Sasha Grive
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Défi
Chaque enfant s'est un jour interrogé sur ces hauts monuments annelés qui mutilent l'horizon. On leur répond que ce ne sont rien moins que les rouages du temps qui font tourner le monde. Inévitablement, l'enfant se demande ce qu'il se passerait si on pressait le bouton d'arrêt.
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Défi
M. et Mme Dupont occupent le 4 rue des Troènes. Ils ont toujours fièrement soutenu être merveilleusement conventionnels, merci pour eux. Et effectivement, nul ne peut concevoir qu'ils soient impliqués envers quoi que ce soit d'insolite ou de mystérieux. Ils n'ont guère le temps pour ses sornettes. M. Dupont dirige une entreprise qui confectionne des perceuses nommée Bousin & co. C’est un homme immense et corpulent, dépourvu de cou, qui toutefois possède une pilosité de belle dimension en surplomb de ses lèvres. Mme Dupont, elle, est mince et blonde et dispose d’un cou deux fois plus long qu’en moyenne, ce qui lui est fort utile pour espionner ses voisins derrière les clôtures des courtils. Les Dupont ont un rejeton prénommé Didier ; il est pour eux le plus joli chérubin du monde. Les Dupont ont tout ce qu’ils veulent. Le seul élément importun qu’ils possèdent, c’est un secret qu’ils redoutent plus que tout qu’il soit révélé un jour. Si l’existence des Potier doit être ébruitée, ils sont sûrs de ne pouvoir s’en remettre. Mme Potier est sœur de Mme Dupont, or les deux ne se sont plus côtoyées depuis quelques décennies. En vérité, elle et son loquedu d’époux sont le plus éloignés que
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Défi
Le souffle de la vie, et toute influence extérieure, semblaient s’arrêter là, sur le perron abandonné. Au-delà, c’était une sombre mélancolie, un morne silence, qui avait pris possession des lieux. L’air y était moite et épais, presque tangible comme la poussière en suspension dressait un voile livide et latent. Le plancher vermoulu avait perdu sa constance rassurante et le bois gémissait sa vulnérabilité. Rongés et brunis par le temps, murs et plafond se déformaient sous le poids des souvenirs oubliés, laissant apparaître çà et là une ossature déchiquetée. Par les huisseries décrépites, béantes sur leurs gonds à l’instar des pages déchirées d’un livre, s’insinuaient une menue clarté qui faisait péniblement reculer l’ombre. Alors, rampant par ces voies blêmes, une nature sinistre avait repris ses droits, se faufilant entre les débris et les vestiges désuets, ces lambeaux de vie passée.
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Défi
Le chemin lui avait paru bien banal, aussi le roulis sous ses roues la déconcerta. La route se mit alors à onduler, une houle souleva bientôt le revêtement, sa frêle bicyclette avec. Impuissante, elle dévala le flanc abrupt de la vague et le flot d'asphalte se referma sur elle.
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Des trombes d’eau s’abattent sur mes fenêtres. Bien abrité derrière, je regarde les passant sous leur parapluie se hâter de rejoindre leur foyer. Mais personne ne semble remarquer, dans les torrents de pluies qui grossissent le long des caniveaux, cette sinistre ombre en émerger.
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Défi
Il est là, je le sens ; insaisissable pourtant. Si je tends le visage comme ça, sa main malicieuse caresse ma joue, puis longe ma gorge avec audace. Sa poigne se fait soudain impérieuse. Son souffle effleure mes paupières, juste avant qu'il ne me pousse cruellement dans le vide.
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Défi
Au coin de l’impasse de la Chéron, Monsieur le facteur, perché sur son vélo, fouillait dans sa sacoche usée. Il en sortit une liasse de courriers, puis après avoir parcouru les adresses d’un œil expert, il n’en garda finalement qu’un seul, adressé à un certain Monsieur Adaisse. Le courrier était une de ces cartes postales de vacances mièvres, où figurait un chiot survolant des paysages maritimes et adressant « Des bisous de Noirmoutier » à son destinataire, qui ne manqua pas de faire sourire Monsieur le facteur. Que des personnes optent intentionnellement pour ce type de cartes le laissaient incrédule. Mais après tout, songea-t-il, il était vrai que les calendriers des services postiers, truffés de chatons et de chiots aux grands yeux attendrissants plantés dans de jolis décors fleuris, avaient toujours beaucoup de succès auprès de la clientèle. Au verso, le fonctionnaire apprit que le frère de Monsieur Adaisse passait d’excellentes vacances dans l’ensemble, exception faite de cet incident où il avait marché sur un oursin. Le pied sur la pédale, Monsieur le facteur s’apprêtait à repartir lorsqu’un octogénaire le héla depuis son jardin. « Pas là, Ernest ? » Demanda le vieil homme sa
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103 458e s’arrête brusquement, lève sa grande tête en forme d’enclume. Ses antennes, dressées sur sa tête, tressaillent mécaniquement.
Elle a cru entendre un cliquetis persistant, pourtant elle ne discerne aucune phéromone inhabituelle. Mais 103 458e se méfie : une petite brise comme celle qui souffle suffit à emporter la trace d’un ennemi si tant est qu’il se soit placé contre le vent. Elle sait pertinemment que le butin des fourrageuses qu’elle escorte est susceptible d’attiser la convoitise d'individus peu scrupuleux.
Si la soldate n’a pas pu détecter de présence étrangère à l’odeur, sans doute pourra t-elle l’entendre. Elle se concentre sur les vibrations dans ses tarses.
103 458e perçoit la foulée pressée du cortège de fourmis rousses, l’allure aguerrie de ses collègues sentinelles, et même le piétinement agacé d’une soldate qui ferme la marche derrière une ouvrière particulièrement lambine. Au-delà de leur cohorte, elle distingue l’agitation des créatures indigènes environnantes : le remue-ménage souterrain d’une taupe, le vrombissement d’un bourdon qui va et vient au-dessus de leurs têtes, la démarche pataude d’un scarabée.
La soldate s’attarde sur la bête à l’épaisse chitine bleue luisante qui flâne derrière le rideau de verdure. Serait-ce ce coléoptère que 103 458e a perçu un peu plus tôt ? Assurément non : son bouquet d’odeur est bien reconnaissable – un mélange de pin, de terre et de pétrichor – qui plus est, l’insecte ne leur accorde aucune attention. À vrai dire, leur récolte du jour – composée de chenilles grasses, de cadavres de guêpes et de monceaux de cochenilles – n’est guère à son goût.
103 458e délaisse le scarabée et reprend sa reconnaissance des environs. Elle sait que son ouïe est plus fine que celle de ses comparses, mais il lui est aussi plus ardu de s’affranchir du tumulte d’informations qui assaille ses sens.
Et voilà qu’une fourrageuse s’approche et vient lui tâter les antennes.
« Que se passe-t-il ? » s’enquiert la fourmi fébrile que la posture vigilante de 103 458e alarme.
La plupart des ouvrières chargées de ramener la nourriture à la cité sont bien trop concentrées sur leur mission pour faire la conversation, mais l’agitation de l’une a tôt fait d’inquiéter les autres.
« Rien d’important. Continuer d’avancer ! » les pressent 103 458e avant que l’affolement général ne se répande.
La soldate reprend sa marche et rejoint sa plus proche collègue. D’un tapotement d’antennes, elles s’échangent leur nom. 9 123e est plus âgée, bien entraînée et porte une balafre pâle qui court de son front jusqu’à ses mandibules. 103 458e reconnaît dans cette cicatrice un trophée de guerre que l’autre soldate exhibe avec superbe. La jeune soldate ne possède pas d’aussi impressionnant stigmate, mais elle est quand même fière des quelques cabosses qui déforment son armure de chitine. 9 123e lui inspire aussitôt confiance.
« Je pars en reconnaissance aux alentours » déclare-t-elle.
« Quelque chose te préoccupe » devine la vieille guerrière.
« J’ai l’impression que l’on nous suit depuis un moment déjà » admet la jeune fourmi rousse. « Ce n’est peut-être rien, mais mieux vaut s’en assurer. »
9 123e approuve et lui promet d’assurer son poste en attendant son retour. Elle veut s’assurer que 103 458e soit bien en forme pour sa mission et lui propose de partager un peu de nourriture. La jeune soldate accepte volontiers. Leurs bouches s’imbriquent et 9 123e régurgite un reste de miellat qu’elle avait stocké en cas d’urgence.
103 458e laisse finalement le cortège de fourmis rousses la distancer. Le scarabée s’est lui aussi éloigné. Attentive aux vibrations dans ses pattes, elle écoute. Le cliquètement ne se fait toujours pas entendre toutefois.
La soldate fait demi-tour, puis s’écarte de la route de phéromones que ses consœurs remontent. Elle zigzague dans les hautes herbes, s’arrête de temps à autre, puis finit par retourner sur ses pas pour rejoindre la piste principale. Elle se dit que si un individu les suit bel et bien, soit il l’aura devancé et alors 103 458e pourra le prendre par surprise à son tour, soit il sera toujours en arrière et dans ce cas, elle compte bien qu’il la rattrape.
La foulée dynamique de son cortège n’est plus qu’une rumeur lointaine désormais. 103 458e capte à nouveau ce bruit insolite qui l’interpelle. D’abord discontinu, comme hésitant, le son reprend un rythme soutenu. La soldate croit reconnaître le son caractéristique d’un pas quoi que celui-ci soit étrangement singulier.
Soudain, une bourrasque amène à 103 458e l’odeur de son poursuiveur. L’empreinte phéromonale appartient à une fourmi d’une colonie ennemie – les belliqueuses fourmis noires d’Ho-ka-Dinn. Le curieux cliquetis accélère aussitôt : l’individu se sait compromis et fonce dans la direction de 103 458e.
La soldate a tout juste le temps de faire volte-face lorsque l’ennemi déboule sur son côté. L’espace d’un court instant, les deux fourmis sont à la fois suffisamment prêt et encore assez loin pour se permettre de jauger l’autre.
103 458e reconnaît une guerrière tout comme elle. Sa tête et ses mandibules rouges sont massives, typiques des soldates. Elle est certes plus petite, mais 103 458e ne s’en méfie pas moins : les balafres laiteuses qui parcheminent le tissu de sa cuticule témoignent en faveur de sa hardiesse et de sa résistance. Plus impressionnant encore, deux de ses pattes sont réduite à des moignons torves ; 103 458e comprend pourquoi son allure sonnait si drôlement. Enfin, l’extrémité pointue de son abdomen noir dissimule un aiguillon et une poche de venin que la soldate sait mortel.
La fourmi rousse devine que sa poursuiveuse est une éclaireuse partie en avant de son escouade ; assurément, elle a flairé dans le cortège de 103 458e et le butin aguichant qu’il transporte une opportunité certaine. Les Ho-ka-Diniennes sont justement réputées pour être des profiteuses agressives : elles attaquent les cortèges de fourrageuses des cités voisines et pillent leur butin ; parfois même, elles s’en prennent directement aux cheptels de pucerons. Cette éclaireuse-ci a déjà délester ses phéromones d’alertes ; 103 458e se doute que ses comparses ne doivent pas être loin derrière, en train de remonter la piste en direction du cortège de sa colonie.
103 458e imagine ce que l’autre guerrière aperçoit à travers ses yeux composés. Une fourmi au buste roux, légèrement plus grande et plus robuste. Elle a l’avantage d’être jeune et en excellente santé – au moins, a-t-elle toutes ses pattes. Elle n’a pas d’aiguillon caché à l’arrière de son gastre, mais une poche d’acide capable de consumer la chitine. 103 458e est une tireuse hors pair : ses sens aiguisés lui permettent de viser avec une précision infaillible – du haut du dôme de sa colonie, elle a déjà atteint des cibles dans un rayon de 70 miles myrmécéennes.
Leur prompt, mais exhaustif examen réalisé, les deux guerrières s’élancent aussitôt à l’attaque.
Malgré son infirmité, la fourmi noire est très agile et 103 458e mise sur la force brute : après un affrontement sauvage, mandibules contre mandibules, la soldate rousse parvient à se glisser sous la tête de la plus petite et emprisonne son cou entre ses puissantes mâchoires. L’Ho-ka-Dinienne se débat, se tortille pour se défaire de l’étau formidable, mais 103 458e résiste. La guerrière rousse s’efforce de maintenir la fourmi à bout de pattes, car elle se méfie de ce dard qui pourrait bien la pourfendre du thorax à l’abdomen si elle n’y prend pas garde.
Soudain, le corps de la fourmi noire se contorsionne et son abdomen se relève à la verticale. Elle dégaine son éperon venimeux : la pointe frôle le front de 103 458e et taillade une de ses antennes avant qu’elle ne lâche prise.
L’agonie l’aveugle momentanément et la vicieuse Ho-ka-Dinienne profite de l’ouverture. Ses mandibules effilées se saisissent de son antenne blessée. 103 458e secoue sa grande tête, s’agite furieusement pour déloger son adversaire, mais la fourmi noire tient bon.
103 458e sait pertinemment quelles seront les conséquences de sa défaite : la piste de l’éclaireuse guidera les Ho-ka-Diniennes droit sur ses consœurs qui les attaqueront pour voler leurs provisions. En tant que soldate, sa mission est de protéger sa colonie coûte que coûte : elle y laissera la vie s’il le faut, mais 103 458e se jure que son ennemi ne repartira pas de leur combat vivante non plus.
Résolue, 103 458e bascule son gastre sous son thorax, l’extrémité braquée vers son adversaire. La soldate sait que son jet d’acide est redoutable, mais contrairement à l’aiguillon de venin de son assaillante, son arme à elle est efficace à distance. Sous cet angle et si proche de sa cible, la force de la salve la touchera à coup sûr ; 103 458e doit bien doser pour ne pas être transpercée en même temps que son adversaire.
La pointe de son gastre se dilate, une gerbe d’acide jaillit et vient s’abattre dans le dos de la fourmi noire. Celle-ci tombe au sol, convulsée de douleur. Le liquide formique liquéfie la couche superficielle de sa cuticule. L’acide éclabousse aussi le ventre de 103 458e ; elle y était préparée cependant et elle supporte avec bravoures les brûlures.
103 458e se relève et s’apprête à détaler lorsque les mandibules de la fourmi blessée se referment autour de sa patte arrière. La soldate rousse n’hésite pas un seul instant et préfère sacrifier son membre. Ses tarses cèdent, cisaillés par les mâchoires de l’Ho-ka-Dienne, et 103 458e poursuit sa course.
La sensation d’un membre en moins est d’abord étrange, mais elle s’y habitue rapidement – après tout, elle en a cinq autres sur lesquels s’appuyer. Son adversaire la talonne déjà ; son jet d’acide, quoique très douloureux, était trop faible pour l’immobiliser définitivement.
103 458e repère un curieux monticule – un vieux porte-monnaie tombé de la poche d’un promeneur – et improvise aussitôt un plan d’attaque. Le relief pourrait bien être à son avantage : avec sa blessure fraîche et ses pattes en moins, l’Ho-ka-Dienne devrait avoir plus de difficultés à escalader la butte. En outre, l’artilleuse est d’autant plus à l’aise en hauteur pour manier son canon mortel.
La soldate rousse s’empresse de gravir le monticule. Elle jette un rapide coup d’œil en arrière : son adversaire semble d’abord peiner à grimper à la verticale comme elle l’avait anticipé, mais ses foulées se font bientôt plus assurées. 103 458e a sous-estimé l’acharnement de son adversaire ; qui plus est, la petite taille et la légèreté de l’Ho-ka-Dienne s’avère en fait un atout.
103 458e ne compte pas attendre d’être à portée d’aiguillon. Elle puise dans ses dernières forces et accélèrent l’allure. Sitôt parvenu au sommet, elle fait volte-face et braque son abdomen vers la fourmi noire encore en ascension.
L’artilleuse fait feu. L’acide fend l’air et vient transpercer le front de l’Ho-ka-Dienne. Son corps inerte dévale la pente en sens inverse et vient s’écraser au sol.
Elle descend à son tour et vient tâtonner du bout de ses antennes le cadavre de son ennemi. 103 458e s’assure que l’Ho-ka-Dienne est bien morte, alors seulement elle peut baisser sa garde. La soldate est soulagée, mais elle sait qu’elle n’est pas pour autant tiré d’affaire. Les acolytes de l’éclaireuse ne sont sûrement pas très loin et elle n’a pas intérêt à se trouver dans les parages quand ils tomberont sur sa dépouille.
103 458e rejoint la route de phéromones de ses consœurs. Elle est épuisée, mais file aussi vite qu’elle le peut en direction de sa cité. Elle songe alors à l’Ho-ka-Dienne : elle admet que cette fourmi était exceptionnellement coriace et impétueuse pour une éclopée. 103 458e portera fièrement les cicatrices des blessures que lui a infligée cette terrible adversaire comme les trophées de sa victoire.
Inspiré de la saga Les Fourmis de Bernard Werber
mots : le porte monnaie, verdure, tissu, l'ouie, affranchir, pourfendre
thème : le combat entre deux fourmis
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- Allô ? - … Regarde dans le tiroir de gauche, je t’ai dit ! Oh, excusez-moi ! Je n’avais pas entendu le combiné décrocher... Oui, bonjour. J’aurais souhaité prendre deux rendez-vous pour ma femme et moi-même. Deux doses, s’il vous plaît. On ne s’est pas encore décidé pour laquelle par contre ; nous pourrons choisir sur place ? - Oui bonjour, ... Oui, bien sûr, à partir de 13 heure, si vous voulez. Venez à l'adresse indiquée. - Parfait ! J’avais essayé « Extase Psychotique » il y a quelques années ; je pensais la faire découvrir à ma femme. - Ce ne sera pas possible Monsieur. Nous ne réalisons plus ce genre de prestation. - Ah bon ? Mince alors ! C’était pourtant des plus grisant. Perturbant, j’en conviens, mais diablement satisfaisant. - L’époque a changé Monsieur, les lois aussi. - C’est quand même bien dommage. Vous n’en fabriquez plus du tout ? Non, parce que j’imagine que des clients fortunés sont prêts à débourser des sommes coquettes pour ce type d’expériences, d’autant plus si elles sont interdites à présent. - Vous pouvez insister, mais c'est impossible. - Vous êtes dure en affaires Madame, mais je suis sûr qu’un petit billet glissé sous la table vous fera bien changer d’a
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Au commencement, il n’y avait que des laves sulfureuses, fulminant sans relâche, qui finirent par se figer en un désert amer. Bientôt, depuis les tréfonds qui brûlaient encore, jaillirent des gerbes acides qui soulevèrent l’épiderme de basalte, l'enveloppèrent de brume moite. De ce jeune éther, de terribles cataractes s’abattirent, noyant l’écorce sous des océans infinis. Dans ces eaux prodigieuses, une particule éclot : d’abord médiocre, elle grandit, se nuance et se complique, déborde même, puis investit tous les vides. Arrive alors un être à la raison faillible qui, convaincu de son hégémonie, précipite la fin.
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Depuis le bord du lavabo, Tilk’it soupire avec lassitude alors qu’il observe ses congénères étaler consciencieusement le savon au fond de la baignoire, ricanant avec malignité de leur farce. Un follet mime la future chute d’un des humains de la maison : il fait mine de glisser et exécute une pirouette rocambolesque. À la réception toutefois, le fanfaron patine sur le fond glissant et atterrit sur les fesses avec une grimace douloureuse. L’hilarité enfle de plus belle ; Tilk’it sourit lui aussi, mais seulement de la sottise de son espèce. Les follets sont fondamentalement sournois et querelleurs. Loin d'être particulièrement futés, Tilk’it reconnaît quand même que, lorsqu’il s’agit de tourmenter les humains ou de comploter contre les lutins des pièces voisines, ils se montrent vicieusement ingénieux. Mais Tilk’it, lui, n’a l’âme ni espiègle ni chicaneuse. Tout au contraire, il est pacifiste et surtout, excessivement maniaque – trait de caractère peu compatibles avec la nature chaotique de son espèce qui lui valu moult railleries. Les plaisanteries malpropres, voire périlleuses, des follets de la salle de bain ne sont décidément pas à son goût. Un follet l’accoste et lui indique que,
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Je tourne la clé dans le contact. La voiture ronfle, s'ébroue, se secoue, mais ne démarre pas. J'insiste ; pas plus de succès. Je soupire de lassitude : ce satané tacot me fait le coup au moins deux fois par semaine. Je sors de l'habitacle, me poste devant la voiture, soulève le capot et découvre les quatre chevaux miniatures folâtrant jovialement. Je tente de les tempérer, d'abord gentiment, mais les canassons turbulents me dédaignent et poursuivent joyeusement leur cavalcade. Je m'impatiente et un des chevaux se cabre et rue. Je soupire à nouveau, sonde mes poches à la recherche d'une friandise dans l'espoir d'attirer leur attention, mais celles-ci sont vides. Un passant s'arrête, me demande si j'ai besoin d'aide. Je lui montre d'un air dépité les animaux rétifs. C'est une vieille voiture, me dit-il, les chevaux ont tendance à devenir de plus en plus capricieux avec l'âge. Sur mon exemple, il fouille sa veste, y déniche une barre de céréales qu'il rompt en quatre. Les minuscules animaux acceptent la gourmandise, l'engloutissent avec des hennissements de plaisir. Ils se montrent aussitôt plus attentifs et disposés à la besogne. Je remercie chaudement mon sauveur, puis me hâte derr
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