Chapitre 49 : La poussière est retombée.
Ministre : Voilà qui est bien embêtant.
Les deux militaires restaient au garde à vous devant le ministre de la guerre, assis confortablement derrière son bureau. Il avait même cessé de s'occuper de sa plante verte pour leur parler, signe de son agacement. Lorenz n'en menait pas large. Il s'attendait à se faire débriefer mais pas à ce que son supérieur qu'il croyait mort soit de retour à la capitale impériale avant lui !
Le ministre regarda à nouveau les données, espérant peut-être lire quelque chose d'autre. Puis il poussa un long soupir et s'affala sur le dossier de son siège pivotant, laissant flâner son regard sur les deux militaires.
Ministre : Vous confirmez donc les dires du vice-amiral Lorenz ?
Kent : Oui. Force ennemie d'une puissance incommensurable. Pas une syllabe ne manque.
Ministre : Parlez-moi un peu de votre voyage. Celui qui vous a mené devant cette... femme.
Sa misogynie était légendaire au sein de l'establishment impérial. Le fait que ce soit une femme qui ai mis ses plans en échec le frustrait donc encore davantage qu'une défaite ordinaire.
Kent : Après qu'ils aient détruits les deux cuirassés, plusieurs croiseurs et appareils d'escorte, les forces de Kaliméris ont fouillées les environs pour retrouver les capsules de sauvetage. J'ai été récupéré et mis à fond de cale avec une partie de mon état-major et d'autres soldats. Le voyage a duré plusieurs heures mais je ne pourrais pas vous dire combien : ils ont usé de sédatifs. Quand je me suis réveillé j'étais seul, dans une navette en cours de descente orbitale, en compagnie de plusieurs militaires Kaliméris.
Ministre : Vous avez envisagé de vous débattre ?
Kent : Contre cinq hommes équipés d'armures assistées ? Non. Une fois arrivés à destination ils m'ont fait sortir et j'ai été frappé par la pesanteur intense. La même que celle à l'intérieur de leurs vaisseaux. J'étais dans une caverne et...
Ministre : Une estimation de la taille de la cavité ?
Kent : Je dirai plusieurs kilomètres de diamètre.
Ministre : Une caverne de plusieurs kilomètres de profondeur... Hmmm. Une base souterraine sur une des planètes du système, donc.
Kent : Non monsieur. Plusieurs kilomètres de diamètre. Je me suis tenu au bord de la surface d'atterrissage et je peux vous affirmer que cette structure est absolument gigantesque.
Un gros silence. Lorenz se doutait de ce qui se passait dans la tête du ministre : Un gouvernement capable de faire un tel tour de force, ce n'est pas courant. Et l'un d'entre eux a réussi cet exploit à leur nez et à leur barbe.
Kent : C'est là que je l'ai vue. La femme. Elle n'était pas habillée comme dans les enregistrements. C'était une tenue de pilote, très moulante, d'un beau vert émeraude. Le même vert que la machine devant laquelle elle se tenait. Le vice-amiral les a référencés comme « Démons azur et or ».
Les dieux soient loués il n'a pas été capturé. Il se serait fait dessus devant un spectacle pareil.
Kent : Elle ne m'a pas fait venir pour des négociations. Elle m'a clairement fait comprendre que, nous étant comportés comme une force invasive sans respecter le moindre traité en cours, elle avait tout à fait le droit de me traiter comme un pirate et donc de me punir comme elle le souhaitait. Elle avait décidé de me renvoyer vers le système Camélia. Moi et tous les serviteurs de l'empire qu'elle avait capturés. Elle a annoncé nous entasser dans un croiseur Sylvanien léger récupéré sur le champ de bataille. Ensuite, j'ai été ramené dans la navette et y ai été sédaté sans ménagement. On s'est effectivement réveillés à bord d'un appareil impérial réparé grossièrement alors que nous étions déjà dans l'intervalle de deux portes.
Ministre : Avez-vous remarqué autre chose ?
Kent : Presque tout... Non... Tout ce que j'ai vu était d'un NT qui m'est inconnu. Donc au moins NT 6.
Ministre : Hmmmm... ça concorde, ça concorde. Autre chose ?
Kent : Hé bien... la plastique de cette femme est agréable à regarder ?
Ministre : Vous me passerez de ces élucubrations qui émanent de votre...
Kent : Je veux dire que si c'est une cyborg, normalement ça se voit. C'est généralement caché par les vêtements mais dans son cas elle portait une tenue très moulante ! Je ne voyais pas trace des indices révélant la présence d'un corps cyborg, surtout d'un matériel militaire tel que celui qu'elle a dû utiliser lors de la conférence de Portus !
Ministre : Hmmmm... Elle passerait d'un corps à l'autre ? Donc une infrastructure médicale de haute qualité.
Un nouveau silence. Puis, la réunion atteignit les tréfonds de l'horreur.
Le ministre lui adressa la parole.
Ministre : Vous pensez vraiment ce que vous avez écrit concernant les aspects de leurs stratégies.
Lorenz : Heu... quelle partie, monsieur ?
Ministre : Comme quoi ils n'ont pas besoin d'un autre cuirassé pour abattre l'un des notre ?
Lorenz : Hélas oui, monsieur. Ces croiseurs de type Bunker, utilisés en masse, peuvent facilement contrer nos propres appareils. C'est blessant de ne serait-ce qu'y penser mais... si nous retournons là-bas, il y a fort à parier qu'ils auront amélioré le concept et que n'importe lequel de leurs astronefs de taille équivalente à celle de nos croiseurs légers ne soient devenu un danger mortel pour les meilleurs vaisseaux de la couronne.
Ministre : Hummm... Je vois... Catherine Truelove, hein... C'est vraiment frustrant... Elle a annoncée sa stratégie avant même le début des hostilités.
Kent : Pardon monsieur ? Nous avions des informations ? Un espion ?
Ministre : Non. Ils ont visiblement tous été neutralisés. Mais Truelove... Connaissez-vous la série de dessins animés nommée Space Ranger Alpha ?
Les deux hommes restèrent silencieux, se regardant avec l'air de dire « il perd les pédales ? ». Ignorant les airs étonnés de ses subalternes, le ministre continua.
Ministre : Catherine Truelove est un personnage de cette série. Un rôle relativement mineur. Elle n'est apparue qu'à l'occasion d'un film du genre moyen métrage. Elle tient tête à une force armée voulant envahir son système. Sa stratégie consistait à mettre ses adversaires face à des proies faciles pour leur faire prendre de l'assurance. Puis, quand ils arrivent enfin face à elle, ses antagonistes comprennent trop tard qu'ils ne sont pas face à une proie acculée mais ont affaire à un chasseur patient et attentif. Tout a été pensé et réfléchi pour vous mener face à ces quatre cuirassés...
Le ministre fit pivoter le siège pour se tourner vers la baie vitrée donnant comme panorama les toits de la brillante et luxueuse capitale impériale.
Elle joue sur le temps long. Se moque de ce que l'on pense d'elle et de son goût pour des appareils taillés pour plaire à des enfants. Elle est incontrôlable, incompréhensible et imprévisible. Tant qu'elle serait à la tête de Kaliméris, un assaut sur ce système restera dangereux.
Pas grave. Elle vieillira, dépérira et disparaîtra.
Dans sa chute, elle entraînera la colonie qui ne parviendra pas à se maintenir sans sa poigne et l'Empire n'aura plus qu'à ramasser les morceaux. Les chefs de guerre dont les héritiers détruisent les fruits de leurs travaux, c'est monnaie courante dans le Second Cercle. La couronne aussi appliquait les stratégies de temps longs.
La couronne est immortelle. Les humains, eux ne le sont pas.
Elle finirait bien par mourir de vieillesse.
Non ?
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