Chapitre 34 : L'espionnage est une activité risquée. Vraiment.

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L'endroit était loin d'être praticable, accessible ou bien éclairé. Toutes ces raisons en ont fait son choix de prédilection pour sa mission.


Se hissant entre les deux parois métalliques sur cinq mètres, l'homme finit par atteindre son objectif. Tous ces efforts étaient facilités par sa combinaison NT 5 bien plus souple et compacte que les bricolages recrachés par la MC. Au-dessus de sa tête, son dernier obstacle. Soulevant délicatement la trappe de cinquante centimètres de côté pour la glisser vers sa droite, il vit alors ce qu'il cherchait : La face inférieure d'une sonde impériale.


Posées sur des tréteaux grossiers au sein d'un hangar bien fermé, les trois sondes déjà capturées avaient été sommairement désactivées et entreposées à la base avant que les équipes ne repartent en chasse. La plupart des militaires étaient donc en patrouille, tentant d'intercepter ces petits espions automatisés, laissant derrière eux ce soldat "victime" de problèmes gastriques. Ils étaient existants, mais pas au point de le clouer au lit. Se calant bien en écartant ses pieds et les posant sur des prises dépassant des parois, l'espion tendit les bras vers le haut et palpa la surface de métal pour vérifier si il était au bon endroit. Oui, cette trappe se trouvait juste en-dessous de l'accès d'entretien de la sonde. Il déverrouilla le panneau avec son code personnel et jeta un œil.


Parfait.


Plutôt que de trancher des câbles, ils se sont contentés de débrancher les connecteurs. L'antenne est donc intacte et l'alimentation principale n'est que désactivée au lieu d'être déchargée, les batteries étant encore en place. Pour réussir à envoyer son message il n'a donc qu'à l'insérer dans la machine, mettre un minuteur en place, brancher l'antenne et partir.


Le message sera transmis quand le soldat sera de retour dans ses appartements, vides étant donné que le bloc colonial dédié aux militaires a vu toute sa population aspirée par le décollage des corvettes. Le petit ordinateur compact... Là. Couper les messages automatiques d'allumage du système informatique pour éviter que les capteurs de la colonie ne repèrent la réactivation de la sonde trop tôt. Minuteur... Voilà. Vu le peu de temps qu'ils ont passé sur les sondes avant de les entreposer, ils croiront que ces composants supplémentaires se trouvaient dans l'appareil quand ils l'ont ramené. Fermant successivement les deux trappes, l'homme descendit ensuite doucement, sans faire de bruits, avant de ramasser son arme laissée au sol et la fixer à son emplacement dédié au dos de sa tenue.


Il n'avait pas peur des gens de Kaliméris. Formé au combat rapproché, à l'art de mentir et à jouer la comédie, il savait comment les manipuler. Les drones par contre...


Cette scientifique nommée Catherine ne cessait de lui mettre des bâtons dans les roues. Il savait que deux autres personnes avaient la même mission que lui sans connaître leur identité mais ils ne donnaient plus de nouvelles via les boîtes aux lettres mortes depuis un mois. La sociopathe paranoïaque a déjouées toutes ses tentatives d'intrusion dans la tour pour y planter des explosifs. Elle a dû installer dans la totalité des drones un système de surveillance guettant le moindre comportement suspect. Et le logiciel semble être aussi asocial que la programmatrice. Il ne se passait pas une semaine sans que quelqu'un soit blessé par un « accident de chantier ». Quiconque testait les limites de la patience du système de surveillance le payait. Immédiatement. Et cher.


Le réseau de passerelles secondaires sous la plate-forme de parking des navettes est dense et complexe. Utilisé pour stocker des installations secondaires comme celles de la lutte contre les incendies, les gaines électriques et tout ce qui pourrait être endommagé par les manœuvres de machines de plusieurs dizaines de tonnes, très peu de personnes l'utilisait en temps normal. L'entretien courant avait des échéances très espacées, lui permettant de se faufiler sans se faire remarquer d'un bout à l'autre du spatioport. Silencieusement, l'arme fixée au dos, l'espion progressait en s'efforçant de ne pas faire de bruits malgré le sol métallique. Il entendait l'activité au-dessus de sa tête, heureusement assez faible à cette heure de la nuit.


Tout d'un coup, des gyrophares s'allument !


Sur une portion éloignée du réseau de fines passerelles parcouru par l'espion, quatre gyrophares jaunes se sont enclenchés, signalant des travaux lourds à proximité. Un drone de construction arrivait sur zone ?


Crotte...


Pressant le pas et prenant déjà en ses mains son arme fixée au dos, l'espion se chercha une cachette. Les gyrophares annonçaient en fin de compte la descente d'un monte-charge jusqu'à son niveau. Des témoins ? Dommage pour eux. Son fusil, une arme compacte et meurtrière de NT 5 et réservée à l'élite de l'armée impériale, est surpuissant par rapport au matériel de défense produit par la MC. Pressant encore davantage le pas, l'homme se mit à l'abri derrière une armoire électrique. Patiemment, il attendait que le monte-charge remonte pour éviter que des personnes à l'étage n'entendent la fusillade via l'écoutille géante dans le sol du spatioport. L'arme était discrète mais il valait mieux éviter toute bavure.


Le monte-charge s'immobilisa à son niveau puis... Un silence étonnant. Pas de conversations ? Pas de mouvement ?


Clang ! Clang!


Merde ! Un bruit de pas métallique ! C'est un foutu drone !


Pendant que le monte-charge remontait, l'espion régla son arme sur la position anti-matériel. La batterie sera vite déchargée mais il pouvait la remplir à l'aide d'un branchement sauvage dans son logement. Une fois que l'élévateur s'immobilisa à l'étage et que les lueurs clignotantes des gyrophares disparurent, l'espion risqua un œil hors de son abri.


Une forme humanoïde se tenait au loin. Massive, frôlant les trois mètres de haut. Son apparence cubique propre aux conceptions de cette MC ne laissait aucun doute : C'était un MISS de poche crée ici, au sein de la colonie ! Englobant totalement son pilote dont les extrémités se trouvaient au niveau des genoux et coudes de l'armure assistée sur-blindée, le MISS de poche augmente la force physique de son porteur, son endurance, ses chances de survie dans des environnements farcis de shrapnels et de décompression explosives sans parler de son armement embarqué. Le pire ennemi du fantassin dans les couloirs étroits des coursives des vaisseaux et des colonies.


Pas d'armement de visible mais vu que l'espion ne s'est pas intéressé au programme il ignorait la nature de l'équipement embarqué par les armatures de combat de Kaliméris. Après tout, ils n'existent encore qu'au stade de prototypes et ne sont pas déployés parmi les troupes.


*** : Ce coup-ci je te tiens.


Et son pilote n'est pas là par hasard. Sa couverture est grillée ?


*** : Joli appât, hein ? Tu imagines le temps qu'il a fallu pour trouver un emplacement où mettre les sondes où quelqu'un pourrait s'introduire discrètement ? Il a même fallu refaire une partie des passerelles pour que ce ne soit pas facile d'accès. Des jours que je guette les caméras. Enfin...


L'inconnu ne connaît donc pas son apparence vu que la visière de la combinaison impériale est comme un miroir sans tain. Et il semble être venu seul. Tant pis pour lui. Surgissant de derrière sa couverture, l'espion aligna le MISS dans ses optiques de visée. Il était à une cinquantaine de mètres mais la cible, énorme, lui facilitait la tâche. Il tira immédiatement, la décharge laser balayant l'air en un crissement de soie déchirée avant de frapper avec violence le torse de la machine. Sans surprise, la structure se plia à l'impact. Au mieux, la MC ne pouvait produire que du NT 3 question armement militaire. Le NT 4 n'est encore qu'en projet. Incapable de résister à la puissance d'une arme conçue pour pulvériser des véhicules, la plaque de blindage du torse se chiffonna comme une feuille de papier alu, la décompression faisant gicler l'air de l'intérieur de l'armature en tout sens.


C'est fini.


Malgré leurs efforts, le Triumvirat n'était pas encore parvenu à assurer une atmosphère respirable dans l'immense cavité. Entre le choc de l'impact qu'il a dû se prendre en pleine tête et le manque d'oxygène, le pilote ne survivrait pas. L'espion rangeait déjà son arme, trottant vers la voie de sortie qu'il s'était préparé.


*** : Pas mal. J'aurais dû m'y attendre...


Méga-crotte !


Il doit porter une combinaison étanche sous l'armure. Et il est visiblement du genre coriace !


Reprenant son arme, l'espion pivota vers son adversaire qui avait repris sa progression sur la passerelle grinçant sous son poids. Tirant avec précision, l'homme frappa juste au-dessus du genou droit de la machine. Encore une fois, le faible blindage ne put rien faire pour empêcher le tir de pénétrer dans l'armure. Mieux, des composants furent même éjectés derrière la machine, preuve que le rayon a littéralement traversé à la fois les protections et le membre du pilote. Là, il ne devait plus rien y avoir entre le genou et le pied. Maintenant que sa jambe était tranchée, ce serait bien plus dur de...


Boitant, la machine continuait de progresser, implacablement.


Un nouveau tir. Ce coup-ci juste au niveau de l'aisselle gauche du robot. C'est là que se trouve le bras de son pilote et avec la perte de sang massive d'une telle blessure il va...


Un nouveau pas, à peine gêné par la perte d'équilibre dû au monstrueux impact de l'arme.


Commençant à paniquer, l'espion décida de laisser tomber la délicatesse et de tuer à coup sûr le pilote, vidant la batterie de son arme, décharge après décharge, dans le torse déjà endommagé. Une fois que le poste de pilotage serait transformé en charpie, ce monstre devrait...


Un impact eu plus de résultats que les autres, déclenchant une petite explosion. Sûrement la réserve d'hydrogène. Le MISS s'effondra brutalement au sol. Immobile. Les seuls bruits audibles au milieu du réseau de passerelles n'étaient plus que l'activité lointaine des ouvriers au-dessus de lui, celui du métal torturé et bouillant en train de refroidir et les halètements de l'espion.


Qu'est-ce que c'était que ce taré ?


Vu qu'il est officiellement soldat il a fréquenté beaucoup de ses "collègues", se faisant des petites fiches sur ceux qui sont faciles à manipuler ou ceux à éviter. À sa connaissance, personne n'a eu de formation de pilotage de MISS de poche et Marc, le pilote d'essai, est plus dingue de pilotage que de combats. Qui était donc au commande de cette...


Il bouge.


L'alimentation de secours s'enclencha, les batteries secondaires alimentant à nouveau l'armature disloquée. Des cliquètements parcourent l'armure fracassée au sol et, doucement, elle se releva. S'aidant des deux bras pour saisir les rambardes de la passerelle, le MISS les fit doucement ployer pendant qu'il se redressait, fixant l'homme avec une intensité terrifiante via les capteurs luisant au fond de sa tête cubique déformée. Il n'était plus qu'à une vingtaine de mètres.


*** : Maintenant... Je suis vraiment en colère !


Avec une vigueur effrayante, les larges gestes brisant des parties endommagées du blindage et projetant des débris en tout sens, la machine commença à sprinter en sa direction. La batterie de son arme étant épuisée, l'espion se retourna et couru droit devant lui.


C'est... C'est pas vrai !? C'est un cauchemar !?


*** : Reste ici ! Tu n'as pas intérêt à fuir par là, tu m'entends !?


Raison de plus pour accélérer ! Endommagée par tous les coups précédents et surtout handicapée par sa patte folle, la machine ne parvenait pas à le poursuivre au maximum de ses capacités. Athlétique, l'espion galopait aussi vite qu'il le pouvait, ses muscles carburant à la terreur pure.

*** : Non ! Arrête !


La porte juste devant lui n'est qu'un sas d'entretien. Beaucoup trop étroit pour le MISS. Utilisant la télécommande fixée à sa manche, l'espion la fit s'ouvrir à distance, plongeant tête la première à travers l'ouverture d'à peine cinquante centimètre de côté qui se referma derrière lui. Ouf ! Enfin libre de...


*** : On ne bouge plus !


Dans la pièce se trouvaient déjà trois soldats, armés et braquant directement leurs fusils sur lui ! Rompu aux mensonges, l'espion tenta de se sortir de ce pétrin par une pirouette verbale.


*** : Il y a un taré qui me poursuit ! Il va pas tarder à...
Jenkins : On sait.


Merde ! Le chef de la sécurité ! Si il se trouvait là, cela signifiait que sa couverture...


Le sas s'ouvrit en un chuintement, le bras métallique du MISS en émergea comme dans un cauchemar, l'agrippant par sa ceinture.


*** : Il est à moi !
Jenkins : Non, Catherine. On s'était mis d'accord je crois. On devait l'arrêter ici.
Catherine : J'use de mon droit de veto. Je l'ai utilisé pour l'embuscade sur les passerelles. Je le tiens donc il est à moi.
Jenkins : On lui a déjà mis les bracelets.
Catherine : Merde !


L'espion sursauta. Même si ces hommes le menaçaient de leurs armes, personne n'avait encore fait le moindre geste pour lui mettre des menottes. Jenkins se rapprocha de l'espion, son murmure se diffusant avec peine dans l'atmosphère ténue.


Jenkins : Vous voulez vraiment que ce soit elle qui vous interroge ?


Évaluant les deux possibilités, l'homme tendit rapidement les bras vers le militaire.

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