Brume aurorale
La bouche est doucement purpurine, loin de la passion de la braise, près du murmure d’un feu éteint, quelque part dans un bivouac de bergers, dans l’illimité des sables et la stupeur de leurs frissonants mirages. Les lèvres sont tout juste entr’ouvertes. Que nous disent-elles du sein de cet étrange chuchotement dont nous voudrions capter toute la saveur, sentir en nous la délicatesse d’une fraise mûre, son ruissellement tout contre l’ogive éblouie du palais ? Oui, il nous faut demeurer sur le tremplin du désir en nous retenant de déclencher le saut qui, trop vite éclos, nous reconduirait à la nuit de notre native angoisse. Et le cou, cette tige si gracile, si fluette, cette illisible attache qui relie le bulbe des pensées à la pure germination du corps, ne doit-il nous éblouir au motif même de son ineffable présence ? C’est ainsi, parfois la réponse à nos questions se dissimule sous de l’inaudible, du passager, du fuyant et nous, êtres de frénétique impatience, nous nous précipitons déjà au loin, alors qu’une faveur nous attendait, là, à la pointe de l’herbe, dans ce diamant de rosée qui reflète l’entière beauté des choses !
Le buste est menu qui nous ferait volontiers penser à la fragilité de l’insecte, à la faible résistance du verre, sans doute au tintement d’un cristal. Un fin bustier relevé nous livre l’aube d’une poitrine juvénile que viennent clore, à la manière de deux boutons de rose, les doux affleurements des aréoles. Elles sont de la même consistance, de la même teinte que les lèvres. Elles jouent, en mode unitaire, la belle partition musicale de la féminité, une manière de fugue qui déjà s’absente de nous, de nous qui nous distrayons au premier vol du papillon venu. Et pour quelle raison ceci ? Eh bien parce que nous n’osons regarder avec insistance Celle-qui-nous-fait-face avec tant de sensibilité. Notre regard se pose sur elle avec avec la retenue du songe, la délicatesse d’une brume aurorale.
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