Après la première expédition il y en eu d'autres, un véritable commerce s'établissant entre Kain et Portus. Rapidement, le Long Shot a trouvé un rythme de croisière qui permet de former quantité de futurs membres d'équipage pour la flotte en devenir. Je ne fais plus partie de ces expéditions par contre : La route vers le NT 4 étant semée d'embûches où mes talents sont nécessaires, Catherine préfère m'avoir sous la main. Toutefois, Goro Portus, l'homme fort du système éponyme, me contacte régulièrement via le système de communication de la porte. Il me dit ce dont il a besoin, je le lui fournis et on obtient des trocs plus avantageux. Mieux, nos dernières opérations commerciales ont entraîné un surplus en notre faveur qui a été changé en leur monnaie locale utilisé pour commercer sur place avec d'autres fournisseurs. Il est gagnant vu que l'on dépense notre argent chez lui et qu'avec les taxes ça revient de toute façon dans sa poche mais on laisse à Goro ces petites victoires. On joue sur la durée après tout. Profitant d'un répit entre deux discussions sur le développement des futures chaînes d'assemblage, je rentre des données dans le petit ordinateur de mon logement.

Catherine : Cassandra s'approche de ta porte. Je la laisse entrer ?
Alain : Oui. Je ne l'ai pas vue depuis un moment après tout...

Une minute plus tard la jeune noble fourbue pénètre dans mon salon et va s'installer sur le canapé face à moi.

Cassandra : Je reviens d'une réunion... Il y a des demandes de plus en plus pressantes.
Alain : Ah bon ? C'est plutôt calme pourtant !

Il y a moins de monde dans la tour comme dans les chantiers, la raison étant que les procédés de créations de pièces de NT 3 sont bien plus lents que dans les niveaux précédents et que les recherches pour le NT 4 restent surtout dans le domaine théorique et impliquent donc une minorité des habitants de Camélia. Vu que je suis souvent enfermé en tête à tête avec mes ingénieurs tout en ayant Catherine me surveillant par-dessus mon épaule, je n'ai pas eu de temps à consacrer aux tâches du Triumvirat. Les deux autres membres semblent développer quelque chose de leur côté mais je n'ai ni temps ni attention à leur accorder.

Cassandra : Ces yeux ! Tu dors de temps en temps ?
Alain : Fabriquer tout un châssis de vaisseau en NT 4 se révèle un défi plus important que prévu. Je pensais qu'avec les données du Long Shot on y arriverait mais on a présumé de nos forces. On est donc en train de revenir au format MISS pour créer les technologies communes de base et... Catherine a mis son grain de sel...

Je projette le premier jet du design de l'appareil sur le grand écran mural.

Cassandra : Heu... C'est...
Alain : Oui. Le Victory de Space Ranger Alpha. Les gosses ont adorée cette émission ramenée dans les cales du Long Shot lors de notre premier passage et ont réussi à avoir l'oreille de Catherine assez longtemps pour lui parler du design des véhicules de la série. Elle est devenue une pure fan et je ne veux plus essayer de lui faire changer d'avis. Plus jamais. Des sermons de 48 heures c'est pas humain comme traitement...
Cassandra : Oh... Et... C'est réalisable ?

Je sens le tic nerveux qui me torture la joue se raviver et me retiens de me mettre une baffe. Les calculs structurels furent un véritable enfer ! Loin des formes géométriques simples des précédentes tentatives, notre prototype NT 4 est un petit bijou de design épuré, de lignes élancées et d'accents super-héroïques affirmés. Comme par exemple la partie inférieure de visage impassible, la tête couverte par un heaume inutilement tarabiscoté, les grandes et larges épaules (nids de lance-missiles dans la série), les emplacements d'arme à divers endroits nécessitant des plaques de blindage mobiles... J'ai eu l'aide enthousiaste de Catherine mais les choses pénibles restent pénibles.

Et il y a le reste des appareils...

Bien échauffée par cette conception cauchemardesque (pour moi), Catherine a glissées ses tentacules électroniques dans le design des futurs constructions. MISS de poche, armure assistée, corvettes, vaisseaux... Je vais bientôt me retrouver au cœur de cette série. Pour le moment, j'arrive à l'empêcher de transformer la salle de contrôle pour qu'elle ressemble à la base du héros mais ce n'est qu'une question de temps. Catherine peut avoir une patience humiliant une montagne si besoin est.

Cassandra : Heu... Ces vaisseaux... C'est bien ce que je crois ?
Alain : Oui. Le style Néo-Galion. Comme des navires de guerre de l'ère pré-spatiale mais pour l'espace. Les créateurs de la série ont de l'imagination... Hélas...

Finissant par une étrave pointue semblant conçue pour empaler son adversaire, l'appareil ressemblait en effet à un bateau par sa coque de section triangulaire, sa superstructure arrière contenant la passerelle de commandement et les larges tourelles portant l'armement sur les ponts supérieurs. Je trouve ça ridicule.

Je me sens bien seul dans ce cas.

Marc, notre pilote d'essai à peine apprivoisé, a dressé un campement pressurisé sommaire au pied du MISS super-héroïque en construction. Les techniciens se relaient pour lui rappeler de manger, dormir et prendre des douches. La série étant généreuse question variété d'appareils de toutes les tailles il y a des concours internes pour savoir quel design choisir pour quel type de construction.

Soyons franc : L'une des principales raisons de mon rythme de travail de forçat, c'est pour fuir ces discussions qui me dépassent totalement. Pour un ingénieur, c'est un comble...

Cassandra : Quel drôle d'avenir que nous nous préparons là... Oh, c'est vrai, la réunion ! Maintenant que nous avons un peu de temps devant nous les anciens sénéchaux de la colonie Camélia se sont réunis et on a beaucoup discuté. Il serait temps d'établir les statuts du système Kain !
Alain : Navré mais je suis assez peu au courant pour l'administratif une fois que l'on sort des procédures de construction.
Cassandra : Catherine est pire, crois-moi.
Catherine : Je n'y trouve aucun intérêt. Nuance.
Cassandra : Bref, nous sommes dans une situation un peu complexe. Officiellement, j'ai rendu mon titre et mes droits de succession un peu avant notre fuite. J'espérais que ça calmerait les ardeurs des envoyés impériaux mais cela n'avait eu aucun effet. Il n'y a donc officiellement pas de nobles impériaux dans ce système, en tout cas aucun d'importance suffisante pour pouvoir revendiquer les planètes.
Alain : Minute ! Il y a d'autres nobles à part toi ?
Cassandra : Oui, bien sûr ! Des jeunes filles que j'ai connues à l'académie qui était très intéressées par le développement des planètes et la gestion de personnel. La plupart sont de faible extraction et sont placées loin dans l'ordre de succession, elles rêvaient d'indépendance. Même mes deux servantes sont de plus haute lignée que moi à présent que j'ai rendus mes titres.
Alain : Bon... D'accord... Mais pas de danger que...
Cassandra : Non. Il faut un noble possédant un titre en propre. Elles n'héritent pas de ceux de leurs parents et n'ont rien de plus que des appellations comme « fille de » ce qui est la dénomination polie pour potiche tout juste bonne à marier afin d'augmenter l'influence de la famille.

Ils sont pas tendre avec les femmes dans l'Empire... Chez Solingen, les lignées sont tout aussi importantes mais on se moque de la porte des toilettes utilisées par le patron. C'est le meilleur qui gagne une fois qu'on a mis sur le même plan tous les héritiers de même rang !

Cassandra : Normalement, des personnes parvenant à fuir la zone de contrôle d'un souverain deviennent automatiquement libres. Le maître du système peut tenter de les pourchasser, voir de les tuer mais les fuyards, eux, gagnent le droit de se défendre. Si une planète sous contrôle impériale se rebelle, l'armée de la Couronne a autorité pour user de tous les moyens possibles sans qu'aucun autre pays n'ai son mot à dire. Dans le cas de fuyards c'est plus complexe. Ils ne sont pas des pirates ou une armée ennemie mais considérés comme des colons indépendants et la couronne Sylvanienne n'a donc aucune légitimité à les traquer. Si un pays n'a pas froid aux yeux il pourrait même nous venir en aide et il y a aussi le coût en image de marque de s'en prendre à des colonies indépendantes en formation.
Alain : Heu... Le fait que vous ayez fuit a dû pas mal écorner leur réputation. 20 000 personnes qui s'échappent, même par rapport aux centaines de milliards d'habitants des colonies du Second Cercle, pardonnez l'expression mais ça la fout mal !
Cassandra : Oui, ils peuvent être tentés de laver leur honneur par le sang. Mais la situation est rendue plus complexe pour eux par le fait que nous n'avons pas fondée une nouvelle colonie qu'ils peuvent vaporiser pour prouver leur valeur guerrière. Nous nous sommes intégrés à une colonie déjà existante !
Alain : Heu... Je rappelle quand même que la colonie en question n'avait que deux habitants.

Je n'aime pas le sourire que me lance Cassandra. Un mélange de dérision et de pitié.

Cassandra : Alain... Tu penses sérieusement que si tu annonce que deux personnes se sont amusées à construire une caverne artificielle de plusieurs centaines de kilomètres cubes juste pour passer le temps quelqu'un va te croire ?
Catherine : Techniquement, il n'a rien à voir avec la caverne. Il était en train de rassembler les éléments de la raffinerie D / T quand j'ai...
Alain : C'est bon je comprends ce que tu veux dire. Et des fuyards n'ayant emporté que le minimum vital n'auraient jamais pu construire tout ça non plus.
Cassandra : Exact ! C'est donc une colonie indépendante dirigée par un Triumvirat ! Nous avons discuté et sommes tombés d'accord pour Kaliméris !
Alain : Kali... quoi ?
Cassandra : C'est une plante pas très jolie mais extrènement robuste, poussant sur des sols difficiles. Et puis son nom commence par un K, pour faire un clin d'œil à l'initiale du nom du système.
Alain : On devient... Un pays ?
Catherine : Que gagnons-nous dans la défense de nos positions ?
Alain : Un pays...
Cassandra : Heu... C'est un peu long à expliquer et il y a d'autres points... Il nous faut une monnaie. Une grille de salaire. Les familles voudraient se rassembler dans des logements adaptés. Et il y a...
Catherine : Une affaire urgente m'appelle. Je te laisse.

Lâcheuse !