Je n'aime pas ça...

En sortant de la porte spatiale, avant même que nos senseurs n'aient un visuel de l'espace environnant, nous avons détectée la fermeture du passage derrière nous. Ils bloquent toute possibilité de fuite ? Ce n'est pas bon.

Alain : On peut encore communiquer avec Kain ?

*** : Ils ont aussi coupée l'antenne de liaison. Rupture physique.

Le technicien radio m'affiche sur le grand écran principal un petit vaisseau flottant près de la porte. Des ouvriers en tenues pressurisées travaillent sur l'un des quatre éléments du trou de ver artificiel.

Alain : Radar ?

*** : Aucune vague de détection autre que celle de la frégate stationnée à proximité. Comme d'habitude.

Alain : Moteurs ?

*** : Pas de tentative de disruption par assaut ionique. Tout est fonctionnel.

Je reste vigilant encore quelques instants, m'attendant à un changement soudain causé par une attaque en règle, mais rien ne se passe. Je recommence à respirer et active le système d'annonce interne au vaisseau pour mettre l'équipage au courant de la situation et leur demander de rester vigilants et prêts à l'action.

*** : Communication externe. C'est Goro Portus.

Alain : Je le prends. Silence sur le pont.

Il a l'habitude d'apparaître affalé sur des coussins, en train de déjeuner ou de se détendre avec un petit jeu incompréhensible entre les mains. Mais cette fois il est debout, droit comme un I et vêtu d'habits plus cérémonieux qu'à l'accoutumée.

Goro : Bonjour, Simon. Ravi de voir que vous avez pu venir.

Alain : Bonjour. Je suis...

*** : Vous n'êtes pas Simon.

Quelqu'un s'invita sur la fréquence, brouillant temporairement la silhouette du maître du système avant de se stabiliser comme une seconde silhouette sur un autre écran après une opération rapide de mon équipage.

*** : ID HJY-458-TRB-920. Nom usuel, Alain. Diplômé de l'académie technique de Junes.

Petites lunettes noires, sec comme un coup de trique, cheveux gris très courts. Je ne connais pas ce type en costard mais je ne l'aime pas.

Goro : Cessez immédiatement !

*** : Je suis là pour...

Goro : Vous êtes mon invité. Si vous vous comportez comme un intrus vous serez traité comme tel ! Quittez immédiatement cette fréquence ! Maintenant.

*** : Soit...

L'inconnu au costard disparut et la silhouette de Portus redevint nette.

Goro : Je suis désolé pour ça.

Alain : Vous n'avez pas à vous excuser pour le comportement de ce type.

Goro : Non c'est... Solingen a fait pression sur la fédération. Ils ont lié une partie de leurs contrats avec nous à... cette rencontre.

Alain : Et ils vont l'avoir.

Goro : Ils ont demandé notre entregent pour rencontrer le chef de la colonie qui prend depuis des mois leurs éléments perturbateurs. Des espions à leur solde ont dû, à ma plus grande honte, mettre la main sur nos enregistrements de conversations. Ils ont alors modifiées leurs exigences et demandé à vous rencontrer, vous.

Alain : Je me doutais qu'un truc de ce genre finirait par arriver mais vous êtes conscient que nous n'avons eu aucune activité illégale dans la fédération du Lotus.

Goro : Non, effectivement.

Alain : Et que mes hommes n'ont jamais rien fait pour vous contrarier.

Goro : Heu... Oui ?

Alain : Et que si vous coopérez avec une force étrangère pour nous nuire, vous devenez de facto nos ennemis ?

L'affichage montre un Goro s'affaissant légèrement et poussant un soupir de fatigue.

Goro : Monsieur Simon. N'aggravez pas la situation...

Alain : Et que proposez-vous ?

Goro : La Libellule de Nuit, mon vaisseau amiral, est bientôt sur votre position. Nous aurons à bord les envoyés de Solingen et c'est au sein de ma salle de réunion que se dérouleront les conversations. Mon appareil fera office de terrain neutre. Ils ont obtenu cette rencontre en tordant le bras de mes représentants et nous ne leur accorderont rien de plus.

J'eus un peu pitié du marchand. Il ne dirige que quelques systèmes à la frontière de la fédération et le voilà à devoir jouer les nounous d'une délégation de l'une des puissances industrielles les mieux équipées de la région. Il a reçu des ordres mais n'aime pas ça.

Alain : Soit. Je vais donc rencontrer ces personnes en tant que représentant de...

*** : Négatif.

Ce... C'est une blague ?

Je pivote d'un bloc, regardant la silhouette croisant crânement les bras à l'entrée de la passerelle de commandement. Combinaison moulante aussi noire que la cape, tenue d'amirale blanche semblant extraite d'un dessin animé... Il n'y a qu'une seule personne dans la galaxie qui se pavane ainsi sans la moindre honte.

Catherine : Ils ont demandé à voir le chef de la colonie. Et ils vont la voir !