
Rozane
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Fin XIXème siècle.
Lisette a onze ans quand son grand-père disparaît. Refusant la vie misérable qui devrait être la sienne, elle décide de fuir la campagne et convainc son oncle de la ramener avec lui à Paris où il est domestique dans un hôtel particulier.
Elle sait déjà qu’il ne pourra pas l’héberger et, dès le premier soir, elle erre seule dans les rues de la grande ville à la recherche d’un gîte pour y passer la nuit.
Son caractère déterminé lui permettra-t-il de faire face à cette situation périlleuse et au destin hors du commun que l’avenir lui réserve ?
Lisette a onze ans quand son grand-père disparaît. Refusant la vie misérable qui devrait être la sienne, elle décide de fuir la campagne et convainc son oncle de la ramener avec lui à Paris où il est domestique dans un hôtel particulier.
Elle sait déjà qu’il ne pourra pas l’héberger et, dès le premier soir, elle erre seule dans les rues de la grande ville à la recherche d’un gîte pour y passer la nuit.
Son caractère déterminé lui permettra-t-il de faire face à cette situation périlleuse et au destin hors du commun que l’avenir lui réserve ?
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On est dans les années 70 mais peu importe, on est souvent hors du temps en Bretagne.
Il y a là Fabrice qui aimerait bien être ailleurs, Suzanne, la solitaire, Guillaume, l'instituteur qui veut changer le monde, Sergueï venu de Russie jusqu'à ce bout du monde. Il y a aussi le petit Maxime et Crenn le vieux paysan. Mais surtout il y a la dureté de la mer, les bourrasques de pluie sur les îlots et les silences entre deux vagues.
Il y a là Fabrice qui aimerait bien être ailleurs, Suzanne, la solitaire, Guillaume, l'instituteur qui veut changer le monde, Sergueï venu de Russie jusqu'à ce bout du monde. Il y a aussi le petit Maxime et Crenn le vieux paysan. Mais surtout il y a la dureté de la mer, les bourrasques de pluie sur les îlots et les silences entre deux vagues.
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Défi
Il fait nuit. Je suis seule comme d'habitude dans ce gîte rural que je loue pendant l'hiver. Il fait nuit mais il est encore tôt. C'est le moment de l'année que je préfère, la fin du mois de novembre. Comme tous les soirs, je vais sortir. Je prends une petite couverture, j'ouvre la porte et je pars dans le noir à travers le champ qui s'étend devant la maison. Un troupeau de moutons dort dans l'ombre derrière une clôture. En quelques minutes, j'atteins un chemin creux que je connais bien. J'avance encore puis je m'arrrête. Le vent souffle dans les saules au-dessus de moi. Il pleut un peu. Je m'assois contre le talus en serrant mes genoux dans mes bras. Je ne me sens pas seule parmi les plantes, je ne me sens pas seule dans la nuit qui m'entoure, je ne suis jamais seule dans la nature. Je reste là, longtemps, cherchant à recevoir une réponse aux nombreuses questions que je me pose, cherchant à emporter quelque chose de ce moment-là , quelque chose qui donne du sens aux jours, même si je sais que c'est en vain. On ne peut pas répéter les secrets que nous disent les plantes des talus la nuit.
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En attendant son repas au restaurant de l’hôtel, assise face à sa gouvernante, Lisette s’ennuyait. Chaque soir, les dîners lui semblaient interminables et elle cherchait comment s'occuper. Alors qu'elle essayait de s’intéresser au lustre à pendeloques du hall qu’elle entrevoyait derrière la vieille dame de la table voisine, son regard fut attiré par l’éclat du collier que celle-ci portait et qui brillait à chacun de ses gestes. C'était probablement des diamants et ils devaient valoir une fortune ! Face à cette dame, un homme, son mari sûrement, mangeait sans dire un mot. Lisette s’interrogea : était-ce une comtesse ? Une duchesse ? Quelle était la différence d’ailleurs ? Un comte et une duchesse pouvaient-ils être mariés ensemble ? Est-ce qu’ils s’aimaient ? Lisette n’aurait jamais osé poser la question à Marie-Aurore, assise devant elle, silhouette fluette vêtue de noir et de blanc, impeccable et discrète. Intimidante cependant.
Bientôt on apporta à la table voisine une superbe part de tarte meringuée. Au citron peut-être ? La région en produisait. La vieille dame ne sembla pas plus contente pour cela, elle prit avec grâce sa fourchette à dessert et ses pierreries brillèrent de plus belle. Lisette décida de les compter. Elles étaient disposés sur deux rangs : des petites d’abord, près du cou et, plus bas, de plus grosses, un peu ovales, qui brillaient comme des larmes. Après s’être trompée à plusieurs reprises, elle divisa mentalement le collier en deux et réussit à dénombrer douze petits diamants et six gros. Elle en était à se demander combien de pierres étaient invisibles sur l’arrière du cou de la dame et même s’il y en avait quand celle-ci la foudroya soudain d’un regard incroyablement dur qui la fit sursauter comme si elle recevait un coup. Au même moment, Marie-Aurore interrompit soudain les allers-retours de sa fourchette pour murmurer :
— On ne dévisage pas les gens ainsi, mademoiselle Lise, ce n’est pas correct et tenez-vous droite, s'il vous plaît !
Lisette rectifia sa position, évita désormais de fixer sa voisine et se résigna à l’ennui. Mais soudain, juste au moment où on déposait devant elle une portion de homard entouré de légumes inconnus, un bruit de voix s’éleva derrière elle, brisant net le murmure feutré des convives. À la table voisine, la vieille dame avait levé la tête. Elle jeta un rapide coup d’oeil rapide vers le fond de la salle à manger et elle dit à son mari qui avait dû l’interroger du regard : « Ce sont les Russes ».
Au même instant, le bruit d’une chaise violemment repoussée et un pas décidé se firent entendre dans le silence et Lisette vit passer à côté d’elle une jeune fille aux longs cheveux noirs et vêtue de blanc. Le majordome prévenu par les serveurs, entra précipitamment et la croisa alors qu’elle sortait. Du fond de la pièce, une voix de femme appela : « Maria ! ». Pendant quelques secondes, tout le monde se tut puis les conversations polies reprirent peu à peu. Le majordome sortit avec sur le visage un sourire d’excuse mêlant l’envie de minimiser l’événement et la peur de voir discréditer l’établissement par une clientèle mal éduquée. La salle à manger de l’hôtel retrouva son calme et son ennui. Marie-Aurore avait poursuivi imperturbablement son repas : il fallait ignorer ce qui n’aurait pas dû exister.
Après avoir mis quelques secondes à se remettre de son étonnement, Lisette considéra son assiette. Le moment qu’elle redoutait était arrivé : elle allait devoir décortiquer un crustacé ! Quelques jours auparavant, elle s’y était exercée auprès de sa gouvernante lors d’un repas pris dans sa chambre. Il fallait maintenant qu’elle y parvienne seule et en public cette fois ! Tout en tournant et retournant la carapace, elle se concentra sur la tâche à venir et comprit très vite qu’elle n’y arriverait pas. Elle se crispa : elle croyait sentir peser sur elle la curiosité de ses voisins qui allaient certainement observer son combat incertain. Elle n’osait regarder autour d'elle. Les serveurs allaient s’impatienter… L’idée de quitter elle aussi la pièce en courant l’effleura même une seconde mais, à ce moment, un nouvel événement inattendu la sauva de la déroute : le majordome réapparut et s’arrêtant près de sa table, il dit à Marie-Aurore :
— Pourriez-vous me suivre, madame ?
Ce fut au tour de celle-ci d’être troublée. Posant sa serviette, elle réussit tout de même à se lever aussitôt avec naturel et sortit sans marquer de surprise. Les murmures qui avaient cessé à nouveau reprirent et l’attention se détourna de leur table. Alors Lisette, libérée de ses hésitations, saisit avec détermination sa cuillère à dessert de sa main droite. Empoignant directement la carapace de sa main gauche, elle la vida et se régala. La rivière de diamant, horrifiée, la considérait de l’autre table. Elle n’en avait cure maintenant et elle se dit en s’essuyant les mains dans la serviette de table damassée qu’elle n’avait jamais rien mangé d’aussi bon. Ce repas était finalement d’un intérêt tout à fait exceptionnel.
Un long moment après, Marie-Aurore revint. Seule. Il sembla à Lisette qu’elle était pâle et qu’elle lui jetait un regard d’un sérieux inhabituel. Un regard qu’elle n’avait jamais eu, plus présent, différent. Oui, c’était comme si elle la voyait différemment. D’ailleurs elle ne fit aucune remarque, ne s’intéressa nullement au sort du homard et termina prestement son repas. Puis, elle se redressa et parcourut des yeux la salle avec une assurance nouvelle et étrange. Elle n’avait jamais fait cela. Lisette chercha son regard sans le trouver et avala sans même y penser le sabayon du dessert. Une alarme avait retenti en elle : quelque chose avait eu lieu… quelque chose allait avoir lieu …
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Défi
« Arduité », le mot arrêta la lecture de Victor. Il réfléchit quelques secondes. Il en comprenait le sens sans aucune difficulté, c’était le cas de le dire, mais il ne se souvenait pas l’avoir jamais lu quelque part …
« Arduité »?
Théophile de Courtenay, son collègue le grammairien si infatué de lui-même, aurait-il commis un barbarisme en rédigeant ce compte-rendu sans importance ? Il fallait qu’il en ait le coeur net.
Il leva les yeux : là-haut, sur ses étagères d’acajou étaient alignés des dictionnaires dont il avait rédigé une bonne partie et auxquels il ne touchait jamais. Cette fois, il en avait besoin.
Il se dirigea vers la fine échelle de métal fixée sur un rail courant au sommet du haut mur, la fit glisser vers la gauche, et commença une ascension décidée : l’espoir d’assouvir sa vengeance l’emplissait d’énergie.
Si ce mot n’existait pas, il allait pouvoir confondre une fois pour toutes son rival et sa bande de cuistres factieux qui l’avaient si cruellement ridiculisé à la dernière séance de l’Académie quand il avait buté sur un plus-que-parfait du subjonctif.
Il atteignit le haut de l’échelle, tout près du plafond. Il y faisait chaud. Les parfums capiteux des roses de juin semblaient s’être amassés là.
Il parcourut les lettres dorées sur les tranches de cuir des austères volumes : AA/AC/ AE / AU… Il tira à lui un lourd volume :
« arduité : 1495; de ardu. Rare : difficulté"
et une citation :
«L’arduité de l’approche du camp septentrional le protégea de l’attaque. Courtenay. Sous les arbres. »
Hélas, le mot existait et cet imbécile faisait même l’objet d’une citation !
Victor arracha la page d'un coup de dents vengeur et la mâchonna en méditant furieusement avant de la cracher par la fenêtre ouverte. Il fallait qu’il trouve autre chose et il trouverait !
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Défi
« Arduité », le mot arrêta la lecture de Pascal de Fontecombe. Il réfléchit quelques secondes en fixant sans le voir le plateau de son luxueux bureau. Il en comprenait le sens sans aucune difficulté, c’était le cas de le dire, mais il ne se souvenait pas l’avoir jamais lu quelque part …
« Arduité »?
Théophile de Courtenay, son collègue académicien, le grammairien si infatué de lui-même, aurait-il commis un barbarisme en rédigeant ce compte-rendu sans importance ? Il fallait qu’il en ait le coeur net.
Il leva les yeux : là-haut, sur ses étagères d’acajou étaient alignés des dictionnaires dont il avait rédigé une bonne partie et auxquels il ne touchait jamais. Cette fois, il en avait besoin.
Il se dirigea vers la fine échelle de métal fixée sur un rail courant au sommet du haut mur, la fit glisser vers la gauche, et commença une ascension décidée : l’espoir d’assouvir sa vengeance l’emplissait d’énergie.
Si ce mot n’existait pas, il allait pouvoir confondre une fois pour toutes son rival et sa bande de cuistres factieux qui l’avaient si cruellement ridiculisé à la dernière séance de l’Académie quand il avait buté sur un plus-que-parfait du subjonctif.
Il atteignit le haut de l’échelle, tout près du plafond. Il y faisait chaud. Les parfums capiteux des roses de juin semblaient s’être amassés là.
Il parcourut les lettres dorées sur les tranches de cuir des austères volumes : AA/AC/ AE / AU… Il tira à lui un lourd volume :
« arduité : 1495; de ardu. Rare : difficulté"
et une citation :
«L’arduité de l’approche du camp septentrional le protégea de l’attaque. Courtenay. Sous les arbres. »
Hélas, le mot existait et cet imbécile faisait même l’objet d’une citation !
Pascal arracha la page d'un coup de dents vengeur et la mâchonna en méditant furieusement avant de la cracher par la fenêtre ouverte. Il fallait qu’il trouve autre chose et il trouverait !
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Défi
Elle se tenait là, dans le vent qui secouait les buissons sur les talus, sentant se distendre désespérément le lien avec le seul être vivant qui l’aimait. Soudain, comme poussée par une force extérieure à elle, elle bondit en avant, en criant : — Attends, Gabriel ! Attends-moi! et elle courut vers lui. Le jeune homme qui s’était retourné, la vit venir, échevelée et le visage baigné de larmes. Elle le rejoignit hors d’haleine et énonça avec difficulté : — Ce n’est pas possible, je ne veux pas rester là, je ne veux pas ! Emmène-moi, Gabriel, emmène-moi! Gabriel se sentit désemparé. Le train allait arriver dans une demi-heure, il avait à peine le temps d’aller à la gare et il ne pouvait remettre son départ au lendemain. Son maître ne le comprendrait pas. Il balbutia quelques mots sans suite : — Mais je ne peux pas, je ne pourrais pas te… et tu seras bien ici… . Lisette explosa: — Non, je ne serai pas bien, elle ne m’aime pas, elle ne m’a jamais aimée, je n’ai que toi, attends-moi, Gabriel, je vais chercher mes affaires. Attends-moi, je t’en supplie ...et elle repartit en courant vers la chaumière. Gabriel resta là, indécis et bouleversé par tant de désespoir. Elle reparut quelques m
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