Quelques heures plus tôt, au nord de la banlieue parisienne.

Aucun son n'accompagna le coup de feu. Silencieuse, la balle vint se loger dans la nuque de sa victime qui s'effondra. Des hurlements accompagnèrent sa chute. La foule s'écarta. Le corps, inerte, faisait désormais l'objet des regards fascinés et horrifiés de bon nombre de spectateurs. Certains étaient paralysés, d'autres cherchaient des yeux l'assassin ; une grande majorité avait fui, et quelques uns sortaient leurs portables en toute hâte dans l'espoir de prendre des photos exclusives afin de pouvoir les poster sur internet. Qui sait, peut-être parviendraient-ils à faire le buzz ?

Par la fenêtre d'un immeuble, Alice, de ses yeux froids, observait la scène, impassible. A une époque elle avait cru en la beauté de l'âme. En l'humanité. Au fil des années, pourtant, elle avait compris que la face du monde n'était qu'illusoire et qu'en son sein grouillaient les maux les plus indescriptibles. Lasse de lutter à contre courant pour espérer garder la tête hors de l'eau, elle avait sombré dans les abysses, refusant de résister davantage. L'argent, la luxure, le vice, le meurtre... La facilité.

Tel un fantôme, elle disparut à travers les ombres en compagnie de son attirail précieusement rangé dans la large mallette qu'elle tenait à la main. Empruntant une porte dérobée, les talons de ses bottines claquant sur les pavés, elle marchait à vive allure, se frayant un passage entre les piétons. Au loin, une sirène retentit. La police ? Les urgences ? Peut-être les deux à la fois... Une telle efficacité n'était cependant pas dans leur nature.

N'est-ce pas ?

Alice tourna vaguement la tête en direction de la scène du crime. Désormais, quelques rues l'en séparait. Plus vite elle s'éloignerait, plus vite elle pourrait rentrer chez elle, fermer les yeux, et dormir. Avant toute chose, elle fit un crochet par l'un de ses appartements et y déposa sa précieuse mallette qu'elle dissimula sous une latte du plancher.

Cliché 1. Originalité 0.

Alice ne venait habiter cet endroit qu'en de rares occasions, quand un besoin de solitude se faisait sentir, ou que des affaires urgentes la poussait à feindre une vie de célibataire. Son mari ignorait tout de ses activités illicites. Pauvre homme. Alice l'avait choisi parmi tant d'autres pour sa fortune, et sa vie aisée. Il s'était cru chanceux de l'avoir pour épouse, mais l'était-il ?

Alice descendit ensuite jusqu'au point de rendez-vous où elle n'attendit Marcus que quelques minutes.

Puis ce fut la route, la ville illuminée à travers les ténèbres, le bruit du moteur, le froid, la neige, la forêt, le labyrinthe, l'attaque, le murmure.

Alice...

– Alice... Alice !

Alice ouvrit les yeux. La voiture était à l'arrêt et Marcus, la tête tournée dans sa direction la regardait, les sourcils légèrement froncés. La jeune femme redressa la tête, déboussolée. Son regard tomba d'abord sur ses pieds nus, avant que sa main n'aille se porter à son arme, toujours dissimulée sous sa veste noire. Un soupir inaudible s'échappa de ses lèvres, soulagée.

– Tu as besoin d'aide pour sortir, ou bien tu vas y arriver ? railla Marcus en la dévisageant.

Alice savait qu'au fond il était inquiet ; elle s'empressa donc de lui sourire, d'enfiler ses chaussures et d'ouvrir la porte.

– Un galant homme aurait tenu la portière ouverte...

– Je ne suis pas un galant homme !

Alice lui sourit de plus belle et le regarda s'éloigner, pensive, avant de rejoindre le grand appartement qu'elle partageait avec son époux. Ce dernier dormait certainement. Tant mieux.

Alors qu'elle poussait la porte d'entrée, un frisson parcourut son échine. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, scrutant les ténèbres. Il lui sembla percevoir un lointain murmure mêlé à la brise du vent. Avant que son esprit ne lui joue des tours, elle se hâta d'entrer et claqua la porte sur ses talons, laissant les ombres entre elles.

A SUIVRE.