Chapitre 29 : Népotisme et stratégie d'avancement.
Même si l'Empereur prévoyait de punir les fuyards il ne pouvait pas laisser tout un corps expéditionnaire pendant des mois en attente devant la porte spatiale de Camélia. La force d'invasion avait souffert des mines spatiales mais ce furent les fantassins qui payèrent le plus lourd tribu. Des chausses-trappes dans la plupart des stations spatiales s'étaient soldées par la destruction pure et simple des énormes structures alors que quantité de soldats étaient encore à l'intérieur. Les groupes d'élite envoyés dans les vaisseaux abandonnées ont été vitrifiés dans la fusion incontrôlable des réacteurs programmés pour s'autodétruire à la moindre tentative d'intrusion de force. Il ne restait dans le système qu'une flottille se résumant à une frégate et ses deux appareils d'escorte.
Les stations étaient détruites et le système ne pouvait donc accueillir un contingent militaire important. Cette petite princesse n'a pas fait beaucoup d'études sur le combat spatial mais a parfaitement réussi son coup question terre brûlée. Ils avaient activée une petite porte spatiale au cœur de leur système, laissant l'envahisseur s'épuiser sur tous les pièges et ne révélant la présence de cette sortie sans balise que par le trouble spatio-temporel causé par sa destruction à l'aide d'une charge à retardement. Ils avaient découvert la destination des mutins grâce aux messages codés laissés par leurs espions et ont attendus des signalements de la part des diplomates officiant à Solingen et au Lotus.
Pas de trace d'arrivée de nouveaux réfugiés chez leurs voisins. Donc, les mutins étaient toujours dans le système Kain.
Vice-amiral Lorenz : Vous confirmez le rapport ?
Technicien : Oui, vice-amiral.
L'homme, issu d'une longue lignée de nobles ayant dévoués leurs vies à la flotte impériale, ne quittait ses quartiers luxueux pour se rendre à la passerelle que lorsque sa présence est nécessaire tels que les batailles ou les événements d'importance. Or, la capture de la sonde d'exploration en est un !
Lorenz : Ils sont donc encore là ! Parfait ! Je vais prévenir de suite l'amiral.
Technicien : Monsieur ? Il y a un message.
Lorenz : Je me fiche de ce que ces traîtres ont à me dire !
Technicien : Reconnaissance faciale... Négative. Ce n'est pas un citoyen impérial de Camélia.
Voilà qui était inattendu. A moins que ce ne soit un plan pour gagner du temps ?
Lorenz : Une opération de chirurgie esthétique ?
Technicien : Aucune trace relevée, monsieur. Il s'exprime avec un accent étranger. Selon l'agent Ficks de la sûreté, ce n'est pas un accent impérial.
Le gradé leva les yeux, cherchant le sombre spécialiste dans la vaste passerelle circulaire. Invisible. Comme d'habitude.
Lorenz : Je vais au siège de commandement. Envoyez-y le message.
Une fois assis sur le trône surplombant les postes de contrôle de l'appareil, il déplaça l'un des écrans fixés aux accoudoirs pour être le seul spectateur de l'étrange message. Mais, avant, il demanda des précisions au technicien.
Lorenz : Quelles données la sonde a envoyé ?
Technicien : Une structure artificielle repérée en orbite autour de Kain 6.
Lorenz : Une de leurs corvettes ?
Technicien : Non monsieur, une station spatiale. D'après les relevés, entre quatre et sept kilomètres de long.
Le vice-amiral fronça les sourcils, agacé. Encore une information contre-disant ce qu'il espérait, à savoir un rapport clair et précis parlant d'une flotte de petits appareils tournant en rond dans l'espace. En si peu de temps cette lâche n'aurait pas eu le temps de construire une structure pareille et elle n'aurait jamais pu la faire passer par la petite porte qu'elle a utilisée pour déguerpir. Commençant à sentir la frustration monter, il lança la lecture du message. Un homme apparut. Jeune, cheveux noirs bien coupés, yeux gris... Allure banale, du genre passe-partout. Il n'en impose pas comme le ferait un noble et n'est pas aussi raide que le serait un militaire. Étrange...
*** : Ici l'ingénieur Simon, chef de la colonie Kaliméris. À l'attention de l'équipe scientifique ayant envoyée la sonde : Le système est occupé. Notre colonie se développe bien et nous avons déjà les contacts commerciaux nécessaires à notre croissance. En tant que colonie indépendante nous refusons toute arrivée non-autorisée. J'ai fait intercepter la sonde pour dialoguer avec vous à l'aide de ses systèmes de communication trans-luminique point à point. Si vous souhaitez me parler, je me tiens à votre disposition mais, je le répète, notre colonie n'a pas besoin d'intervention extérieure.
Lorenz relança la vidéo encore deux fois dont une sans le son, observant la tenue, l'arrière-plan, la gestuelle...
Lorenz : De quelles autres informations disposons-nous ? Les vaisseaux qui ont interceptée la sonde par exemple !?
Technicien : Deux appareils ont été scannés. Un cargo de taille 3 de modèle inconnu. Et... Heu... Une barge rapide Vulcan...
Lorenz : Enfin une nouvelle intéressante ! Qui construit ce modèle ?
Si on arrive à retrouver le chantier spatial on pourra remonter de fil en aiguille jusqu'au mystérieux occupant du système. Mais le silence régnait à bord. Ramenant son sombre regard chargé d'hostilité au technicien, il le somma sèchement de répondre.
Lorenz : J'ai posé une question, soldat !
Technicien : Heu... Oui monsieur. Mais voilà... Personne ne construit ce modèle.
Lorenz : Ils ont cessé de le produire ? En cherchant qui a acheté l'appareil d'occasion, nous...
Technicien : Non monsieur. Personne ne l'a assemblé. Jamais.
Lorenz : Mais vous connaissez son nom ?
L'homme semblait tourmenté, se tordant les doigts et cherchant du soutient parmi ses camarades. L'un d'entre eux se mit en branle, pianotant sur son poste de travail et projeta sur le grand écran... un dessin animé ? Quelques secondes passant en boucle, montrant un petit appareil participer à une intense bataille spatiale, se faufilant entre les rayons lasers et répondant avec son propre armement avec générosité. Le technicien remercia son comparse et se tourna vers son supérieur, cherchant les mots.
Technicien : La barge d'interception rapide Vulcan... Heu... C'est ça. C'est un... élément... d'une œuvre de fiction nommée Space Ranger Alpha...
Le vice-amiral s'enfonça dans son siège, se massant les tempes le temps de digérer la nouvelle.
Lorenz : Et personne ne les construit ?
Technicien : Heu...
Encore une autre collègue qui le sauve en lui mettant une tablette entre les mains qu'il lit à toute vitesse avant de poursuivre.
Technicien : Le design est unique... Pour éviter de payer des droits à une MC. Et même si quelques personnes ont tenté de concevoir une réplique ce n'est jamais allé plus loin que la tentative maladroite qui ne pouvait pas sortir d'une zone pressurisée. L'appareil scanné par la sonde est donc le seul connu de ce genre et...
L'homme hésita. Ce n'est jamais agréable d'être le porteur de mauvaises nouvelles.
Technicien : Il y en a au moins deux. Un autre vaisseau, du même genre, s'approchait de la zone quand un technicien en EVA a déconnectés les capteurs de la sonde et... Il y avait encore d'autres appareils inconnus non scannés en bordure de la zone de détection.
Lorenz : Silence ! Tout le monde à son poste et en silence !
Resté seul à fixer les dos de ses subordonnés qui s'agitent, le haut gradé réfléchit à toute allure. Comme les choses se présentent, son espoir d'être celui qui annoncera au haut commandement impérial que la trace des fuyards a été retrouvée s'éloigne à grand pas. Pire, il risque de se ridiculiser ou de provoquer un incident. En plus, cinq autres sondes sont en chemin et vont surgir dans le système Kain au rythme d'une toutes les deux semaines. Quand elles sont en vitesse-lumière il est impossible de les contrôler et les opérateurs doivent donc attendre leur premier rapport pour les diriger vers les points intéressants. La rotation des planètes et l'orientation des systèmes les uns par rapport à l'autre aidant, il n'aura donc pas de vue de la géante gazeuse sauf à détourner une des sondes pour un lent et long contournement mais... Il ignore combien de vaisseaux rôdent dans le système. Cent corvettes peuvent fournir un réseau de détection assez dense si on fait fit du manque de confort et d'autonomie. Si, comme il le soupçonne, les fuyards ont mis en place une raffinerie D / T en orbite de la septième planète, c'est donc un des endroits les plus suspects en plus de la mystérieuse station spatiale cylindrique.
Les corvettes...
Il fit afficher sur deux écrans juxtaposés les images capturées par la sonde et celles du dessin animé, constatant les ressemblances et les différences. C'était un vrai jeu des sept erreurs : ces vaisseaux ont été conçus pour être aussi semblables que possible. Des corvettes avec un blindage fictif par-dessus ? Tout à fait possible mais sous-entend la présence d'un dock assez grand pour l'opération de camouflage. Et il y avait l'éléphant dans la pièce ! Il afficha sur un troisième écran la station spatiale. La sonde a été interceptée alors qu'elle était encore trop loin pour utiliser ses capteurs les plus élaborés mais les photos d'observation sont éloquentes. Un Cyl-dôme de taille 3 au moins... Trop grand pour être assemblé avec autre chose que des usines locales... Même en préfabriqué on ne peut pas en construire un en faisant venir ses éléments depuis un autre système à moins de disposer de cargos titanesques...
Il y a une colonie dans le système Kain. Assez riche et puissante pour s'installer dans une station spatiale fabriquée par leurs propres soins. Les fuyards ont dût tomber dessus par hasard lors de leur exode et... que s'est il passé ? Il y a eu combat ? Négociation ? Les impériaux sont repartis par la porte dans une autre direction ? Ils se sont installés dans la station ? Ou un mélange de tout ça ? Si les fuyards se sont éparpillés à travers plusieurs systèmes la vengeance de la couronne deviendra une œuvre de longue haleine !
Lorenz : Technicien ! Préparez un enregistrement ! Je vais répondre à ce « Simon ».
Technicien : Bien, monsieur !
La situation était devenue complexe. Trop pour qu'il engage son nom et sa réputation dans cette histoire. Il allait se contenter de réunir autant d'informations que possible et laisser ses supérieurs décider. Ses perspectives d'avancement disparaissent de l'horizon mais la Couronne n'encourageant pas les prises de risque par ses amiraux, il préférait passer pour un scribouillard qu'un imbécile.
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