La lumière grise d’une lagune
La lumière grise d’une lagune. Cette étrange phrase sonnait en nous à la façon d’un poème qui se lèverait et gagnerait les hauteurs de l’azur comme pour signifier notre possible résurrection, le regroupement de nos membres, l’unité de notre psyché lourdement grevée de non-sens. La lumière grise d’une lagune, oui la belle lumière grise fondatrice de l’exister, voici qu’elle surgissait du plus loin de l’espace, du plus mystérieux du temps. Toujours nous avions su la force médiatrice du gris, son pouvoir de porter au jour ce qui demeurait dissimulé dans les coulisses d’ombre. Mais notre vue était encore trouble de l’émotion qui en voilait l’acuité. Cependant, de la nasse productive du gris, se levait une Forme dont nous pensions qu’elle était humaine, admirablement humaine.
Petit à petit le globe de nos yeux devenait lumineux, le puits de la lentille trouvait sa profondeur, les images commençaient à crépiter sur la toile ombreuse de notre cortex. L’émergence de toute chose est pur miracle et ce miracle s’accroît de sa charge d’énigme alors même que la Pure Beauté en constitue le point focal, le centre d’irradiation. Mais voyez ceci. Celle que, d’emblée, nous nommerons Libre-de-soi, nous la voulons surgissant, non d’un fond qui pourrait en justifier l’existence, mais de Soi uniquement en sa plus étonnante éclosion. Or, seule les Choses Grandes ont assez de force pour tirer leur propre substance d’elles-mêmes et non au motif de quelque action fabricatrice d’un possible démiurge. Seulement, provenir de-soi-en-soi-pour-soi et ne rien concéder de Soi à quelque phénomène d’altérité qui se puisse imaginer. Le Soi en tant que Soi en sa plus effective réalité. Et n’allez nullement penser que ceci est pure pétition de principe, plan tiré sur la comète, lubie de vieux savant perdu dans la contemplation de ses cornues de verre !
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