Chapitre 14 : De l'évidence du manque de cours de dramaturgie.
Cela ne devrait plus tarder. En orbite autour d'une des lunes de Kain 7 je profite de l'occasion pour admirer la sphère bleue semblant étinceler. D'étonnantes paillettes blanche apparaissent à la surface de la géante gazeuse avant de replonger dans la tempête permanente. Magnifique source d'hydrogène et de ses isotopes, la planète a une vingtaine de satellites naturels et je me cache à l'ombre d'un d'entre eux.
*** : Scrrtchhh. ...ssage. Je répète,nous avons reçu le message. Sommes arrivés au point indiqué.
Je vérifie rapidement les rapports des capteurs. Oui, l'appareil est seul. Deux sondes font office de relais et le nouveau venu ne peut donc pas trianguler ma position. Se trouvant de l'autre côté de la géante gazeuse il n'a aucun moyen de me voir ou de me détecter par quelque moyen que ce soit.
Alain : Ici l'Ermite. Vous me recevez ?
*** : Ici le capitaine Jenkins du Grey Tempest. Je vous reçoit.
Parfait. Le plan se déroule comme prévu pour le moment.
On a laissé un message tournant en boucle sur toutes les fréquences émis par le drone près du trou de ver artificiel. Dès que les intrus ont débarqués ils ont été accueillis par un message du genre « Bienvenue dans le système Kain. Nous vous informons qu'il est habité par une petite communauté indépendante et isolée. La porte ne fonctionne qu'en un seul sens. Si vous souhaitez vous faire connaître pour négocier, veuillez vous rendre en ce point du système. Si vous souhaitez vous imposer par la force, nous enclencherons l'auto-destruction de l'installation et partirons vers un autre système. » Le message tourne en boucle et la présence du drone près de l'artefact décourage toute tentative d'intervention telles qu'une réparation. Ce n'est pas un message automatique courant mais la présence d'ermites vivant hors des réseaux l'est. Ils ont une réputation d'originaux, de solitaires et parfois même de criminels en fuite. Le fait qu'un de ces gaillards ai le contrôle de la porte n'était sûrement pas prévu à leur programme.
Alain : Je vous rassure de suite. Ça nous amuserait pas de détruire la porte. On perdrait pas mal de matériel pour en activer une autre afin qu'on puisse repartir de notre côté et tenter notre chance ailleurs. Mais on ne peut décemment pas laisser de nombreux vaisseaux entrer dans notre système sans réagir.
*** : Ce n'est pas votre système.
Alain : Nous ne dépendons d'aucuns gouvernements et vivons de façon autonome depuis belle lurette. Personne ne s'est jamais intéressé à nous et n'a envoyé de personnel pour revendiquer Kain. Techniquement, il est à nous. Bien, voilà ma première question : quels étaient vos objectifs en débarquant ici ?
*** : Une simple étape avant d'aller en direction de la fédération marchande. Simple caravane de commerce.
Alain : Vous faites dans le commerce d'esclave ? Les cales de vos vaisseaux sont pleines de gens...
Silence de l'autre côté. Visiblement je sors de la discussion fluide qu'il avait prévu.
*** : Tout est parfaitement légal et nous ne souhaitons pas créer de situations extrêmes sur notre route. Nous voulons seulement passer.
Il ne cherche pas la bagarre alors qu'il est à bord d'une corvette de combat et que je suis membre d'un groupe forcément moins nombreux et mal équipé comme tous les ermites. Bon point pour lui. C'est peut-être en rapport avec le fait qu'il a de nombreux civils dans ses propres cales ?
Alain : Je vais être franc. Votre plan est foireux. Si je suis parti c'est aussi parce que j'en avais marre de voir des réfugiés de l'Empire se faire revendre à ces foutues têtes couronnées ou finir comme esclaves à vie dans des usines.
La fédération du Lotus étant animée par l'appât du gain, je suis certain que leur avenir est malheureusement tout tracé et peu différent du sort qui les attend chez Solingen.
Alain : Et ne pensez pas au Consortium Solingen. Il y en a de mon groupe qui viennent de chez eux et qui m'ont parlé des soldats fuyant l'Empire tentant de se réfugier là-bas. Ils sont exécutés par les diplomates Sylvanien avant même de revenir dans l'espace Impérial. J'ai jamais envié les gars qui fuyaient votre pays et c'est pas aujourd'hui que je vais commencer.
*** : Vous en savez beaucoup. Sur nous, surtout...
Alain : Vous avez essayé de pirater ma porte. Les bidouilles informatiques ça marche dans les deux sens. Jolie moustache, au fait !
Grâce aux efforts de Catherine j'ai un accès à la caméra de sécurité du poste de pilotage du Grey Tempest et je vois le militaire se raidir sur mon écran. Il se tourne doucement vers la caméra et fait un signe à quelqu'un hors du champ. Rapidement, je perd l'image mais ne me démonte pas pour autant.
Alain : Je vais continuer d'être franc, capitaine. Nous vivions cachés et votre arrivée a grillée notre planque. Une fois que vous serez tous arrivés on envisage de fermer définitivement la porte. On est dans la merde. Tous les deux.
Toujours du silence.
Alain : J'ai une proposition pour vous. Une alliance. Une coopération. On a les installations, vous avez le nombre. Une fois que la porte sera fermée il faudra des années pour qu'une armée parvienne jusqu'ici. Et on les accueillera. Avec moins de politesse que ce que je suis en train de faire.
*** : Pourquoi voulez-vous nous aider ?
Alain : Parce que vous n'êtes pas les premiers que je croise qui cherchent à se faire oublier et la seule chose qui nous manque pour négocier un coin peinard de l'espace c'est de la main d'œuvre.
*** : Une colonie isolée ne peut tenir tête à l'Empire. La flotte...
Alain : Devra voyager pendant des années entre les deux systèmes et sera à la limite de son approvisionnement pendant toute sa tentative d'invasion. Allez ! Au pire, ce que vous gagnez c'est quelques années de répit pour souffler un coup. Je pense que les milliers de personnes dont les vies dépendent de votre décision aimeraient se trouver ailleurs qu'empilées les unes sur les autres.
*** : ... Cela ne dépend pas de moi.
Alain : Pardon ? Vous n'êtes pas le chef de cette flotte ?
*** : Son arrivée est prévue dans... huit jours. Si tout se passe bien. Le sabotage est une opération risquée. Vous serez encore là à ce moment ?
Alain : ... Oui.
*** : Alors à bientôt. Et merci pour votre offre.
Merde ! C'était pas prévu, ça !
Le chef ne fait pas partie de l'avant-garde mais au contraire est resté derrière ? Ce ne doit donc pas être un noble mais un militaire vu la réputation de lâcheté légendaire de ces bouffons emplis d'orgueil qui est arrivée jusqu'aux oreilles des étudiants de Junes. J'envoie le contenu de notre conversation à Catherine, la distance ne nous permettant pas de communiquer en direct. Après deux bonnes heures je reçois sa réponse, laconique. « On attend. »
Le Builder ne manque pas de vivres mais je vais regretter l'immense logement de fonction de Kain 3. Quelle horreur ! Je commence à avoir des goûts de luxe.
Annotations
Versions