne dans la porte qui se claque derrière moi et je me retrouve le cul sur l'escalier, tout meurtri, avec Clémentine affalée sur mes genoux.
— Bladchka ! Merde comme vous dites ! Ça va, tu ne t'es pas fait mal ?
— Ça va mieux que mes bouteilles qui coûtent un bras, putain, bougonne-t-elle en se relevant. Et toi, ça va ?
— Je suis désolé… A part mes fesses, ça va, je crois.
Je me relève et frotte mon derrière endolori. Je vais avoir un beau bleu je crois. Je regarde les dégâts et vois que deux bouteilles sont à peu près intactes. Les autres ont explosé sous le choc, délivrant une odeur de vinasse pas très agréable. Je remonte l'escalier pour aller chercher de quoi tout nettoyer.
— Et merde ! C'est fermé. Clem, tu as la clé ?
— Non, elle ne s’ouvre que de l’extérieur, bordel !
Je tape quelques instants sur la porte, espérant que quelqu’un nous entende, mais cet abruti de Linguini est parti et personne n’arrivera avant son retour. Nous voilà coincés à deux dans la cave pour au moins une demie heure, sûrement plus vu que l’autre abruti est toujours en retard. De rage, je frappe encore sur la porte et j’entends un éclat de rire dans mon dos. Je me retourne et le spectacle me laisse sans voix. Clémentine s’est assise sur la caisse à moitié cassée et s’est emparée d’une bouteille un peu cassée et de deux verres qu’elle a trouvés je ne sais où. Je la regarde, la bouche ouverte.
— Fais pas cette tête, au prix que coûte cette bouteille, hors de question de gaspiller. Tu en veux ou tu me laisses finir pompette avant même l’heure du service ?
— Je bois pas au travail.
— Techniquement parlant, rit-elle en remplissant les verres l’un après l’autre, tu n’es pas au travail mais sous ton lieu de travail, donc c’est bon.
Je hausse les épaules sans répondre et m’installe en face d’elle, sur les marches, et tends la main pour récupérer mon verre. Je le hume et son arôme est en effet assez fruité.
— A la tienne, Clémentine. Ça fait longtemps que je n’ai pas bu, je te préviens.
— Parfait, peut-être que si je te saoule, tu m’expliqueras pourquoi tu es un salaud ou je ne sais plus quoi.
— Un connard, non ? Un mec qui te respecte pas, il paraît. Beaucoup moins bien que ce Thomas qui lui va au fond des choses, ne puis-je m’empêcher de répondre, un peu amer.
— Serait-ce un poil de jalousie, Thor ? se moque-t-elle. C’est quand même la meilleure, ça.
— Un connard jaloux, tu es bien tombée dis-donc. Sers-moi un autre verre. Je crois qu’il va me falloir au moins ça pour affronter tes foudres.
Je lui tends mon verre qu’elle remplit avec un sourire avant de faire pareil avec le sien. Nous trinquons avant de reprendre une gorgée de ce vin qui est en effet excellent.
— Tu commences à me connaître. Je préfère piquer avant de l’être, et je n’ai pas anticipé ce soir-là, tu as piqué fort…
— Je te promets, tu ne veux pas d’un mec comme moi dans ta vie. Je ne pouvais pas faire autrement et j’en suis vraiment désolé.
J’ingurgite encore un peu de vin. Cela fait au moins deux ou trois ans que je n’ai rien consommé et je sens déjà l’alcool me monter à la tête. En Russie, je tenais mieux le choc, mais depuis que j’ai décidé d’arrêter, c’est la première fois que je cède à la tentation.
— Je ne comprends rien à ce que tu racontes, sérieusement. C’est épuisant ces énigmes quand tu parles, j’ai l’impression d’être bourrée à chaque fois que tu me parles, ou de ne plus comprendre le français, marmonne-t-elle avant de finir son verre d’une traite.
— Je disais rien. Oublie.
Je soupire encore. Je ne peux rien lui avouer sinon je vais la perdre. Mais, si je ne dis rien non plus, je vais aussi la perdre. Alors je préfère me taire et l’admirer. J’ai en face de moi la femme de mes rêves, la femme parfaite, et moi, je suis coincé.
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