4 Dans l'ombre de Waverly

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1961, Louisville, Kentucky


Les semaines et les mois passaient, le docteur Frédérik Swanston n’avait toujours pas de nouvelle sur la suite des événements. Il restait chez lui dans son bureau à attendre un message de la direction. Il était pris d’une extrême solitude, la dépression subrepticement s’insinuait en lui. Sa femme Pénélope tentait par tous les moyens de le soutenir, de l’aider à garder la tête hors de l’eau. Elle l’entrainait dans toutes ses sorties, pour ne pas le laisser seul, mais Frédérik passait son temps à regarder des photos de ses anciens collègues, du bâtiment, et à boire.
— Chéri, tu devrais sortir un peu, voir tes amis, ça vous ferait tous du bien je pense.
— A quoi bon, faire le tour des bons souvenirs passés dans le centre et déprimer parce que tout est fini ? Je n’en vois pas l’intérêt.
— Reprends tes recherches, c’est ce qui te passionne normalement ! Je n’aime pas te voir ainsi, il ne me semble pas avoir épousé un homme faible qui se laisse aller à la moindre mauvaise nouvelle.
Pour toute réponse, Frédérik quitta précipitamment son bureau en laissant sa femme seule et dans la tourmente. Elle craignait qu’il n’agisse sous l’effet de la colère et qu’il commette quelque imprudence qui pourrait lui coûter plus que son poste au sanatorium.
Sans prendre le temps d’expliquer à sa femme ce qu’il allait faire, il quitta la maison en trombe pour se diriger au sanatorium, désert. Cette nuit-là, un épais brouillard, à couper au couteau, planait sur l’ensemble de la ville donnant une atmosphère lugubre et pesante. On aurait cru que le mal était à l’œuvre ici, attendant son heure pour surgir.
Le docteur Frédérik donna un coup d’œil à l’imposant bâtiment avec remord et amertume, lui qui avait tant donné, avait le sentiment d’avoir été congédié de la pire des manières.
Rien n’avait bougé depuis la fermeture, hormis l’amas de poussière qui se déposait de jour en jour sur le sol et les bureaux. Frédérik contemplait avec tristesse les couloirs qu’il avait arpentés chaque jour depuis l’ouverture du centre.
Au premier étage, il y avait des bureaux, des pièces dédiées au personnel.
Frédérik fixait les photos de ses collègues, avec qui il s’était lié d’amitié depuis toutes ces années. Certaines photos lui remémoraient des souvenirs agréables, mais qui se terminaient sur une note amère. Il se souvenait de la demande en mariage de deux pensionnaires qui s’étaient rencontrés dans de sinistres conditions. Mais grâce aux talents du personnel soignant, ils avaient pu être guéris et profiter du reste de leur vie. Malheureusement, tous ces bons moments ne parvenaient pas à dépasser la noirceur qui subrepticement s’emparait de son esprit. Tandis qu'il arpentait les interminables couloirs du sanatorium, Frédérik arriva enfin à son bureau, totalement vide. Il n'y avait que les meubles qui prenaient la poussière. La nostalgie le rongeait littéralement, plus rien ne le motivait, tout espoir l'avait quitté.
En s'installant une dernière fois à son bureau, il extirpa une feuille de papier de sa serviette en cuir et rédigea une note d'une main tremblante. À quoi bon persister, sans but, sans perspective, sans espoir ? Des larmes de remord et de tristesse s’écrasaient sur sa lettre. Frédérik était dos au mur. Mais ce qu'il ignorait, c'est que le centre allait rouvrir ses portes un an plus tard...
Le sanatorium était désert, un silence de mort planait dans les divers étages. Soudain, un bruit sinistre et sec retentit, déchirant les airs : celui d'une détonation. Le silence revint, oppressant, écrasant, et qui ne présageait rien de bon...


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