Le lendemain, l'ambiance est bizarre. Comme si tout le monde mourrait d'envie de me dire quelque chose mais se retenait. Notant, au bout de quelques jours, que cela commençait à me mettre mal à l'aise, ils appellent Cassandra. Cette dernière souhaite m'informer des raisons de l'étrange comportement des opérateurs mais dans un endroit tranquille. On va donc dans mes appartements, s'installant l'un en face de l'autre dans les canapés du salon.

Cassandra : J'ai l'impression que tes appartements sont plus luxueux que les miens ?
Alain : J'ai bricolé pas mal pendant mon temps libre. Bon. Quel est le soucis ?

La noble eut un petit sourire avant de hocher la tête.

Cassandra : Il n'y a pas de problème. En fait, on peut dire qu'il n'y en a plus. Je vais t'expliquer : l'obstination de Catherine de rester cloîtrée dans ses bureaux et d'intervenir uniquement via des drones commençait à sérieusement inquiéter les habitants de Camélia. Elle leur paraissait froide. Inhumaine. Une vraie machine.

Tu m'en diras tant pour sa couverture ! Catherine doit entendre ça en plus...

Cassandra : Mais après avoir vu le choc psychologique qu'elle a subi en ne parvenant pas à sauver l'un d'entre nous, mes gens ont compris qu'elle est surtout très fragile. Elle s'est attachée à nous même si elle ne le montre pas. Les techniciens s'efforcent de ne pas la déranger en ce moment parce qu'ils ont peur qu'elle soit à la limite du suicide. Ils ne veulent pas la perdre.
Catherine : Ridicule. Il en faut plus que ça pour me tuer. J'ai bien vécu toute seule pendant...
Alain : Catherine ! Pour cette fois laisse-nous parler entre nous deux.
Catherine : Accordé. Je rallume mes capteurs après la sortie dans le couloir de l'un d'entre vous.

La noble ria alors pendant quelques instants avant de se reprendre.

Cassandra : Je lui ai parlé hier. Pendant des heures et même une bonne partie de la nuit. Elle est naïve, directe mais peut se montrer impitoyable... J'ai entendu parler d'un opérateur en EVA qui a tenté de se mettre en danger volontairement sous le nez d'un drone pour vérifier si Catherine tenterait de le sauver. Elle l'a fait mais en lui brisant trois côtes et le menaçant de lui trancher les membres à la scie laser s'il tente de nouveau ça. Mais, le même jour, j'ai aussi découvert qu'elle s'est crée un compte sur le jeu en réseau utilisé par les enfants et qu'elle passe des heures à venir en aide aux plus faibles niveaux. Elle ne se comporte pas comme une noble ni une chef d'entreprise. On dirait plutôt une mère dure mais juste.

Alain : J'espère que tu ne lui a pas dit ça...
Cassandra : Surtout pas. J'ai aussi eu un bon aperçu de son complexe de supériorité. C'est quelqu'un de contradictoire mais qui met toutes ses forces pour nous aider.
Alain : Elle s'aide aussi.
Cassandra : Sans aucun doute mais pour les gens de Camélia l'important n'est pas là. Avant ils avaient peur d'elle. La craignait. C'était la technicienne froide et cruelle qui a usé de menaces pour nous forcer à rester ici. Maintenant ils ont compris qu'elle ne pensait qu'à notre bien et qu'elle voulait vraiment nous éviter un triste sort si nous avions tenté de faire un saut dans l'inconnu avec la porte spatiale.

Que dire...

Ils analysent le comportement de Catherine comme si c'était une personne. Or, c'est surtout sa maladresse question interactions sociales qui leur donne l'impression que c'est quelqu'un de doux et de fragile. S'ils savaient à quel point elle était froidement analytique quand je l'ai découverte...

Alain : Disons que Catherine a aussi besoin de contacts avec les gens pour être plus... abordable. C'est quelqu'un qui envisageait de passer toute sa vie à contrôler des drones, seule sur une planète. Du coup, quand elle voit quelqu'un faire quelque chose qui lui semble illogique elle a toujours un petit moment de malaise où elle hésite entre réagir brutalement et logiquement ou prendre plus d'informations avant d'agir. Soyez un peu coulant avec elle.

Je prends ce sourire pour un oui.