Chapitre 7 : Chantier perpétuel.

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Alain : Troisième essai.
Catherine : Je trouve ça vexant. Toutes les simulations prouvent que ça marchera encore 625 fois avant le premier entretien.
Alain : Catherine... L'hydraulique par NéoMyos craque encore. Ces trucs ont besoin de...
Catherine : J'ai compris. Place au spectacle.


Elle me comprends de mieux en mieux. L'énorme sas loin derrière moi se ferme et le sifflement caractéristique d'un changement d'atmosphère empli la pièce longue de près d'un demi-kilomètre. Quelques minutes plus tard, les lumières passent du rouge au vert et le sas externe s'ouvre comme un diaphragme, révélant le paysage de la planète. Devant moi, une immense plaine avec des chaînes rocheuses de part et d'autre. L'endroit n'est pas idéal pour l'approche d'un vaisseau, les turbulences pouvant être importantes à cause des vents violents et de la topographie locale, mais il permet d'entrer perpendiculairement à la MC. L'alternative beaucoup moins efficace aurait été de construire un ascenseur qui nécessiterait d'énormes travaux supplémentaires pour s'arrimer entre deux pics rocheux ou de raser à ras une partie du sommet de la montagne. En plus, la falaise est assez large pour multiplier les accès. Même d'ici j'entends les bourdonnements des foreuses creusant la roche en tout sens partout autour de moi.


Encore quelques instants et... là ! Une rampe se déploie, garnie de guides magnétiques pour faciliter le décollage et l'atterrissage de navettes. Les feux de balisage s'allument et je finis par le reconnaître : on a bien progressé aujourd'hui.


Alain : C'est officiel. J'annonce que le premier élément du spatioport de la MégaConstruct Kain est achevé !


Je profite encore quelques minutes du moment avant de demander à Catherine de replier la rampe et refermer la porte. Je monte sur le petit buggy électrique et commence le chemin du retour. Simple et robuste, la voiture est une structure tubulaire sur laquelle est greffée le moteur, les batteries et le siège le tout encadré par les quatre pneus. Vu les distances couvertes quotidiennement, ce petit bijou est devenu mon meilleur ami. J'arrive au sas intérieur et patiente le temps que les pressions s'équilibrent.


Alain : On en est où pour la gestion atmosphérique à l'intérieur de la MC, au fait ?
Catherine : Vu les dégagements produits par les drones miniers lors de la percée de la dernière poche de gaz, notre projet a pris beaucoup de retard.
Alain : Il faudrait délocaliser le minage...
Catherine : La MC est construite sur un riche gisement. Ce serait dommage de ne pas en profiter.
Alain : Dans ce cas... Construire un plafond étanche séparant la zone minière du reste de la MC ?
Catherine : Proposition intéressante. Hélas, pour le moment, l'intégralité de mes drones de construction lourd est dans la zone du spatioport.


Le spectacle son et lumière lors de l'ouverture de la porte lui donne raison. Tout autour de moi, les énormes araignées métalliques travaillent d'arrache-pied à fabriquer un sol de plusieurs kilomètres carrés à mon étage. En plus de ça, d'autres drones étaient en train de percer deux autres sas pour navette et, surtout, deux autres structures gigantesques sont encore sont encore en projet de part et d'autre de cette zone. Catherine a le même défaut que moi sur un point très important pour l'ingénierie avancée : nous n'avons que des connaissances théoriques. La percée de ce tunnel de sortie était possible sur le papier mais aucun des plans de la base de données n'envisageait une pesanteur supérieure à 1g ou une composition du sol totalement extra-terrestre. On a appris au fur et à mesure et on applique ce que l'on découvre sur les chantiers suivants. Ils nous a fallu un mois pour percer le premier tunnel. Le suivant ne prendra qu'une semaine. Mais ce n'est valable que pour un modèle pensé pour le passage d'une navette qui est le plus petit appareil volant disponible actuellement.


Ceux qui sont en préparation pour les chasseurs sont plus petits en taille mais nécessitent une énorme logistique : ces appareils doivent être armés, réparés et ravitaillés dans des zones assez solides et vastes pour éviter des explosions en chaîne en cas de retour de combat d'un engin au réacteur instable après des impacts. Sans surprises, je n'ai pas de plan de ce genre dans le Builder. Catherine a des plans de chasseurs, mais pour ce qui est des hangars... On progresse à tâtons, discutant pendant des heures. Et puis il y a l'autre projet.


Catherine l'a surnommé Goliath. Sans la moindre trace d'humour, elle se demande même si j'en verrai l'aboutissement avant de mourir de vieillesse.


Une baie de construction terrestre pour vaisseaux spatiaux.


Les chantiers spatiaux pour ces béhémoths sont généralement en orbite haute d'une planète. Leur masse les empêche de se poser sur la surface d'un astre. Enfin... Ils peuvent finir au sol mais pour ce qui est de redécoller, il vaut mieux faire une croix dessus. Selon ses plans et en tenant compte de la gravité locale, elle pense pouvoir fabriquer des colosses de près de un kilomètre de long et les faire arriver en orbite sans trop de soucis en se limitant à l'installation des propulseurs à un châssis squelettique. Le but est d'installer les composants plus petits en apesanteur et de profiter de la présence des monceaux de lingots pour concevoir les parties les plus gourmandes en métal au sol. Mais bon...


On parle quand même d'une porte de sortie en flanc de falaise de cinq cent mètres de large là ! Et la quantité de chaînes de montage pour alimenter le chantier hors norme que constitue la fabrication d'un vaisseau de cette taille... Rien qu'à voir les estimations j'en ai froid dans le dos. La première partie du spatioport que nous avons conçu est pour l'arrivée et la sortie de navettes. Relié à un réseau de hangars et de circuits de distributions automatisés, il permet de mettre en œuvre une autre partie du plan de l'IA. La partie en question est en cours de montage à quelques centaines de mètres de là. Je m'en approche pour la scanner avec mon petit analyseur portatif.


Catherine : Je continue de penser que des unités indépendantes polyvalentes seraient plus efficaces.
Alain : Il faut savoir répartir les tâches. Tu as toujours des problèmes avec ça.
Catherine : Le dîner est prêt.


Je ne lui ai jamais demandé de préparer les gelées nutritives mais L'IA devance mes besoins systématiquement. C'est plus fort qu'elle, il faut qu'elle mette ses qualités en avant. Je reste à distance de la machine en construction vu les gerbes d'étincelles produites par les drones de soudure et finit de scanner les différentes parties sur lesquelles on discute régulièrement. Il s'agira d'un ensemble de machines automatisées qui exploreront la ceinture d'astéroïdes et ramèneront régulièrement des minerais. Les premiers scans ont révélés de fantastiques filons et, surtout, d'énormes blocs de glace presque pure qui permettront de combler rapidement et définitivement mes besoins en eau douce jusqu'à la fin de mon existence. L'eau distillée est assez désagréable, même traitée par Catherine. En fait, pour l'opération de minage des astéroïdes elle envisageait un appareil unique capable de scanner, récolter et ramener les minerais. J'ai encouragé à la place la création d'un réseau de machines séparant les différentes tâches. De cette façon l'extraction se déroule en continue pendant que des drones de transports simples procèdent à un roulement permanent.


Je dirige le petit rover vers la zone avec le moins d'activité de l'immense plate-forme en construction. C'est là que se trouve le Maglev. Le train, flottant sur ses supports magnétiques, est le seul moyen de transport actuel entre le spatioport et le cœur de la MC. Cubique, fonctionnel, sans fioritures, il ne ressemble pas aux modèles élancés et tout confort trouvés un peu partout dans la galaxie mais il a un atout de taille à mes yeux.


C'est moi qui l'ai fait !


Catherine : Démarrage du train.


L'IA me surprend toujours par le temps qu'elle m'accorde. Elle pilote une quantité faramineuse de drones partout dans la MC mais semble toujours rester à mes côtés. Je ne lui parle que quand c'est nécessaire pendant les périodes aussi intenses que celle auquel on fait face et elle apprécie que je la laisse utiliser sa puissance de calcul pour les projets importants plutôt que sur celui du choix de mes chaussettes. Je me lève du rover et marche vers la cabine de pilotage, vide bien entendue, pour admirer la vue par les hublots. On a bien progressé question éclairage depuis mon arrivée, disposant des lumières sur les pylônes à intervalles fixes. L'effet est saisissant : une forêt de lumières qui s'étend jusqu'à l'horizon. Les murs blindés sont encore vierges de lampes mais c'est en projet.


Mais loin dans la liste des priorités...


Et quelle liste !

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