Chapitre 2

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La fumée d'une cigarette s'éleva un instant dans l'air avant d'être balayée par une brise de vent.

– Arrêtez de fumer cet infect poison sur les scènes de crime, Capitaine, et concentrez-vous un peu sur l'affaire !

Le capitaine Lucas Deschamps jeta un regard dédaigneux au commissaire Charles Delmar avant de lancer son mégot sur le sol et de l'écraser de la pointe de sa chaussure. Il plongea ensuite les mains dans les poches de son pantalon et se retourna vers la fameuse scène de crime. Le corps de la victime, un homme d'une quarantaine d'années, avait été redessiné à la craie sur le sol. Selon les rapports, la mort n'aurait pu être plus nette : une balle entre les deux yeux.

– Quelles sont les précisions sur la balle ? S'enquit le capitaine, s'attendant à ce que la jeune Aglaé lui fournisse les détails. Mais la voix qui s'éleva dans l'air lui arracha une grimace

– .375 Chey Tac, capitaine.

– Jonathan... souffla Lucas, retenant un soupir de lassitude.

– D'ordinaire je demande aux gens de m'appeler John. Mais restons-en au monsieur, voulez-vous, capitaine ?

Monsieur Around, combien de fois vous a-t-on demandé de ne pas vous mêler des affaires de la police ? S'informa Lucas qui, visiblement, tentait de garder son calme, la mâchoire serrée.

– Quatre fois, très exactement. Je ne perds jamais le compte. Permettez...

Jonathan s'apprêtait à dépasser le capitaine qui lui barra la route, le fusillant du regard.

– Je suis fatigué de devoir vous le répéter sans cesse... Mais vous ne faites partie ni de la police, ni d'une autorité compétente. Vous êtes professeur de littérature et vous entravez une enquête judiciaire. Alors, s'il vous plaît, sortez de vos romans d'Agatha Christie et laissez-nous faire notre travail...

Jonathan plongea les mains dans les poches de sa veste en fixant le capitaine de ses yeux perçants.

– Je pencherais plutôt pour les écrits d'Arthur Conan Doyle, si cela ne vous ennuie pas, se contenta-t-il de répliquer.

Excédé, Lucas leva les yeux au ciel et tourna le dos à son interlocuteur, feignant ainsi de l'ignorer dans l'espoir de le voir déguerpir. Pourtant, Jonathan n’en fit rien. Stoïque, il attendait. Comme le capitaine persistait, un soupir s’échappa des lèvres du professeur qui recula de quelques pas.

– Vous savez que vous avez besoin de mes compétences, commença-t-il.

– Dans vos rêves, le coupa Lucas, la main levée en se retournant vers lui, je vous le demande une dernière fois poliment : dégagez.

Jonathan soutint son regard quelques secondes avant de hausser les épaules et de s’éloigner avec nonchalance. En passant devant le commissaire, qui revenait avec un café, il le salua d’un hochement de tête puis disparut à l’angle de la rue. Lorsque Charles Delmar arriva à la hauteur de Lucas, il s’enquit :

– Encore lui ?

– Toujours lui, grommela le capitaine, Mais assez perdu de temps, déclara-t-il, retirant une nouvelle cigarette de son paquet.

Un peu plus loin, adossé contre le mur d’une avenue, Jonathan Around attendait, silencieux, son téléphone collé à l’oreille. Après plusieurs sonneries, une voix distinguée retentit à l’autre bout du fil :

Allô ?

– Bonsoir, docteur Godric… Je vous appelle à propos d’Alice Davis.


* * *


A nouveau, la forêt se dressait devant elle. Il faisait encore nuit, mais cette fois-ci des étoiles avaient rejoint la lune dans le lointain. La flamme des lanternes projetait sur la neige de douces ombres dansantes et le vent balayait la fine couche de poudreuse s’accumulant aux pieds des sapins. Alice resserra les pans dans sa veste contre sa poitrine. Son souffle haché par le froid produisait une légère buée dans l’air, contrastant avec la chaleureuse atmosphère retrouvée à l’entrée de ce paisible labyrinthe.

Hésitante, presque craintive, Alice s’avança de quelques pas, curieuse, fascinée. Elle ne voulait pas que l’image se brise, comme la dernière fois. Aux aguets, elle attendait. Un autre pas. Toujours rien. Un autre. Personne. Un troisième. Sur sa gauche, un craquement. La jeune femme tourna vivement la tête, les narines frémissantes, le cœur battant. Rien.

Alice.

Une voix, faible murmure porté par le vent, l’appelait. Reportant son attention sur le labyrinthe qui s’ouvrait sur un chemin clair et lumineux, elle hésita.

Alice…

Tiraillée par sa curiosité, la jeune femme reprit son avancée, se retrouvant plus proche que jamais de l’entrée du labyrinthe. Soudain, les bourrasques de vent s’intensifièrent, la faisant frissonner. A nouveau, la lumière tremblota, menaçant de s’éteindre. Sans crier gare, prise d’une curieuse panique, Alice s’élança sans plus attendre sur le sentier enneigé en plein cœur du labyrinthe. Elle ne voulait pas que le décor s’effondre, que le rêve cède une nouvelle fois au cauchemar. S’y cramponnant avec fermeté, elle suivit les lanternes qui éclairaient le chemin entre les haies.



A SUIVRE.

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